Depuis 34 ans, le Bénin a connu 4 présidents qui ont tous, régulièrement, respecté la constitution en prononçant à chaque fin d’année un discours bilan sur l’état de la nation. Mais jamais le Bénin n’a enregistré un discours qui a essuyé autant de critiques que celui délivré par le président Patrice Talon devant la représentation nationale le vendredi 20 Décembre 2024.
L’avalanche de critiques prouve à suffisance le caractère clivant du discours du chef de l’Etat dans un pays qui est à moins de deux ans d’échéances électorales pleines d’incertitudes. Non seulement le discours a été attaqué de toutes parts sur la forme, mais aussi et surtout sur le fond puisque le président a une fois encore réussi à choquer l’opinion publique nationale et internationale à travers ses propos. Les médias et surtout les réseaux sociaux en ont fait leur chou gras. Les personnalités politiques n’ont pas fait de cadeaux au président qui reste très souvent sourd aux critiques même les plus objectives. « Je n’aime plus écouter les discours politiques de Patrice TALON car ne m’inspirant plus depuis, aucun crédit ni moral ni d’intérêt national », fait savoir le président du parti “Restaurer l’Espoir”, ancien ministre du président Patrice Talon, Candide AZANNAÏ. Dans ce discours, le premier vice-président du parti “Les Démocrates”, l’honorable Eric Houndété quant à lui, relève des incohérences et appelle à un dialogue politique inclusif. « Pendant les travaux budgétaires, le ministre des finances nous a dit que les 30 lycées, vous ne les aurez plus. Nous allons convertir ça et vous aurez 15 lycées et après des centres de formations », a précisé le vice-président des Démocrates. Une incohérence qui a suscité son étonnement : « Qui croire ? », a-t-il demandé, interrogeant la cohérence des informations fournies par les autorités.
Selon Éric Houndété, ce discours traduit un refus d’engager un dialogue politique constructif. Pourtant, « le dialogue reste essentiel pour consolider la démocratie et répondre aux attentes des citoyens », affirme Houndété. Selon lui, il est impératif que le gouvernement œuvre pour une meilleure cohérence entre ses annonces et ses actions. « Il faut ouvrir un dialogue politique apaisé », a-t-il insisté. « Un Président de la République, quand il s’exprime devant la représentation nationale, doit incarner l’esprit de rassemblement, apaiser et rassurer. Que vous soyez de l’opposition ou de la mouvance, vous devez vous retrouver dans le discours du Président. », souligne le secrétaire national à la communication du parti “Les Démocrates”, le docteur Guy Mitokpè. Pour l’honorable Taïrou Imorou, élu démocrate de la 13ème circonscription électorale, « C’est très grave venant d’un président de la République soit-il en fin de mandat ou pas. Il a prêté serment pour protéger ce pays sur tous les plans. Il ne devrait pas insulter le passé de notre pays. Il a fait ce passé et il en est aussi responsable d’une manière ou d’une autre. De quel passé parle-t-il ? D’ailleurs, il est entouré depuis 2016 de plus de 70% de ceux qui ont fait ce passé, y compris lui même. Il a pourtant reconnu à plusieurs reprises surtout lors de ses sorties à l’international, être acteur de ce passé qu’il renie aujourd’hui ». Dans son analyse, l’ancien ministre de la justice en exil depuis plusieurs années, Valentin Agossou Djènontin trouve que « le régime de la rupture a pour arme de gouvernance le mensonge, oubliant que les investisseurs sérieux et toute personne curieuse pourrait avoir accès aux informations crédibles sans se déplacer grâce aux nouvelles technologies de la communication ». Autrement dit, l’ancien ministre relève beaucoup de mensonges dans le discours du chef de l’État face à la représentation nationale ce vendredi 20 décembre 2024.
Dans l’opinion publique, le discours du chef de l’État sonne comme une menace, une provocation, une trahison ou un refus de pacifier le pays qui végète dans les tensions sociopolitiques depuis plusieurs années. Étant à moins de deux ans de la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel, le commun des béninois pouvait s’attendre à tout sauf à un durcissement de position du président Patrice Talon en lieu et place d’un discours apaisant et rassurant. C’est donc le pire des discours jamais entendus depuis 1991, ni avec le président Nicéphore Soglo, ni avec le président Kérékou et encore moins avec le président Yayi, qui ont géré le Bénin avant Patrice Talon. D’ailleurs, peut-on s’attendre mieux du président qui a pris l’habitude des discours inflammables, vendant chaque fois et à toutes occasions, à vil prix le Bénin ? N’est-ce pas le même président qui a qualifié le Bénin de désert de compétence ou de pays de pagaille ? N’est-ce pas lui qui a promis compromettre la paix, pour un hypothétique développement ? C’est aussi lui qui a fait savoir à ses compatriotes, c’est à dire, ceux qui l’ont élu, qu’ils souffriront de ses choix politiques et qu’ils ne pourront rien faire. S’il trouve aujourd’hui le passé du Bénin honteux et refuse toute négociation, tout compromis politique, cela bien qu’étant choquant ne devrait donc pas étonné. Le problème, c’est de savoir qui sont ceux là qui s’occupent d’une communication qui éprouve de plus en plus la patience des béninois et souille la notoriété que devrait avoir l’institution qu’est le Chef de l’État ?
Une chose est certaine, le président Patrice Talon pour sortir par la grande porte en 2026 ne devrait pas tenir de si belliqueux discours face à son peuple mais plutôt des discours qui apaisent et rassurent afin de conduire le pays non pas dans le gouffre, mais à bon port.