L’année 2026 ravive les appétits politiques les plus fous. En dehors des prétendants aux titres de députés et de maires, il y a ceux qui aspirent au prestigieux maroquin de chef de l’Etat. Parmi eux, un ministre d’Etat du président Talon qui, sans grand courage, peaufine en catimini une stratégie de candidature en solitaire et en défaveur des deux grands partis de la majorité présidentielle qu’il étiole en y piochant des éléments pour créer samedi prochain à Parakou le Cercle de Réflexion des Pionniers(CRP).
Dans une interview accordée à la télévision nationale le 23 décembre 2023, le président Patrice Talon a abordé la question de sa succession en 2026. Sans langue de bois, il s’était prononcé sur le cas de son ami Olivier Boko dont la candidature faisait, à l’époque, objet d’une grande campagne de vulgarisation à travers tout le pays. Il avait clairement fait savoir qu’il n’est pas du genre à « faire la promotion » de ses amis, de sa famille et de ses proches. Une posture intelligente dans l’apparence qui semble bien l’éloigner des intrigues et machinations pour imposer un candidat qui sera un parent ou un ami. Il avait aussi, telle une consigne, affirmé que c’était trop tôt pour lancer un tel projet. Les prétendants devraient donc attendre qu’à six mois de l’élection les partis politiques habiletés ouvrent le débat et une procédure d’enregistrement de candidature. Depuis, une relative accalmie est revenue dans son camp. Les lieutenants d’Olivier Boko qui sillonnaient tout le pays pour y installer des cellules à sa cause et faire des déclarations pour susciter sa candidature se font plus rares, tout au moins plus discrets. Les autres prétendants, moins courageux, ne contentent de quelques initiatives sobres et de rencontres informelles pour chuchoter à quelques affidés leurs ambitions pour 2026. Entre temps, les amendements du Code Electoral ont définitivement scellé les velléités de beaucoup parmi eux qui rêvaient de candidature. On peut donc dire que le chef de l’Etat avait été compris. Si bien compris que l’un de ses ministres, qui avait bénéficié aussi de quelques déclarations éparses de soutien à sa candidature avait sifflé la fin de la récréation en affirmant dans un communiqué qu’il trouvait « indécent » et « prématuré » de « s’engager dans le débat sur les élections présidentielles de 2026 à ce jour ». On était le mardi 4 juillet 2023 et il entendait se mettre entièrement au service de la mission que le chef de l’Etat lui a confiée. Au travail donc pour la réalisation des objectifs du gouvernement et la poursuite des réformes.
Boko bis
Mais près d’un an après, alors qu’on égraine les derniers 15 mois avant les dépôts des candidatures, chacun semble se rendre à l’évidence de la nécessité de prendre son destin politique en main et de battre le fer tant qu’il est chaud afin qu’il ne se refroidisse pas. Même ceux qui, voulant jouer aux « élèves disciplinés de l’école Talon » avaient affirmé qu’il était « indécent » d’agiter une candidature en son temps ont décidé de se jeter à l’eau. La conjoncture n’est d’ailleurs plus trop favorable : les deux partis de la majorité présidentielle qui peuvent proposer des candidatures sont dirigés par des candidats potentiels ou parrainent d’autres au sein de leur parti. Le dévoué « ministre du 4 juillet 2023 » cherche donc une parade pour créer une dynamique autour de sa personne. Et malheureusement, il est allé chercher la plus mauvaise option qui risque d’être suicidaire pour la majorité présidentielle et provoquer l’ire du président Talon. Selon donc les indiscrétions, ledit ministre a pris par le truchement d’un de ses fidèles lieutenants bien connu pour créer un groupe politique. Pour se faire discret et ne réveiller aucun soupçon, le groupe est baptisé « Cercle de Réflexion des Pionniers ». Le groupe de mots « cercle de réflexion » est souvent un bon emballage pour cacher les ambitions politiques inavouées. Et donc ce CRP a semblé bien jouer le tour. Sauf que les plus curieux peuvent lire dans l’introduction de leur brochure les intérêts manifestes pour la succession en 2026. « En 2026, le Bénin connaîtra les élections générales dont la présidentielle constitue, à n’en point douter, la clé de voûte. Des questions que se posent les Béninoises et les Béninois à ce jour se résument, entre autres, à celles-ci : qui pour consolider et pérenniser les acquis des 10 années de gouvernance ? Allons-nous laisser un si précieux héritage dans les mains d’un aventurier politique ou un non-initié du couvent de la rupture qui sera peut être préoccupé à régler des comptes au lieu de continuer à mobiliser les ressources financières à l’international pour poursuivre l’œuvre pharaonique engagée ? ». Il est donc clair que ledit CRP est créé pour trouver réponses à ces questions. On y voit en filigrane d’ailleurs un profil se dessiner. Et ce n’est pas tout. Selon des informations concordantes, le fameux CRP pioche actuellement des militants dans l’Union Progressiste le Renouveau (UPR) et surtout dans le Bloc Républicain(BR) où les dégâts sont énormes. Plusieurs membres des bureaux politiques et des directions exécutives de ces partis sont appelés, marchandés pour y adhérer. Ils sont conviés une fois par semaine, tous les mardis, à des réunions pour peaufiner les stratégies de conquête et de mobilisation d’adhérents et de préparation du congrès du cercle de réflexion. Ceux qu’on appelle donc des pionniers ne sont donc que les responsables débauchés des partis. Des cadres de son ministère et des Directeurs de régie financière ont participé plusieurs fois à ces réunions politiques. Certains, craignant de subir les représailles du président Talon se font discrets et méfiants. Il s’agit d’un projet politique conçu dans l’hypocrisie pour affaiblir les partis et faire le boulevard à un seul individu au détriment des partis. Toute chose qui va contre la vision du chef de l’Etat qui n’a de cesse, œuvré pour la consolidation des partis et un système partisan assez clair et lisible. On se demande alors s’il est au courant de ce projet de l’un de ses ministres ou s’il ferme les yeux sur ça par pure stratégie politique ? Si tel est le cas, que reproche-t-on alors à Olivier Boko dont les lieutenants, avaient eu une meilleure approche puisque les éléments mobilisés pour les mouvements OB2026 ne provenaient pas des partis politiques ? Il s’agira donc d’un favoritisme qui risque d’affaiblir cette mouvance davantage. Et surtout le président Talon qui se doit d’arrêter les velléités de son ministre qui passe outre ses consignes.