Le jeudi 05 décembre 2024, l’Assemblée nationale 9ème législature a adopté en plénière la loi de finances gestion 2025 par 81 voix pour, 28 contre et zéro abstention. Ceci, après de très houleux débats qui ont permis aux différents groupes parlementaires à savoir le Bloc Républicain, l’Union Progressistes le Renouveau et Les Démocrates de justifier chacun selon sa position politique son vote. Pour une deuxième fois depuis leur installation, les députés de la minorité parlementaire ont rejeté le budget de Patrice Talon et son gouvernement qu’elle accuse être les causes de l’appauvrissement galopant des béninois. Dans une intervention lue par l’honorable Habibou Woroucoubou, les élus démocrates ont fait le bilan des 9 années se gestions des affaires publiques par le régime dit de la rupture, et ont dénoncé surtout les promesses non tenues par le régime malgré que ces dernières étaient bien prévues dans le budget exercice 2024.
Intégralité de l’intervention du groupe parlementaire les Démocrates (ld) sur le budget général de l’Etat gestion 2025
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Chers collègues députés à l’Assemblée Nationale,
Mesdames et Messieurs,
De l’analyse des paramètres du budget exercice 2025, il ressort que le pouvoir de la rupture a focalisé ses actions sur trois axes stratégiques fondamentaux : la transformation structurelle de l’économie ; la gouvernance (État de droit – démocratie) et le bien-être social durable. Que retenir de la mise en œuvre de ces axes stratégiques après bientôt 9 ans de gouvernance de la rupture ?
Mr le Président, honorables députés, mesdames et messieurs,
On nous parle de Transformation structurelle de l’économie
Tenez ! Depuis 2016, le pouvoir de la rupture prétend “jeter les bases d’une économie véritablement prospère et résiliente”. De l’analyse des trois (3) secteurs de l’activité économique (primaire, secondaire et tertiaire), on note que le secteur primaire (5,8%) est peu dynamique, (marqué par la faible modernisation de l’agriculture) avec une productivité assez faible et insuffisante pour booster ledit secteur afin d’atteindre la sécurité et l’autosuffisance alimentaires.
Quant au secteur secondaire, il reste encore embryonnaire malgré la création de la nouvelle zone industrielle GDIZ. La part du budget de ce secteur s’est accrue (9,3% en 2025 contre 8,2% en 2024) mais reste faible et, sa contribution à la croissance du PIB serait de 1,2%, une des plus faible à l’instar du secteur primaire. A ce niveau, la synergie d’intégration qui devrait s’opérer entre les producteurs du secteur agricole et les industriels du secteur de la transformation à tendance à tourner au cauchemar. Tout porte à croire que le développement du secteur industriel tant voulu par le pouvoir de la rupture devrait s’opérer en faveur des industriels et inconséquemment au détriment des producteurs du secteur agricole.
C’est ce qui explique l’accaparement, sur fond de brutalité des produits agricoles au mépris des règles du commerce et de libéralisme économique pour lequel notre pays a pourtant librement opté depuis 1990. La dernière actualité dans le secteur, est la fermeture scandaleuse et en cascade des magasins de soja, en vue d’approvisionner, certains supposés industriels. Cette méthode cavalière, déployée par la pouvoir de la rupture montre à suffisance, le manque de vision et de plan de développement du secteur industriel en lien avec la promotion du secteur agricole.
Dans le domaine de l’énergie, c’est le retour inattendu du délestage. Et pourtant, le Bénin est l’un des pays de la sous-région où la production et la distribution de l’énergie coûtent plus chère, ce qui fragilise l’effort de croissance porté par le secteur de la transformation. Cependant, le prince de Cotonou se gargarise de pouvoir vendre l’énergie en chine à un prix défiant toute concurrence.
De même, l’absence d’engagement en matière d’investissement dans les domaines prioritaires de développement (éducation, santé, agriculture et industrie) rend fragile et vulnérable, le niveau de croissance actuelle (6,7%), ce qui entame le réalisme de la vision affichée du pouvoir de la rupture de transformer de façon structurelle l’économie de notre pays. En fait, on note un net recule de la part de l’investissement dans le budget général de l’État qui passe de 44,8 % en 2020 à 36,4% en 2025. Un tel recule laisse entrevoir des préoccupations légitimes quant au réalisme du budget de l’État gestion 2025 et surtout relativement à l’atteinte de l’objectif d’accélération de la croissance et donc du développement économique et social du Bénin.
Le secteur tertiaire, en l’absence du développement du secteur secondaire reste fortement tributaire de l’importation des produits étrangers. Avec le mécanisme du programme de vérification des importations (PVI) mis en place par le pouvoir de la rupture au niveau du port autonome de Cotonou, il s’observe un renchérissement sans pareil, des prix des produits de premières nécessités qui passent désormais du simple au double alors que sur la même période, les revenus des travailleurs n’ont connu aucune amélioration substantielle. Le pire, c’est qu’aucune mesure d’atténuation n’est envisagée par le gouvernement dans le budget 2025 pour soulager quelque peu les peines de nos compatriotes. Laissant ainsi, le peuple béninois à son triste sort, face aux effets néfastes du renchérissement des produits de premières nécessités.
Mr le Président,
Chers collègues députés,
Mesdames et messieurs,
Par rapport au bien-être social, le Gouvernement déclare que certaines avancées sont réalisées ; mais dans les faits, rien n’a véritablement bougé et le fossé ne cesse de se creuser au fur et mesure que le temps passe. Le peuple béninois est pris au piège de la cherté de la vie, pendant que le pouvoir de la rupture n’a rien d’autre à faire, que de lui vendre l’illusion du développement qui se réduit à quelques rues asphaltées. Tenez ! le bidon d’huile de 25 litres qui était à 13500 FCFA en 2016 est passé à environ 40 000 FCFA en 2024, il en est de même, des prix de plusieurs autres produits de première nécessité notamment le maïs, le riz, le sucre, les pâtes alimentaires, l’essence, l’électricité … etc.
Dans le domaine de la santé, malgré l’accroissement du budget de la santé entre 2020 et 2025, sa part dans le budget de l’État reste faible (5.4%) et n’atteint pas la cible de 7,1% prévue dans le PND, ni la recommandation de 10% (suggérée par OMS) encore moins les 15% recommandées par l’accord d’Abuja pour impacter le bien-être des populations. S’agissant de la protection sociale, sa part dans le budget 2025 est de 4.8% ce qui est en nette régression de (-1.8%) par rapport à 2024. Malgré les nombreux programmes de protection sociale (ARCH, GBESSOKE, SWEED, …) seulement 8.4% de la population béninoise bénéficient d’au moins un service de protection sociale (Rapport mondiale, 2024). Ce qui est loin, des attentes d’une économie qui se veut prospère et résiliente.
Par ailleurs, si le gouvernement prétend faire des efforts en matière d’accès à l’eau potable, le Bénin est en queue de peloton par rapport aux indicateurs liés à l’hygiène et à l’assainissement de base. Par rapport à l’éducation, sa part dans le budget de l’État gestion 2025 est de 18%, ce qui n’atteint pas les 20% recommandés par le Partenariat Mondial pour l’Éducation, encore moins les 24,7% prévue dans le PND. A n’en point douter, l’éducation est presqu’en faillite faute d’investissement de qualité dans le secteur. Les dépenses d’investissement dans l’éducation ont baissé et passent de 23,6% en 2024 à 18% en 2025. En somme, pour les soutiens du pouvoir de la rupture, dans l’éducation, tout se résume à la cantine scolaire, comme si étendre la cantine à des enfants sans maitres et sans classes est un indicateur de performance. Or une étude analytique du taux d’achèvement montre qu’au niveau primaire, le taux d’achèvement qui était de 79% en 2015 est passé à 64,9% en 2024, très éloigné de la cible qui est de 80%. Au niveau secondaire1 le taux d’achèvement qui était de 44,4% en 2015 est passé à 29,4% en 2024, très éloigné de la cible qui est de 70%. On peut donc affirmer sans risque de nous tromper, que le système éducatif béninois court inexorablement à sa perte sous le régime de la rupture. Dans le sous-secteur de l’enseignement technique et la formation professionnelle, la promesse du Président Patrice Talon de construire 30 lycées techniques, bien équipés et d’en rénover d’autres peine à se concrétiser. Mieux, il était prévu dans le budget 2024, le reversement d’environ 3000 Aspirants au Métier de l’Enseignements (AME) par an, cette promesse n’est pas réalisée à ce jour. Dans ces conditions, quelle crédibilité peut-on accorder aux prévisions budgétaires de l’État ?
Mr le Président,
Par rapport à la dette, notons qu’à la fin de l’année 2024, l’encours de la dette publique du Bénin, va s’établir à environ 7 000,00 milliards de FCFA. Le déficit budgétaire a connu une baisse passant de 3,7% en 2024 à 2,9% en 2025. Pour couvrir ce besoin de financement, la loi des finances 2025, prévoit un besoin de financement de 1 183, 622 milliards avec un plafond des ressources d’emprunt de 1 400 milliards. Corrélativement à ce niveau d’endettement, il est prévu un léger taux de croissance passant de 6,7% en 2024 à 6,8 % en 2025, soit 0,1 point d’accroissement. Une telle inertie de croissance soulève des préoccupations quant au niveau de seuil du phénomène de l’intolérance à l’endettement.
En effet, des études sur l’endettement dans les pays de l’UEMOA ont montré qu’au delà du seuil de dette de 49.83%, une hausse de 1 point de pourcentage de la dette réduit la croissance économique de 0.08 point de pourcentage (Aida Wade, 2014). On est donc en droit de se poser la question de savoir, qu’avec le taux d’endettement de plus de 50%, le Bénin n’a-t-il pas atteint son niveau de seuil de tolérance d’endettement ? Tout porte à le croire car si pour environ 1 400 milliards de dette, il n’est attendu que 0.1 point de taux de croissance, le caractère inefficace et improductif de l’endettement n’est plus à démontrer. C’est donc dire que le niveau de seuil du phénomène de l’intolérance à l’endettement est atteint au Bénin. Dans ce cas, il est essentiel que le pouvoir de la rupture tienne compte de ce phénomène de l’intolérance à l’endettement et mette en œuvre des politiques prudentes de gestion de la dette pour atténuer les risques potentiels de surendettement bien que le seuil communautaire de 70% n’est pas atteint. Cela suppose un effort considérable de recherche des alternatives permettant la limitation du recours à l’endettement par l’État, et au déploiement d’un arsenal d’actions de relance économique pour assurer la croissance et ainsi lutter contre la dépendance économique et politique de l’État.
Mr le Président,
Chers collègues députés,
Mesdames et messieurs,
3-L’Etat de droit, Démocratie et bonne gouvernance
Quant à la gouvernance, c’est un autre domaine d’échec du pouvoir de la rupture. En effet, la gouvernance économique est caractérisée par l’opacité, le manque de transparence dans l’attribution et la gestion des marché publics, le conflit d’intérêt au sommet de l’État, la corruption. Les budgets exécutés depuis 2016 au Bénin, ont vu une forte utilisation des marchés gré-à-gré. Ce mode de gestion qui devrait être une exception est devenu la règle. A titre d’exemple, l’exercice budgétaire 2023 a vu la signature de 250 marchés de gré-à-gré au cours de la période sous référence. Ce choix politique soulève des questions quant à la transparence et la bonne gestion des fonds publics.
Du point de vue politique, la gouvernance de la rupture est caractérisée par l’exclusion, la déconstruction systématique de notre édifice démocratique mis en place depuis 1990, la restriction des libertés, les condamnations abusives, la clochardisation des institutions de la république, le non respect des droits de l’homme et de la dignité humaine. Les arrestations arbitraires sont devenues le lot quotidien des béninois. Jamais, les prisons du Bénin n’ont accueilli autant de pensionnaires de classe exceptionnelle que sous le régime de la rupture. Même l’époque révolutionnaire n’avait pas une telle réputation en matière d’arrestation et d’emprisonnement.
Mr le Président,
Honorables députés,
Au total, malgré les efforts fournis par le pouvoir de la rupture, les fruits ne semblent pas tenir la promesse des fleurs. Car la transformation structurelle de l’économie fortement criée, reste un vœu pieu. De même, la promotion des chaînes de valeurs a du mal à se concrétiser et le climat des affaires loin de s’améliorer est devenu la chasse gardée d’un clan ou de quelques privilégiés. La grande majorité des opérateurs économiques nationaux sont donc laissés pour compte. Ils sont devenus de simples spectateurs dans leur propre domaine d’activité ; s’ils ne sont pas traqués ou poussés à l’exil. Tout leur échappe, seuls les expatriés à la solde des princes de la république sont privilégiés dans l’attribution des grands chantiers de l’État. Même dans le PPP, aucun mécanisme n’est prévu pour privilégier les opérateurs économiques nationaux. Ce qui est pourtant nécessaire dans une logique de la reconquête de la souveraineté de notre État. Tout ceci rend problématique l’atteinte de l’objectif d’accélération de Développement Durable et la pertinence du budget exercice 2025.
Ainsi donc, la loi des finances exercice 2025 soumis à notre examen, manque de pertinence, de crédibilité et de réalisme. Tel que présenté, le budget 2025 ne permet pas une croissance économique soutenue et inclusive susceptible de transformer de façon structurelle l’économie de notre pays.
C’est sans regret que j’exhorte tous les collègues députés à ne pas voter ce budget qui n’à pour seul dessein que de perpétuer le stress, la pauvreté et la misère de la majorité de nos paisibles populations.