L’arrestation d’Olivier Boko, homme d’affaires très proche du chef de l’Etat, a propulsé au devant de la scène tous les pêcheurs en eau trouble de la république. Anciens députés visiblement désœuvrés, patriarche guettant une occasion d’exprimer sa gratitude au pouvoir, leaders de partis politiques de la mouvance pour monter patte blanche, tous sont venus pêcher dans l’eau trouble laissée par cette affaire fumante encore entourée de mille mystères. Si la frénésie des déclarations inquiète plus d’un par leur caractère prématuré et imprudent, elle répond à une logique politique très répandue chez nous, logique qui veut que l’on profite chaque fois du malheur de l’autre pour se faire une place au soleil ou pour se mettre plein les poches. Aussi, les états-majors de certains partis ont contribué financièrement pour l’organisation de ces déclarations et certains leaders n’ont pas hésité à mettre la main à la poche aussi. Même en réclusion, Olivier Boko reste une filière.
Qu’à cela ne tienne, cette arrestation nous amène à nous poser la question de savoir s’il y a un peu de bon sens et d’éthique en politique ? Ce à quoi beaucoup nous répondront que la politique est antinomique avec l’éthique et la morale et que ce n’est pas un endroit recommandé pour les enfants de chœur.
Nous devons néanmoins nous indigner de deux choses : le déni de justice et la manifestation grandeur nature de la lâcheté et de l’hypocrisie
Le déni de justice c’est l’empressement des hommes politiques à récupérer une affaire judiciaire, une affaire pour laquelle l’instruction n’est même pas terminée et qui circonspection et retenue surtout pour la délicatesse du sujet. Lorsqu’on a fini d’écouter des gens comme Sèdami Mèdégan Fagla- la sœur de l’autre- Malick Gomina et bien d’autres, on a l’impression que le coup d’Etat a eu lieu, qu’un procès équitable l’a suivi, et qu’Olivier Boko, Oswald Homeky et leurs comparses ont été jugés et déjà condamnés par un tribunal. Ces « magistrats » de circonstance qui ont vidé leurs procès par des déclarations sont tellement sûrs de leurs affaires qu’ils invitent au respect de l’ordre constitutionnel et sensibilisent les militaires à ne pas s’engager dans de telles aventures. D’autres les ont remerciés pour avoir refusé de collaborer à ce coup d’Etat. Il s’agit d’une attitude étrange, d’un revirement de posture puisque les mêmes personnes, face à des dossiers similaires par le passé avaient tous eu comme refrain « Laissons la justice faire son travail ». Il est donc étonnant de voir les mêmes venir distraire la justice et déconcentrer le Procureur Spécial confronté au défi de la véracité de ses déclarations face à la contradiction qui lui vient d’Abidjan.
Ces sorties intempestives relèvent aussi une plaie béante de la classe politique : l’hypocrisie et la lâcheté. Tous qu’ils sont, députés, maires, directeurs de société ou agence de l’Etat, hommes politiques membres influents de bureau politique de partis de la mouvance, hommes d’affaires et même courtisans de basse gamme, tous ont eu à collaborer avec Olivier Boko. Ce dernier était l’interface entre le chef de l’Etat et la grande majorité de la classe politique. « Le chef de l’Etat parle par la bouche d’Olivier Boko », m’avait-on dit. Beaucoup parmi eux recevaient les instructions, les messages et les injonctions du chef de l’Etat par le biais d’Olivier Boko. Beaucoup l’ont rencontré plusieurs fois pour solliciter son aide pour divers services. Il était le numéro deux du régime pendant ces huit ans. Il était le parrain politique de plusieurs parmi eux qui n’ont pu devenir ministre, député, maire sans son soutien. Il est malsain de voir des filleuls dénoncer leur parrain sans attendre que sa culpabilité soit prouvée par la justice. Ils sont presque, hormis quelques uns, des « Boko » qui vilipendent Boko afin de prouver à Talon qu’ils ne sont plus avec Boko. Certes la jalousie humaine fait que certains veulent être calife à la place du calife. Ils se disent intérieurement qu’avec son éviction, ils pourront trouver une place de choix auprès de Talon. Ils sont donc prêts à toutes sortes de traîtrise pour être bien vus par Talon. C’est le comble de la mesquinerie qu’avait dénoncé Emmanuel Mounier en 1948 dans « L’éveil de l’Afrique noire »: « Le Dahomey est le quartier latin de l’Afrique. Mais cet intellectualisme fait de mesquineries et de méchanceté est de nature à enterrer définitivement le développement de ce pays ». Soixante seize ans après, les réalités d’aujourd’hui semblent lui donner raison.