Au cœur de toutes les discussions depuis la semaine passée, les arrestations d’Olivier Boko et de l’ex-ministre de la jeunesse et des sports Oswald Homeky continuent de susciter des interrogations et des inquiétudes. Si toute la lumière n’est pas faite sur cette affaire pour en connaître les tenants et les aboutissants, il est presque irréfutable qu’elle révèle une profonde crise de gouvernance au sommet de l’Etat.
Théorie du complot pour liquider un allié devenu trop « gênant », peut être trop « menaçant » ou réelle tentative de coup de force d’un proche pressé de prendre le pouvoir, dans l’un ou l’autre des cas, les arrestations d’Olivier Boko et de Oswald Homeky relancent le débat sur la nature de la gouvernance politique sous le Président Talon. Elles sont symptomatiques d’un malaise profond qui ronge le cœur du régime. Pour l’expliquer, il faut se référer au statut de l’intéressé. Olivier Boko n’est pas qu’ami intime du président de la République. Il est un partenaire d’affaires depuis trois décennies et surtout la cheville ouvrière de la stratégie et de la campagne qui a porté son ami au pouvoir. De lui, Talon a toujours dit le plus grand bien : « Olivier et moi, nous sommes mélangés » et « Olivier m’a vu nu ». Ces huit années de Patrice Talon au pouvoir, il a joué presque le rôle de vice-président de la République. C’est lui qui avait en charge la gestion de la classe politique et des dossiers brûlants de la République. Beaucoup de cadres et d’acteurs politiques bien côtés dans le système ont eu leurs nominations ou leurs promotions grâce au parrainage de ce dernier. Il suffisait qu’il chuchote leurs noms à son « ami » et ils sont nommés. Directeurs de société ou agence d’Etat, hauts cadres de l’administration ou de l’armée, maires, députés ou même ministres, ils sont nombreux à devoir reconnaissance à ce discret homme d’affaires, redoutable stratège politique, d’être celui qui a porté leurs mains pour les amener dans le sérail du pouvoir. Beaucoup de ministres, de députés ou de maires ont pu se retrouver sur les listes et se faire élire juste parce qu’ils ont des atomes crochus avec Olivier Boko. « Talon parlait par la bouche d’Olivier Boko », souffle une personne bien introduite dans le système, rappelant que la plupart des instructions et des informations du président de la République passaient par lui. Il était le cœur du régime alors que Talon en était la tête. Dire donc que Olivier Boko veut faire coup d’Etat à Patrice Talon c’est comme si on disait que Talon veut faire coup d’Etat à Talon.
A supposer que cette accusation est fondée, elle devrait interpeller les acteurs de la majorité présidentielle sur la nature du régime. Pourquoi Olivier Boko organiserait-il un coup d’Etat alors que le mandat de son ami et allié politique n’est pas encore à son terme ? N’est-il pas sûr d’être désigné comme candidat ? N’a-t-il pas l’assurance de gagner malgré sa grande popularité au sein de la classe politique et des populations ? Si donc il tente de faire un coup d’Etat en plein quinquennat c’est qu’il y a un malaise. C’est qu’il ne trouve aucune perspective de prise de pouvoir par la voie des urnes. C’est qu’il n’entrevoit pas une porte pour l’alternance en 2026. L’idée donc du coup d’Etat orchestré par le meilleur ami du chef de l’Etat doit le faire réfléchir car si celui sur qui il doit le plus compter se trouve être son bourreau c’est qu’il n’est vraiment pas en sécurité
Mais la thèse de l’accusation semble la plus prisée. Selon maints analystes, il n’est pas exclu que cette accusation soit un montage pour mettre hors d’état de nuire un proche qui devient une menace pour son pouvoir. La théorie du complot est une astuce très utilisée par les régimes qui aspirent à l’autoritarisme. Dans ce cas, la rupture aurait montré à la face du monde son visage de régime d’oppression qui broie tous ceux qui osent s’opposer à lui ou le contredire dans ses options. On peut donc en déduire que les nombreuses pièces justificatives de la théorie du complot.
Dans l’une comme dans l’autre hypothèse, l’arrestation d’Olivier Boko n’est pas une bonne nouvelle pour le gouvernement. Elle confirme à maints égards une profonde crise de gouvernance et appelle à une réponse aussi profonde et urgente comme des assises nationales afin d’éviter le pourrissement et peut-être l’explosion.