Comme des mômes attendant qu’un bienfaiteur leur jette quelques pièces de monnaie pour leurs pitances, beaucoup de politiciens déflatés attendaient ces ultimes nominations de ministre-conseiller pour pousser un ouf de soulagement après tant d’années de disette. Beaucoup ont fait les coulisses nécessaires pour bénéficier de la sympathie nominative du chef de l’Etat. Certains ont même reçu la promesse qu’ils seront enfin nommés ministre-conseiller. Mais à l’heure de la nomination, ils n’ont eu leurs yeux que pour pleurer. Ils savent desormais qu’ils sont les « damnés » de la Rupture. Surtout que certains vieux qui n’ont pas aussi trouvé leurs noms dans les nominations pléthoriques au Conseil Economique et Social prises comme le dernier lot de consolation. Et sans tarder, beaucoup sont allés au lit très vite, ruminant avoir été trahis par leurs chefs de partis.
Mais dans cette affaire, les chefs de parti eux-mêmes ont été floués. Abdoulaye Bio Tchané n’aurait jamais proposé à la nomination un Rachidi Gbadamassi qui avait appelé à sa démission à la tête du parti. Gilbert Déou Malé doit, quant à lui, avoir le sourire jusqu’aux oreilles. A peine nommé rapporteur de la coordination communale du parti Bloc Républicain dans la 10è circonscription électorale, il se trouve auréolé du titre bien ronflant de « ministre-conseiller », non pas pour travailler avec le ministre Jean Michel Abimbola mais envoyé bien loin du secteur de la culture pour éviter d’éventuels clashs entre lui et le son ministre plénipotentiaire avec lequel il n’a pas d’atomes crochus.
Au regard de la liste présentée, on peut en tirer quelques grandes leçons. La première est que la plupart des ministres-conseillers ne sont pas forcément compétents pour les domaines pour lesquels ils ont été nommés. Si on peut saluer les nominations de Jacques Ayadji aux infrastructures, Paulin Akpona aux affaires économiques ou même Paulin Gbénou à l’enseignement maternel et primaire, on se pose assez de questions sur les nominations de certains parmi eux ? Que va faire Rachidi Gbadamassi à la défense ? Que pourra-t-il conseiller au ministre de la défense et aux stratèges militaires pour arrêter le terrorisme et l’insécurité ? L’art de l’impertinence politique ou son talent à torturer quelques neveux ? Et Claudine Prudencio ? Va-t-elle apporter un plus à un secteur de la santé en proie à maintes difficultés ? Son sourire et ses maquillages pourront soulager assez de malades, qui sait ? Que diantre l’informaticien Janvier Yahouédéou va s’ennuyer sérieusement en conseillant sur les services publics. Mais si c’est à ce prix qu’il pourra gagner espèces sonnantes et trébuchantes pour oublier ses anciens salaires de député c’est tant mieux. Et l’artiste Gilbert Déou à la justice ? Que fera-t-il ? On se rend bien compte que ces nominations ne tiennent ni compte des profils, ni compte des compétences. Elles donnent l’air de nominations farfelues dont les hommes politiques raffolent quant il s’agit de caser quelques partisans en manque de sinécure. Des gâteaux distribués aux derniers courtisans ou partisans qui grattent encore la tête. Ces nominations donnent, dans certains cas, l’impression de « prime à la persécution de l’opposant ». Le cas le plus parlant est celui de Rachidi Gbadamassi dont l’activisme et l’impertinence politique auront heurté plus d’un. Désormais, on sait donc qu’il était en « mission commandée » et son commanditaire ne s’est pas caché pendant longtemps. C’est aussi le cas, dans une moindre mesure, de Sèdami Mèdégan Fagla qui ne manque aucune occasion de vitrioler les opposants et les voix critiques de la rupture. La plupart des personnes nommées étaient des proches et soutiens indéfectibles du chef de l’Etat. De Claudine Prudencio à Jacques Ayadji- tous deux responsables de partis de la mouvance- en passant par Sèdami Mèdégan Fagla, Gilbert Déou malé, Janvier Yahouédéou et Rachidi Gbadamassi, tous ont en commun d’êtres des amis ou des soutiens du chef de l’Etat. Cette nomination vise plus à caser les derniers amis fidèles et leur permettre de gagner un peu d’argent avant la fin de son dernier quinquennat. Au regard des profils, on peut aussi dire qu’il s’agit de nomination politique. En effet, « le ministre-conseiller a pour mission de contribuer d’une part à la définition de la politique du gouvernement et d’autre part au suivi de la mise en œuvre du Programme d’Actions et des initiatives du gouvernement ». Il s’agit donc de prérogatives purement techniques que visiblement la plupart de ces ministres ne possèdent. Pour mériter les salaires mirobolants qu’on se prépare à leur attribuer, beaucoup vont être commis à la besogne de pourrir la vie aux opposants ou de travailler pour le maintien du régime lors des élections générales de 2026. La dernière leçon est que ces dernières nominations prouvent définitivement que le président Patrice Talon n’a tellement dispersé sa troupe qu’il ne lui reste que quelques soldats de 12è classe à peine capables de réussir des exploits au front. A son corps défendant, il a été obligé de procéder à ses nominations même en dépit d’une éventuelle remise en cause de ce collègue par la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples(CADHP) saisie par un collège de cinq juristes béninois.