L’histoire du Bénin de ces dix dernières années a révélé des acteurs politiques parfois insolites. S’il y en a de temps en temps dans tous les pays au monde, l’arithmétique au Bénin confirme une inflation inquiétante de ce mal. Celui-ci a connu son âge d’or sous la gouvernance du président Yayi. Débonnaire et peu exigeant dans le choix de ses collaborateurs, le chantre du changement nommait à tour de bras. A l’époque, beaucoup prenaient leurs galons politiques en le louangeant ou en organisant des marches de soutien et de remerciement. La deuxième catégorie du personnel politique recruté par le régime provenait du gros lot des « opposants sans conviction » qui s’investissent dans les critiques sans cesse pour être remarqués et récupérés par le régime.
Début 2014, une mésintelligence entre Boni Yayi et Mathurin Nago alors Président de l’Assemblée Nationale conduit à une crise entre les deux personnalités au sommet de l’Etat. Pour désavouer Mathurin Nago dans son fief, le pouvoir sollicite Paul. Le petit « instituteur docile » de Bopa fait maire entre temps s’adonne au jeu. Opportuniste, il saisit l’occasion pour organiser des marches de soutien à l’endroit du locataire de la Marina et désavouer son mentor qui a fait de lui ce qu’il était. Il reçoit soutien et appui logistique du gouvernement pour mettre Mathurin Nago en minorité et le contraint à quitter la nébuleuse FCBE pour créer un autre mouvement politique. La récompense ce travail de sabordage politique sera vite récompensé. En juin 2015, il est nommé ministre de la culture par le président Yayi à la surprise générale.
Mais dans l’antre ministériel, il ne tarde pas à révéler ses tares et sa médiocrité. Le 13 juillet 2015, à l’Assemblée Nationale, alors qu’il était désigné pour représenter son collègue de l’Agriculture absent, il se retrouve dans une détresse intellectuelle aiguë, incapable de lire un document pourtant rédigé en français sur la convention de crédit entre le Bénin et l’Agence Française de Développement(AFD) pour financer le Projet d’Appui au Développement Agricole dans les Collines(PADAC). Les députés et la délégation qui l’accompagnent assistent, médusés, à la parodie du guignol. Le galimatias est minable : « Nous allons… (Silence)………Bon… (Silence)………..les ….. . (Silence)………….le niveau euh… de synergie et le suivi. Ce projet…..le cadre institutionnel……..PADAC est le plus ancré possible au niveau……………(silence)…………. du département des Collines… .(Silence)………..Le cadre institutionnel fait place…fait une place de choix au Carder ZOU…(silence)…………….Donc le carder Zou aura euh.(silence)…………. ». Une vraie scène d’horreur qui durera un peu moins de cinq minutes. Diffusée en intégralité sur la télévision nationale, elle suscite l’émoi du peuple.
On entendit la présidente Rosine Soglo, trahie par son micro, tenir un conciliabule avec son voisin : « C’est qui celui là ? …Qu’est-ce qui lui arrive ?…Il a perdu ses fiches ?… ». C’est le président Adrien Houngbédji qui mettra fin à ses supplices en disant : « On va vous laisser du temps pour mettre de l’ordre dans vos dossiers ». L’écrivain Florent Couao-Zotti avait été peu tendre avec ce ministre de la culture et à juste titre. « Ce Monsieur que j’avais eu l’occasion de croiser deux fois lors de mes échappées à Possotomè pendant la Saint Sylvestre, m’avait paru d’un niveau d’instruction « suspect ». Je m’étais dit que tant qu’il pouvait faire le bonheur des citoyens de Bopa, il ne fallait pas lui trouver des poils sur la calvitie. Certes, comme tout le monde, j’ai suivi le feuilleton de son désamour avec Nago Mathurin, son ancien mentor ; j’ai suivi son retournement de veste, son soutien inconditionnel à Yayi Boni, les marches, les contre-marches qu’il a organisées pour clamer son amour fou, sa rage démentielle pour le locataire de la Marina. Mais balayé par le nouveau parti de Nago lors des législatives, écrasé à l’occasion des communales, le remuant ex-maire, volubile au moment d’insulter Nago, n’avait plus que son charabia pour pleurer. Mais pour le consoler de ces échecs successifs, son nouveau Dieu l’a tout simplement bombardé ministre de la culture », avait-il écrit dans une tribune parue dans la presse.
Avec l’avènement du régime de la rupture, on croyait à une espèce politique en voie de disparition. Mais contre toute attente, la rupture va solliciter ses talents d’ingrat et d’opportuniste pour dérober le parti FCBE habilement à Boni Yayi. Il se retourne contre son ancien mentor Yayi comme il l’a fait pour Mathurin Nago. L’instituteur de Bopa va s’investir à fond dans le dénigrement du parti Les Démocrates et de son président.
Lorsque l’opposition lance un tempo donné, il s’essaie de jouer le mauvais son pour la désorienter. Il est toujours le mauvais musicien de l’orchestre qui joue la mauvaise game. Chaque fois que Boni Yayi va dans une direction, il essaie de le ralentir. Chaque fois que l’opposition tente de s’unir autour d’un chantier ou d’un idéal, il essaie de saboter l’initiative en jouant sur la corde de la division. On l’a vu encore à l’œuvre la semaine dernière lorsqu’il tente de saboter le cadre de concertation de l’opposition en montrant une opposition désunie. Pendant combien de temps va-t-il jouer au mauvais rôle ? Pendant combien de temps va-t-il alimenter cette opposition « jaune » ? Si Boni Yayi a cherché de ses propres mains, la fourmi qui le pique, on peut néanmoins déplorer qu’une espèce du genre continue d’avoir sa place dans le landerneau politique.
Si le diable devait chercher un suppôt direct, ce serait celui-là.