Hier mercredi 11 décembre 2024, la constitution béninoise fondatrice de la démocratie et de l’Etat de droit au Bénin a eu 34 ans. En effet, c’est le 11 décembre 1990 qu’a été promulguée la loi N°90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin par le Général Mathieu Kérékou alors Président de la République. Cette constitution a permis au Bénin d’avoir la stabilité politique qui est la sienne depuis 1990 et d’oublier les périodes d’instabilité politique des années 60 et 70.
Depuis 1990, cette constitution a connu deux phases. Une phase de stabilité de 26 ans de 1990 à 2016 et une phase d’instabilité instaurée par le régime de la Rupture depuis 2016 à nos jours. Cette instabilité est marquée par quatre tentatives de révision de la constitution dont une a abouti le 31 octobre 2019 à la première révision constitutionnelle au Bénin. Mais il faut préciser que le 23 juin 2006, l’Assemblée Nationale d’alors avait révisé la constitution en touchant seulement à l’article 80 pour passer le mandat des députés de quatre ans à cinq ans avec effet rétroactif. Mais la Cour Constitutionnelle dirigée par Conceptia Ouinsou avait rejeté cette révision pour manque de consensus et en érigeant le consensus en principe à valeur constitutionnelle. Depuis la constitution est restée inviolable jusqu’à ce soir du 31 octobre 2019 où un quarteron de députés, tels des fantômes célébrant la fête d’halloween ont gribouillé la constitution en y mettant des dispositions sous prétexte de réformes qui ont déclenché toutes les crises politiques qu’on a connues depuis 2016. La nouvelle constitution change fondamentalement l’architecture républicaine avec la création du poste de Vice-Président de la République et instaure le parrainage et le quitus fiscal comme pièces essentielles du dossier de candidature. Depuis, les élections qui étaient naguère des fêtes se sont transformées en de véritables théâtres d’affrontement sanguinaires. Depuis, le Bénin vit dans une instabilité politique dans lequel on ne s’entend pas. Le ministre Valentin Djènontin revient ici sur cet anniversaire et attire l’attention de l’opinion publique nationale qu’internationale.
34ème ANNIVERSAIRE DE LA CONSTITUTION DU BENIN DU 11 DECEMBRE 1990.
Béninoises, béninois !
Chers compatriotes !
11 décembre 1990-11 décembre 2024, Il y a 34 ans le peuple béninois s’est donné, après le référendum du 02 décembre 1990, la Loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 comme loi fondamentale.
Dans son préambule, l’on peut clairement lire les motivations qui ont conduit le laborieux peuple béninois à se donner cette nouvelle constitution après 18 ans de régime révolutionnaire marxiste-léniniste.
« Les changements successifs de régimes politiques et de gouvernements n’ont pas émoussé la détermination du Peuple Béninois à rechercher dans son génie propre, les valeurs de civilisation culturelles, philosophiques et spirituelles qui animent les formes de son patriotisme.
Ainsi, la Conférence des Forces Vives de la Nation, tenue à Cotonou, du 19 au 28 février 1990, en redonnant confiance au peuple, a permis la réconciliation nationale et l’avènement d’une ère de Renouveau Démocratique.
Au lendemain de cette Conférence,
NOUS, PEUPLE BENINOIS, réaffirmons notre opposition fondamentale à tout régime politique fondé sur l’arbitraire, la dictature, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel. ».
Durant un quart de siècle, le Bénin a été sous la bannière de cette constitution, un havre de paix et d’alternances démocratiques, ayant d’ailleurs permis à un exilé sous le coup de plusieurs poursuites pour crimes mais pardonné par le Président de la République en exercice, de venir briguer la magistrature suprême en avril 2016.
Malheureusement, cette dernière expérience tourne en cauchemars avec la destruction systématique de toutes les valeurs et principes démocratiques ; la violation répétée de la constitution et le refus de tenir compte du consensus érigé en valeur constitutionnelle dans le vote des lois et la mise en place des institutions de la République ; la multiplication et le vote de lois scélérates, cyniques et abjectes, de codes électoraux d’exclusion ; la mise sous boisseau systématique des libertés démocratiques par la restriction de la liberté d’expression, de presse, d’associations et de manifestations ; l’acharnement contre les opposants par le biais d’un simulacre de lutte contre la corruption en les contraignant à l’exil ; l’arrestation et l’emprisonnement arbitraires de nombreux opposants pour leurs opinions politiques, leur désir de se porter candidats à l’élection présidentielle ; l’assujettissement du pouvoir judiciaire à l’exécutif avec pour conséquence le développement des conflits d’intérêts au sommet de l’Etat ; la condamnation arbitraire des opposants par une cour d’exception (Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme) ; la vassalisation des institutions de contre-pouvoirs (Assemblée Nationale, Cour Constitutionnelle, Cour Suprême, Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, Conseil Economique et Social, Commission Electorale Nationale Autonome.).
Après deux tentatives infructueuses les 4 avril 2017 et 5 juillet 2018 sous la 7ème législature, les députés de sang nommés après les élections législatives exclusives du 28 avril 2019, ont adopté le 31 octobre 2019, la Loi N° 2019-40 du 07 novembre 2019 portant révision de la Loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin.
Dans l’arrêt rendu le vendredi 4 décembre 2020, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) dénonce pas moins de neuf violations des droits humains au Bénin et ordonne l’annulation de plusieurs réformes constitutionnelles avant l’élection présidentielle du 11 avril 2021.
Saisie par un citoyen béninois, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a rendu un arrêt très critique pour le pouvoir de Patrice TALON, estimant que la Constitution révisée par le Parlement en novembre 2019 doit être abrogée.
La CADHP accuse les autorités d’avoir « violé les idéaux de la Constitution de 1990 » et ordonne le retour à ce texte avant l’élection présidentielle de 2021.
Pour la CADHP, cette révision constitutionnelle s’est faite en violation de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, et de son « principe de consensus national ». Ce texte de l’Union africaine adopté en 2007, s’impose aux pays signataires, dont le Bénin.
Pour la Cour, les deux moyens d’arriver à ce « consensus », à savoir la « consultation de toutes les forces vives » ou le « référendum », n’ont pas été suivis, et la réforme a été adoptée par un Parlement totalement acquis au président Patrice TALON après les législatives d’avril 2019 sans les opposants.
La Cour conclut que ce texte « rompt le pacte social et fait craindre une menace réelle pour la paix du Bénin » ; elle ordonne donc son abrogation avant « toute élection », et ceci bien avant la présidentielle de 2021.
Le président Patrice TALON a engagé depuis lors le pays autrefois réputé pour être un exemple démocratique, dans un virage autoritaire et sans opposition.
Chers compatriotes, voilà résumée l’histoire de notre Constitution que nous devons défendre par tous les moyens.
Malgré la sourde oreille faite par le président Patrice Talon aux arrêts de la CADHP et les demandes de libération de la Ministre Réckya Madougou et du Professeur Joël Aïvo formulées par le groupe de travail des Nations Unies, la détention continue de Steve Amoussou, du Général Philippe Houndégnon et autres, nous devons résolument poursuivre la veille citoyenne et le combat d’auto détermination de notre peuple en exigeant expressément la libération de tous les prisonniers politiques, le retour sécurisé de tous les exilés politiques sans exception et l’organisation d’assise nationale inclusive.
Vive la Constitution du 11 décembre 1990 !
Vive la République du Bénin !
Que Dieu veille sur le Bénin.
DJENONTIN-AGOSSOU Valentin.
Ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme ;
Député élu à l’Assemblée nationale, 7ème législature ;
Ancien Juge à la Haute Cour de Justice ;
Premier Secrétaire Exécutif National élu du Parti FCBE.