Dans une lettre ouverte adressée au Président de la République Patrice Talon, Moussa Ahameyed Moctar a exprimé son inquiétude sur “l’accueil de forces militaires françaises sur le sol béninois”. C’est pour qu’il ressent “une profonde inquiétude quant aux implications de ce choix, qui pourrait s’avérer lourd de conséquences pour” et “pour toute la région ouest-africaine”. Il a expliqué que “leur présence a été marquée par un échec retentissant, au point qu’ils ont été chassés pour défaut de résultats, laissant derrière eux une situation critique, bien pire que celle qu’ils étaient venus soi-disant régler”.. Il a révélé que c’est cette présence de militaires français au Bénin et dans la sous-région qui pousse le Général Abdourahamane Tiani, a ne pas ouvrir les frontières avec notre pays et “ses prises de position courageuses” . Lire l’intégralité de sa :lettre ouverte au Chef de l’ État béninois.
À Son Excellence Monsieur Patrice Talon,
Président de la République du Bénin,
Cotonou, République du Bénin
Excellence Monsieur le Président,
Je m’appelle Moussa Ahameyed Moctar, de nationalité nigérienne, mais le Bénin occupe une place particulière dans mon cœur. J’ai eu l’immense privilège de passer une grande partie de mon enfance à Parakou, où j’ai suivi tout le cycle du primaire à l’école Combè et commencé le collège au Lycée Mathieu Bouké, avant que des impératifs professionnels de mes parents ne me conduisent à quitter ce pays si chaleureux.
Le Bénin a été une terre d’accueil, un foyer pour moi et ma famille, et c’est avec cette mémoire vive que je vous adresse cette lettre, empreinte de fraternité et de sincérité. Avant tout, permettez-moi, au nom des valeurs de solidarité africaine que nous partageons, d’exprimer mes condoléances les plus profondes et les plus sincères au peuple béninois, suite à la lâche attaque terroriste qui a coûté la vie à 28 de nos vaillants compatriotes africains. Cette tragédie nous rappelle que notre sécurité commune est un combat de chaque instant.
Excellence Monsieur le Président,
C’est dans cet esprit d’amitié et de souci du bien-être du Bénin que je me permets d’attirer votre attention sur une décision stratégique récente : l’accueil de forces militaires françaises sur le sol béninois. En tant qu’Africain et ami du Bénin, je ressens une profonde inquiétude quant aux implications de ce choix, qui pourrait s’avérer lourd de conséquences pour votre nation et pour toute la région ouest-africaine.
Permettez-moi, Monsieur le Président, de rappeler ici une réalité qui ne peut être ignorée : au Sahel, et particulièrement au Mali, les Français ont prétendu mener une guerre contre le terrorisme pendant plus de 10 ans. Mais, hélas, leur présence a été marquée par un échec retentissant, au point qu’ils ont été chassés pour défaut de résultats, laissant derrière eux une situation critique, bien pire que celle qu’ils étaient venus soi-disant régler. Cette leçon doit nous interpeller tous.
C’est dans ce contexte que j’espère, Monsieur le Président, que vous comprenez désormais les inquiétudes exprimées par le Chef de l’État du Niger, le Général Abdourahamane Tiani, sur son refus d’ouvrir les frontières avec votre pays et ses prises de position courageuses concernant la présence militaire française dans notre région. Son souci premier reste la préservation de la souveraineté et de la sécurité de nos nations. Partout où cette armée passe, elle ne règle pas les problèmes ; elle les aggrave, alimentant frustrations, divisions et tensions internes.
L’histoire nous enseigne que la présence militaire française en Afrique, loin d’apporter la paix, a souvent été marquée par des ingérences politiques, économiques et une gestion opaque des ressources stratégiques. Dans le Sahel, les populations ont clairement rejeté cette présence, perçue comme un frein à leur souveraineté et un facteur aggravant des crises sécuritaires.
De plus, sur le plan régional, ce choix envoie un message de désolidarisation vis-à-vis des efforts collectifs des peuples africains pour s’affranchir de toute forme d’impérialisme. Les récents départs des forces françaises de plusieurs pays africains traduisent une volonté claire : celle de bâtir des politiques sécuritaires souveraines et solidaires. En accueillant ces forces, le Bénin pourrait s’isoler de ses voisins et apparaître en décalage avec l’aspiration croissante des Africains à une véritable indépendance.
Enfin, sur le plan interne, ce choix pourrait exacerber les tensions sociales. Les populations, déjà confrontées à des défis économiques et sociaux importants, pourraient percevoir cette décision comme une priorisation des intérêts étrangers au détriment de leurs préoccupations légitimes.
Excellence Monsieur le Président,
Le Bénin, ce pays de résilience et d’hospitalité