La crise bénino-nigérienne engendrée par le coup d’Etat de juillet 2023 a révélé autant de panafricanistes web 2.0 que de journalistes de même acabit. S’ils se gargarisent des mêmes théories antioccidentales et complotistes ambiantes, les premiers semblent se donner un domaine de définition plus large avec une approche holistique des choses tandis que les seconds, eux, officient de manière opportuniste pour les intérêts propres à un Etat donné en prenant fait et cause pour l’un contre l’autre. L’approche, dit-on, est souverainiste et patriotique. Les médias disent défendre leur pays et s’en prennent aux autres pays. La méthode consiste à s’aligner sur l’argumentaire des responsables politiques de leur pays qu’ils prennent pour vérité d’évangile et la défend sans réserve, et la diffuse sans le moindre traitement. La sagacité et l’esprit critique qui devraient guider le journaliste se mettent subitement à genou devant la volonté de servir le politique et de diffuser tous ses propos, même les plus indignes et les plus incendiaires. La volonté manifeste est de « faire plaisir » aux commanditaires en trouver la faute, l’erreur et la compromission chez l’autre. A longueur de journée, ça débite des chroniques partiaux et des articles dithyrambiques à l’endroit de leurs « dirigeants » sur les tabloïds, les plateformes numériques et les réseaux sociaux. Les propos et les déclarations de ces dirigeants sont relayés sans réserve. Avec emphase et beaucoup d’émotions.
Au Niamey, cette presse pyromane a pion sur rue. Qualifiée de « patriotique », elle est au service du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie( CNSP) qu’elle sert sans état d’arme. Elle emprunte aux panafricanistes leur vocabulaire ordurier, déblatère à longueur de journée sur Talon, son gouvernement et une partie de la presse béninoise ; celle justement qui joue le même rôle qu’elle chez nous ici. Dans cette euphorie de défense des intérêts du CNSP et du Niger, elle a poussé son outrecuidance plus loin, ne faisant plus la différence entre cette presse de caniveau – un quarteron de journalistes dont les pratiques peu professionnelles sont connues depuis des années – et la presse béninoise dans sa globalité et dans son pluralisme.
A Cotonou, la nouvelle presse qui n’ose se donner aucun qualificatif et qui se positionne en contradiction à celle du Niger, tombe dans les mêmes travers de la « communication inintelligente » pour le régime Talon accusé de tous les malheurs du Niger. Comme celle du Niger, cette presse qui dit défendre aussi le Bénin use d’un vocabulaire peu recommandable, prône la haine contre le Niger et le dénigrement du Général Tiani.
A Lomé, il n’y a pas mieux. Bien que n’étant directement impliquée dans cette crise bénino-nigérienne, la presse togolaise a majoritairement pris fait et cause pour le Niger, accusant régulièrement Patrice Talon et le gouvernement béninois d’être responsables de cette crise qu’ils entretiennent en provoquant chaque fois le Niger. Elle aussi semble jouer sur le terrain du « patriotisme béat » en vogue aujourd’hui dans la sous-région. Evidemment, le Togo croit profiter de la situation pour ravir la vedette au Bénin en multipliant les actes de séduction et les missions de bons offices à Niger. Et sa stratégie semble lui marcher puisqu’il a réussi à dévier une bonne partie du trafic portuaire, si ce n’est la totalité, du Niger vers le port de Lomé.
A Niamey, Cotonou comme Lomé, il se développe d’ignobles médias de haine, prêts à descendre dans les poubelles de la profession pour y rechercher les ingrédients de cette nouvelle vocation. Et celle-ci n’est guère la collecte, le traitement et la diffusion d’informations mais plutôt le choix de susciter d’émotions, de provoquer la peur au sein des populations et surtout de semer les germes des conflagrations futures. Ce sont les médias du « pour » et du « contre ». Pour ceux qui défendent Tiani et le CNSP, Talon est le diable parfait. Et pour ceux qui adoubent Talon, Tiani est un sulfureux personnage qui rend la vie difficile à Talon. Ces différentes presses sous ordre, ont mis de côté les notions basiques du journalisme et se préoccupent peu de la stabilité et de la paix dans la sous-région. Ils jouent tous à faire monter le mercure de chaque côté en allant parfois dans la désinformation et les calomnies. Dans un contexte de tension, les médias devraient s’accrocher à leur déontologie et contribuer à la recherche de la paix. Ils doivent procéder à un traitement rigoureux de l’information et fait un black out sur les propos attentatoires à la paix et la cohésion de la sous-région. S’il n’est pas possible de déplacer l’un quelconque des deux pays et de l’amener loin, il est irresponsable d’entretenir cette psychose et cette terreur. Sauf pour ceux qui ont des intérêts particuliers dans le maintien de la crise, le Bénin et le Niger sont appelés à vivre ensemble l’un à côté de l’autre et à coopérer pour le bonheur de la sous région. Avis aux plumes armés et aux pyromanes de la presse ! On vous aura avertis.