Du jamais vu. Pour une marche de protestation des organisations syndicales contre la cherté de la vie, ce samedi, le gouvernement du président Patrice Talon a sorti l’artillerie lourde contre les responsables syndicaux avec à la clé des arrestations des secrétaires généraux des confédérations syndicaux. Cela ne s’est jamais passé au Bénin depuis l’avènement du renouveau démocratique, même s’ils ont été libérés après.
Un retour dans le passé peut aisément le démontrer. Sous le régime du président Nicéphore Soglo de 1991 à 1996, les syndicalistes ont pleinement joui de leurs droits. Grèves, sit-in et mouvements de protestation étaient leurs armes de revendications. Ce qui amenait les gouvernants d’alors à la table de négociations avec eux. Il n’y a jamais eu une quelconque violence à l’endroit des travailleurs quand bien même Soglo et ses thuriféraires parlaient de manipulation syndicale. A l’avènement du pouvoir du président Mathieu Kérékou en 1996, les syndicalistes ont continué de jouir de leurs droits. En 2005, il y avait même eu une marche sur la présidence. Contre toute attente, le président Kérékou a reçu les manifestants et chanté en chœur avec eux la chanson : « Nous ne pouvons plus reculer, nous l’avons décidé… ».
Début du recul du syndicalisme
Sous le régime Yayi, le syndicalisme béninois était tout feu, tout flamme de 2006 à 2011. Les travailleurs disposaient de leurs droits comme bon leur semble. À un moment donné, les dirigeants avaient commencé par y voir une menace pour le développement du pays. Le président Boni Yayi dénonçait ce qu’il appelait « démocratie Nescafé » pour décrier les mouvements de grève dans le pays. Quelques mois après sa réélection en 2011, le droit de grève a été supprimé aux douaniers. En 2013, une marche de protestation des syndicalistes a été réprimée dans le sang à la bourse du travail. En 2015, le régime avait également tenté de supprimer le droit de grève aux magistrats. A plusieurs reprises, on a assisté à la militarisation de la bourse du travail à Cotonou, empêchant des marches syndicales. Mais, jamais, l’on a assisté à des arrestations de responsables syndicaux.
Depuis 2016, sous le pouvoir de la Rupture, le syndicalisme a pris un coup dur au Bénin avec la réduction du droit de grève à dix jours pour tous les travailleurs. Depuis lors, le monde syndical subit le diktat des mesures du régime Talon. La cherté de la vie, causée par des taxes énormes imposées sur les produits de première nécessité, est aujourd’hui la goutte d’eau qui a débordé le vase. Dans les foyers, ses conséquences se font sentir. Que faire si l’on n’amène pas le gouvernement à revoir sa copie par une marche de protestation ? Malheureusement, elle a été réprimée avec des arrestations de responsables syndicaux.
Le monde syndical bat de l’aile au Bénin. Un Tout se passe comme si l’on est dans une dictature instaurée de fait où personne n’a le droit de protester. Jusqu’où iront-ils ?
Jules Yaovi MAOUSSI