Depuis 2016, plusieurs secteurs économiques et filières battent de l’aile. C’est le cas du secteur de la boucherie où les bouchers, en grande masse, sont confrontés à d’énormes difficultés. Il s’agit des problèmes d’approvisionnement en bœuf, de réglementation des abattages, des faux frais perçus par les intermédiaires, de la qualité des viandes et de la non subvention du secteur par l’Etat. Pour en parler, la rédaction du journal Le Patriote s’est rapprochée du Président de l’Association des Bouchers du Bénin(ABB) Apety Kossi Gaston. Avec lui, nous avons fait la lumière sur les nombreuses difficultés de ce secteur et la sourde oreille du gouvernement à ce propos.
Présentez-vous à nos lecteurs
Merci pour l’intérêt que vous nous accordez. On m’appelle Apety Cossi Gaston. Je suis le président de l’Association des Bouchers du Bénin.
En quoi consiste réellement le travail de la boucherie ?
Le travail de la boucherie consiste à abattre les bœufs dans les règles de l’art à l’abattoir, de les disséquer en morceaux de viande et les vendre à la population. En tant que boucher, on s’assure de la qualité de viande commercialisée. Et notre association veille scrupuleusement à tout ça.
La Rédaction : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre secteur d’activité ?
Les difficultés des bouchers sont énormes. Et on a l’impression que le gouvernement ne pense jamais à nous. L’Association des Bouchers du Bénin s’interroge sur plusieurs préoccupations. Pourquoi l’abattoir existe-t-elle vraiment ? Quel est son rôle envers les bouchers? On a l’impression que l’abattoir n’existe plus au Bénin. Avant, le Niger, Mali et le Burkina Faso exportaient généralement les bœufs vers le Bénin. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Il n’y a que le Niger qui exporte ses bœufs ici. Et c’est dans ce petit nombre que les bouchers togolais, ivoiriens et même ghanéens viennent acheter. L’association avait fait un prêt de 11 millions pour mener des enquêtes dans les lieux de vente des bœufs au nord afin de connaître les raisons pour lesquelles les bœufs ne sont plus nombreux. Et c’est alors qu’on a su que certains bœufs sont malades. Et aujourd’hui, tous les bouchers sont endettés au Bénin. Ils font des prêts mais n’arrivent pas à rentabiliser.
L’autre chose qui se passe est que sur les parcs de vente, c’est l rôle malsain joué par les intermédiaires et démarcheurs. Ce sont eux qui aggravent la situation des bouchers. Souvent, ils viennent jouer aux traducteurs en faisant des spéculations sur les prix et en obligeant les bouchers à acheter les bœufs très chers. Tout cela s’observe juste parce que le gouvernement n’a pas réglementé les prix des bœufs. Aussi, quand les bouchers du Nigeria viennent acheter, ils ne le font pas en fonction du kilogramme. Ce qui est désavantageux pour nous les bouchers béninois.
Vous parliez tantôt de l’abattoir, quel est le problème autour des abattoirs?
Pour faire une rétrospection, dans les années 1994 à 2000, il faut dire que la manière dont l’abattoir fonctionnait n’est plus pareille aujourd’hui. Dans la règle, quand vous achetez votre bœuf, vous devez nécessairement l’amener à l’abattoir afin de le tuer dans les règles de l’art peu importe là où vous vous trouvez au Bénin. Même pour les cérémonies familiales, c’est ce qui doit être fait. Mais malheureusement, on constate aujourd’hui que les gens outrepassent ces règles, surtout ceux qui font des cérémonies familiales. Lorsque vous amenez votre bœuf à l’abattoir, on est sûr de la qualité de la viande. De là, si on trouve une maladie dans le bœuf, on le saisit et l’enterre devant tout le monde. Et aujourd’hui, c’est uniquement les bouchers qui amènent les bœufs à l’abattoir. Plus personne d’autre ne le fait. Pire, il y a d’autres bouchers qui fonctionnement dans l’informel, tuent les bœufs chez eux et viennent vendre dans les marchés. Souvent, vous les verrez avec de la viande dans les bassines. Et là, ils fixent le prix comme bon leur semble sans même utiliser la balance. C’est aberrant ce qui se passe. La viande n’est pas comme les tomates où on peut mettre sur la tête et vendre. Si vous allez par exemple à la place Bulgarie, vous les verrez avec des bassines sur la tête et là, c’est sûr que ces viandes ne sont pas de bonne qualité.
Le gouvernement a-t-il mené des actions envers votre association ?
Pour dire vrai, aucun gouvernement n’a jamais pensé aux bouchers. Et le ministre actuel de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche a pris par plusieurs gouvernements. On le voit toujours parler des actions du gouvernement dans le domaine de l’agriculture, dans le domaine de l’élevage et même dans le domaine de la pêche. Mais jamais dans le domaine de la boucherie. C’est à croire qu’on n’existe pas. On a écrit plusieurs fois déjà au ministre de l’agriculture de l’élevage et de la pêche pour le rencontrer en personne et lui exposer les difficultés qui minent notre secteur. Mais il nous a répondus une seule fois et c’était ses collaborateurs qui nous ont reçus. Pendant l’audience, ils nous ont demandé de redéfinir notre motion avant de revenir tout comme si c’est nous-mêmes qui allons régler le problème. Pour eux, on devrait régler le problème à l’abattoir alors que ça ne peut pas être possible. Il faut forcément l’intervention de l’autorité. Dans notre secteur par exemple, ils doivent subventionner l’élevage mais ils le disent souvent le faire mais nous ne voyons pas réellement ce qu’ils font ni ceux qu’ils aident. Le gouvernement fait la sourde oreille concernant notre secteur. Et le constat que nous avons fait est que certaines autorités sont de mèche avec ceux qui sont à l’abattoir. Raison pour laquelle ils ne font rien pour améliorer notre situation.
Que préconisez-vous pour l’amélioration de vos conditions de travail ?
Il n’y a aucune aide pour le boucher au Bénin. Nous voudrions que le gouvernement fixe le prix des bœufs. Puisque dans le passé, on arrive à peser le kilogramme du bœuf vivant. Mais aujourd’hui, ce n’est plus pareil. C’est juste le kg de la viande qui est pesé. Au Burkina Faso par exemple, le bœuf se pèse de son vivant et là bas, il y a une réglementation dans le secteur. Là, c’est plus facile de connaître le prix. Ce qui se passe dans le marché des bœufs au Bénin est très bizarre.
Comme revendications, nous voudrions que le gouvernement construise des abattoirs modernes dans chaque département comme tout est modernisé maintenant. Il faut qu’il uniformise le prix du kg de la viande de bœuf au pesage. Nous voudrions également que le gouvernement fasse peser le bœuf et le mouton avant leur abattage et fixer un prix au kilo comme pour le porc. Qu’il assainisse et contrôle le secteur de l’élevage des bœufs et du mouton. Qu’il assure le transport des animaux (bœufs, moutons, porcs…) abattus par des véhicules frigorifiques d’un département à un autre. De même, il faut que le gouvernement prenne une décision pour interdire l’abattage clandestin des bœufs. Parfois, on souffre gravement de certains maux. Il y a deux mois environ, l’un de nos collègues est passé de vie à trépas. Nous voudrions donc que le gouvernement organise des séances de visite médicale aux bouchers pour s’enquérir de notre état de santé. Et pour finir, nous voudrions que le gouvernement crée un fond d’appui aux bouchers. Ça peut nous alléger la tâche. Déjà que notre travail consiste à nourrir la population en matière de viande.
Votre mot de fin
Je vous remercie pour l’intérêt que vous accordez aux bouchers. J’exhorte mes collègues à continuer dans la bonne dynamique pour que nous puissions nous faire entendre un jour. D’ici là, nous ferons une conférence de presse pour exposer à nouveau nos difficultés espérant toucher l’autorité.
Propos recueillis par Gildas AHOGNI