Les dirigeants africains sont souvent accusés par une certaine classe d’intellectuels d’apatride. Mais le Père Eric Aguénounon, philosophe politique , Ecrivain-essayiste et spécialiste des relations internationales, reçu le dimanche 24 septembre 2023 dans l’émission « L’Invité » de la chaîne de télévision en ligne ESAE, a déclaré que le problème de ces dirigeants africains « est un problème d’éducation, de conscience et de formation ». Il s’est d’abord posé la question de savoir : « Comment va-t-on en politique chez nous ? ». Selon le philosophe politique, «on va en politique pour se servir et asservir les autres » et que « la politique est la voie royale d’une certaine ascension sociale ». « C’est la voie royale pour avoir de l’argent, pour s’enrichir » a-t-il renchéri.
Mais l’Ecrivain-Essayiste se demande si on fait réellement la politique pour servir le peuple ou bien est-elle vraiment une école ? Dans sa réponse, il a affirmé que « rare sont ceux qui ont commencé comme jeune militant, conseiller municipal, maire et député et qui vraiment sont allés à une école de la politique». Aussi a-t-il fait savoir que les universitaires ou les hauts cadres qui sont nommés en politique n’ont rien apporté à la vie politique. Pour lui, s’ils apportaient quelque chose, ils seraient élus. Ce qui se passe selon le Père Aguénounon, «notre vie politique est structurée autour de l’argent-roi et c’est celui qui a l’argent qui devient chef» et contrôle tout. Contrairement aux pays africains, il a indiqué que dans un pays développé, ce sont les chefs d’entreprise qui font les chefs d’Etat. « Voyez comment aux Etats-Unis, le candidat mobilise des ressources pour sa campagne » a-t-il lâché avant d’ajouter : « On sent que c’est le monde des affaires qui soutient le Chef de l’ Etat et qui fait le Chef de l’Etat. Ici c’est le contraire, c’est le politique qui fait le monde économique et le monde économique doit être assujetti à la politique ».
La question de la refonte du système
Au sujet de la refonte du système, le spécialiste des relations internationales croit que le travail qui est à faire, c’est un travail d’éducation, de formation deconscienceet de l’être pour les générations à venir. Selon lui, il faut former les générations d’aujourd’hui. L’avenir de la jeunesse béninoise et africaine préoccupe énormément le Père Eric Aguénounon. Mais, il se demande qu’est-ce que les jeunes d’aujourd’hui apportent de nouveaux à la société. « Est-ce qu’on a de l’espérance lorsqu’on voit les jeunes ? Est-ce que les jeunes apprennent vraiment des anciens ? Ou bien les jeunes sont pressés de balayer les anciens ? Quand ils balaient les anciens qu’est-ce qu’ils instaurent ? ». Ce sont autant de questions que se pose l’Ecrivain- Essayiste. La seule solution selon lui , c’est qu’ il faut former les générations d’aujourd’hui dans nos écoles et dans nos établissements. La formation des jeunes à l’université le préoccupe. « Quel est la structure intellectuelle, la structure patriotique de chaque citoyen » a-t-il laissé entendre.
Renvoi de la France
Le spécialiste des relations internationales a affirmé que même si on renvoie la France, il y aura encore des problèmes. Pour lui, on ne peut renvoyer la France et se donner à un autre pays occidental. Selon lui, « il ne s’agit pas de renvoyer les gens mais il s’agit déjà nous-mêmes de nous former, de nous responsabiliser, d’aller vers une industrie et une économie fortes ». « Si on les renvoie et si nous-mêmes, on n’est pas capables de transformer nos matières premières » et « d’avoir une économie forte, une monnaie forte, on ne peut pas s’en sortir » a-t-il déclaré . Donc pour le Père Aguénounon, au lieu de renvoyer les gens, il faut que nous puissions avoir une économie forte, une monnaie forte et qu’ il faut une autodétermination aux plans industriel et économique pour entrer en partenariat d’égal à égal avec les autres.
Peur du lendemain
Le philosophe politique reconnaît qu’on peut renforcer les textes. Mais il a précisé qu’ « en Afrique, nous ne respectons pas les textes ». Et que c’est le monde de l’oralité, du plus fort et de celui qui s’appuie sur les ressources endogènes, les esprits endogènes pour tenir le pouvoir. « Il y a une peur de quitter le pouvoir. Il y a une peur de l’après pouvoir. Il y a même une peur que celui que j’ai choisi comme dauphin, est-ce qu’il va me respecter ? Est-ce qu’il va continuer à m’entretenir et fermer les yeux sur tout ce qu’on a semé ? » a –t-il révélé avant d’ajouter que les présidents qui refusent de laisser le pouvoir « ont même peur de la trahison du meilleur ami , du meilleur dauphin ».
C’est pour guérir de tout cela, selon le Père Aguénounon, que la démocratie a été instaurée. Pour l’écrivain-essayiste, ce qui fait la beauté de la démocratie, c’est l’alternance à travers les élections. Mais dit-il « si les élections sont truquées, si les élections sont des parodies d’élection et si on peut se maintenir par des coups d’Etat institutionnels alors là la véritable question se pose ». Il a posé une série de questions à savoir : «Comment incarner une démocratie selon nos us et coutumes ?, comment inculquer une démocratie parce que la démocratie est inachevée , elle est indéterminée. Comment construire une démocratie pour un pays pauvre, pour un continent pauvre comme le n nôtre ? » Pour le philosophe politique, la démocratie est souhaitée mais il faut la construire, l’adapter et il faut- être éduquée à cela. La démocratie selon lui « s’accompagne aussi d’une certaine revalorisation, d’une certaine industrialisation et d’un certain capitalisme » .