Le dernier sommet Chine- Afrique qui s’est tenu à Pékin du 04 au 06 septembre dernier a révélé une fois encore l’image abjecte d’une Afrique qui assume pleinement sa posture de continent accessoire, condamné à jouer le dernier rôle dans un monde en pleine frénésie technologique. Sur la photo officielle de clôture, on voit un Xi Jinping serein dont le visage dévoile un sourire ironique et une fierté d’avoir réussi à ameuter la gamme ringarde des dirigeants africains de tout acabit. De Théodora Obiang Nguéma au putschiste « accepté » Brice Oligui Nguéma – coïncidence de patronymes de deux dirigeants voisins qui gèrent leurs pays comme des épiceries de bourg. Du sud africain Cyril Ramaphosa, son compère du BRICS, au néo-autocrate Faustin Touadéra. Le non-conformiste Assimi Goïta et le sénile à la locomotion pénible Paul Biya étaient aussi présents sans pour autant apparaître sur la photo officielle. Tous les caïds étaient là. Le seul visage de jouvence est celui de Diomaye Faye, le tout jeune président sénégalais distrait par Denis Sassou Nguesso, vieux briscard à l’épiderme blanchi qui tapote à l’épaule de son jeune homologue un peu pour lui dire, « bienvenu au club ». Ces quelques secondes d’inattention captées par ce photographe n’est malheureusement que la version miniaturisée de ce qui se passe à ses sommets : ballades, bavardages, shoping des épouses, rigolades…puis les communiqués souvent truffés de vœux pieux et promesses de séduction à l’endroit des populations dont les soucis et les préoccupations sont tenus bien loin des discussions de ces genres de sommet. Les dirigeants africains qui affectionnent ces sommets y vont souvent pour se distraire un peu et pour s’éloigner un peu des fronts incandescents qu’ils gèrent au pays.
Aux termes de ces sommets, ils se contentent du peu. Quelques promesses d’investissements et de financements et les voilà hilares. Ils rentrent au pays tout fiers d’avoir fait du bon job. Leurs préposés à la communication s’occupent d’amplifier les pauvres promesses qu’ils ont ramenées en de grands projets qui vont transformer le pays et donner de l’emploi à des milliers de jeunes. Le cycle des sommets d’humiliation du genre a commencé en 1973 avec le premier sommet Afrique-France. Cette initiative malheureuse répétée depuis ce temps a contaminé tous ces pays qui veulent faire leur « business » sur le dos de l’Afrique. Aujourd’hui, on parle de sommets Afrique-Chine, Afrique-Russie, Afrique-Japon, Afrique-USA, Afrique-Turquie et même Afrique-Inde. Plaise au ciel que cela n’inspire pas aussi le Pakistan, l’Afghanistan et même la Birmanie, car ces pays d’Asie qui ploient sous l’effet de la misère, des conflits communautaires, de l’extrémisme religieux et de la dictature peuvent bien surfer la tendance et tenter leurs chances auprès du continent qui donne tout et n’attend pas grand-chose en retour.
Depuis 1973, nos dirigeants s’humilient en se rendant à ces sommets où un seul pays, dans sa prétention d’être développé, invite une cinquantaine d’autres à sa table, comme si lui seul valait eux tous. A force d’y participer tous, ils ont fini par laisser l’image déplorable de pays misérables qui tous ne valent même pas leur hôte. Le dénominatif même pose problème, « Afrique tant » comme si l’Afrique n’était que l’équivalent d’un pays. Si certains y voient les bribes d’une volonté d’unification d’une Afrique balkanisée ou d’un panafricanisme à pas de charge, j’y vois une manifestation de l’impérialisme sur toutes ses formes- la même qui asservit l’Afrique depuis des décennies- avec à la clé un contrat d’exploitation de notre contient passé sous les tables avec la complicité béate et souvent intéressée de dirigeants naïfs. L’érudit burkinabè Joseph Ki Zerbo les avait pourtant prévenus qu’ « on ne développe, on se développe ». Il mettait donc l’accent sur l’essence même du développement vu comme un processus endogène, pensé, mûri, conçu et mis en œuvre par les africains eux-mêmes ; un processus bottom up. L’effort de développement doit être personnel comme celui de l’enfant qui apprend à marcher, qui titube, tombe, se relève et qui, au bout du processus finit par marcher en persévérant dans ses efforts. Pourquoi n’organise-t-on pas des sommets « Afrique-Europe », « Afrique-Asie », « Afrique Amérique » pour mutualiser les efforts et construire de grands ensembles homogènes capables de coopérer entre eux ? C’aurait été la RDC- pays qui fournit à lui tout seul une bonne partie des ressources minières et énergétiques qu’exploitent une grande partie des pays développés- qui organise un tel sommet où elle invite toute l’Europe ou toute l’Amérique pour discuter avec elle des modalités d’implantation et d’exploitation et ses ressources et nous en serons fiers. Autrement, on croit à un plan l’humiliation auquel adhèrent nos dirigeants aux petites idées.