Depuis plusieurs jours, flèches et plumes armées tombent sur l’Eglise catholique comme dans une partie de guerre entre tribus indiennes. Activistes, tabloïds, communicants zélés en quête de frics et de buzz sont tous commis à la tâche. Les arguments aussi insolites les uns que les uns font état tantôt de désaccord entre ecclésiastes sur l’organisation du colloque sur le Code Electoral, tantôt d’opposition de fidèles à cette décision de la hiérarchie cléricale. Comme prise d’une crise aiguë de mythomanie, les mêmes proclament une intelligence perfide de l’église avec l’opposition, une sorte de mariage incestueux qui n’honore aucun des époux. Les acteurs de la tragi-comédie concluent leur œuvre par une invite à la création de parti politique par l’Eglise.
Un détail intrigue dans cette vaste campagne de sabotage dont on a fini par comprendre que le principal mobile est de dissuader l’Eglise catholique à ne pas parler du Code. Peine perdue, dira-t-on puisque le colloque finit par se tenir au corps défendant des apprentis recrutés pour noircir l’œuvre. On croyait avoir vu le dernier épisode mais erreur. D’autres ecclésiastes entrent en scène et s’alignent sur la position de ceux qui, depuis le vote de cette loi, claironnent partout que la meilleure loi électorale de l’histoire politique du Bénin. Les mêmes avaient, en 2018, vanté les mérites de ce code qui a engendré les élections meurtrières et exclusives un an plus tard. Ce code qui sera touché en 2019 n’a pourtant pas atteint le degré de perfection souhaité puisqu’une erreur matérielle détectée par un citoyen a fini par déclencher sa révision en 2024.
Mais ce débat, loin d’être un de qualité a livré une seule chose : les misères intellectuelle et morale dans lesquelles végète une grande partie de l’élite ou supposée telle et qui l’amène à opiner et même critiquer sans trop savoir de quoi elle parle.
Elle ne sait pas, cette supposée élite, que l’église a adopté en 1891 avec l’encyclique de Léon XIII le Rerum Novarum, d’où émane la doctrine sociale de l’église. Celle-ci désigne l’ensemble des textes du magistère destinés à guider la conduite du chrétien désireux d’orienter tous les aspects de sa vie vers Dieu. Elle a pour principes : la dignité humaine, le bien commun, la destination universelle des biens…La quête de la dignité humaine amène donc l’église à accompagner les fidèles dans la réalisation de ses principes. On peut donc comprendre aisément qu’une loi électorale exclusive engendrera des élections violentes et celles-ci porteront gravement atteinte à la dignité humaine. La doctrine sociale de l’Eglise catholique prend bien en compte la dimension holistique de la vie sociale : la politique, l’économique, le social…Les décisions politiques ont d’impact sur la vie sociale et sur la dignité humaine. L’Eglise catholique n’attend pas que de gérer les problèmes causés par les décisions politiques, elle se positionne aussi en amont de la chaine pour aider à éviter les problèmes. L’année dernière, la même aumônerie nationale des cadres et personnalités a organisé un colloque sur le vivre ensemble et les évêques se sont préoccupés du sort des victimes des dernières violences électorales. Lorsque l’Eglise catholique s’attelait ainsi à gérer les conséquences de l’application du même code électoral par le passé, il n’y avait personne pour trouver qu’elle faisait la politique.
Lorsqu’en 1990, l’église vient à la rescousse de la politique à travers l’élection de Mgr Isidore De Souza comme président du présidium de la conférence nationale, pourquoi n’avait-on pas dit que l’église faisait la politique ? Il a pourtant occupé un poste de responsabilité éminemment politique en devenant président de Haut Conseil de la République(HCR) et fut à ce titre, 2è personnalité de l’église ? Les 22 et 23 septembre 2023, les évêques de la France réunis à Marseille ont fait une déclaration sur la loi sur l’immigration en prenant le contre pied du gouvernement Macron. Eux aussi faisaient-ils la politique ?
Au demeurant, cette attitude du gouvernement à combattre toute contradiction autour du code ravive les soupçons sur des pièges qu’il y cache et sur ses vraies motivations.