Depuis la nuit des temps, l’abeille a toujours été un puissant animal de combat. Bien que cet hyménoptère soit l’un des insectes les plus fragiles, il détient un redoutable pouvoir de déstabilisation de l’ennemi. Par son bourdonnement et ses piqûres, elle est capable de mettre en déroute une foule d’hommes mobilisés pour une cause. A ce point, l’abeille constitue un animal extraordinaire, capable donc de réussir là où des centaines de soldas ont échoué car elle peut dérouter des milliers de personnes. Personne ne peut résister à ses piqûres, ni même à ses simples bourdonnements. En Afrique et surtout au Bénin, les abeilles ont été souvent utilisées mystiquement ou envoyées en « mission » pour régler des comptes lorsque le rapport de force semble être en défaveur de ceux qui les envoie.
A Klouékanmè ce weekend, les abeilles ont encore montré leur petit numéro en réussissant à perturber un meeting politique organisé par les partis de la majorité présidentielle pour rendre compte aux populations des actions du gouvernement. Leaders politiques, populations, tous ont pris leurs jambes à leurs cous pour échapper à la furie de ses abeilles venues visiblement pour disperser la foule et empêcher la tenue du meeting politique. C’était l’expression d’un désarroi face à une tournée dite de « reddition de comptes » qui prenait l’allure d’une provocation ou d’un arrogant mépris pour les populations qui n’en pouvaient pas de faire souffrir leurs tympans pour entendre les litanies gouvernementales. Face donc à cette machine de propagande qui tourne depuis plusieurs mois et qui n’a pas trop l’air de se préoccuper du sort des populations, la visite inopportune d’abeilles menaçantes apparaît comme une solution originale. Ses abeilles sont venues apporter deux messages principaux. Le premier est d’exprimer l’opposition des gens qu’on a contraints au silence à cette tournée qui semble ne pas être leur préoccupation du moment. Le second est de prouver au gouvernement qu’il n’est pas si puissant pour ne pas tenir compte des exigences et des souhaits des populations.
A l’heure actuelle, où la cherté de la vie donne des vertiges à tout père de famille, il n’est pas évident que la récitation de chapelets de projets ou d’embellissements de voies ne puisse pas venir en tête de leurs priorités du moment. En effet, depuis près de deux mois que ministres, députés, DG sillonnent le pays pour parler des œuvres du gouvernement du président Talon, rien n’a changé dans la vie des populations et aucune solution concrète n’a été trouvée pour atténuer les souffrances des populations.
Comment donc comprendre qu’un gouvernement n’eût pas pensé à arrêter ce vacarme assourdissant pour faire le deuil pendant quelques jours au nom de la dizaine de fils du pays tombée sous les feux des terroristes dans le parc W ? Comment un gouvernement sérieux peut-il être si méprisant et insensible à la vie des mêmes populations qu’il prétend rendre heureuses en développant le pays ?
Ces caprices des abeilles à Klouékanmè renvoient aux autorités et leaders politiques le message réel qui aurait été celui des populations si elles avaient eu la liberté d’exprimer librement leurs opinions. Si l’arrogance et le pouvoir intimidateur du régime Talon avait tenu compte des avis des populations, il y a longtemps qu’il aura arrêté sa balade pour se pencher sur les vrais problèmes des populations qui sont d’un autre ordre.
Qu’elles soient donc envoyées mystiquement pour disperser les populations ou que c’est le lieu du meeting qui s’est retrouvé dans leur champ de balade, les abeilles de Klouékanmè ont envoyé un signal fort que le gouvernement doit bien décrypter s’il entend rester dans le cœur des populations.