Avant ce lundi 12 août où le chroniqueur Steve Amoussou a été enlevé par un gang dans les rues de Lomé était la destinée prisée des hommes politiques béninois. Opposants ou mouvanciers, tous y allaient pour diverses raisons. Les premiers en avaient fait une base-arrière d’où ils peaufinaient les stratégies et les plans d’attaque contre le régime de Talon. Les seconds y allaient pour quelques ripailles, pour des weekends dorés, loin de l’ambiance de flicage de Cotonou, mais aussi pour y collecter du renseignement. La capitale togolaise était devenue du fait une sorte de « Cotonou 2 ». Tous les weekends, le nombre de véhicules à immatriculation béninoise qui franchit la frontière pour entrer sur le territoire togolais étonnent les agents de sécurité qui, médusés, se posent assez de questions sur les raisons de ce subit intérêt de leurs frères de l’est pour leur capitale. Dans un tel contexte, l’arrestation d’un chroniqueur politique proche de l’opposition n’arrange donc l’affaire de personne. Ni les mouvanciers, encore moins les opposants mais aussi les togolais eux-mêmes qui tiraient fortement profit de l’ambiance politique délétère à Cotonou.
Elle embrouille les cartes des uns et des autres. Surtout des opposants qui se retrouvent lancés précocement dans la bataille de 2026. Il s’agit d’une sorte de guerre psychologique qui semble malheureusement tourner en leur défaveur. Et pour cause, Lomé était devenue une destination stratégique pour elle. Les opposants en exil dans plusieurs pays du monde y descendaient fréquemment pour rencontrer et échanger avec ceux rester à l’intérieur du pays. Ils y venaient également pour rencontrer familles et parents. A moins de 200km de Cotonou, Lomé en tant que ville francophone la plus proche de Cotonou offre un cadre de sérénité et de sécurité pour des opposants qui ont perdu leur quiétude depuis les persécutions dont ils sont tous victimes depuis 2016. Le rapt de Lomé est un précédent grave qui va accroître les incertitudes de l’opposition sur ses propres capacités à résister aux coups foirés du pouvoir et à organiser une riposte à leurs tailles. Si demain, les opposants en exil venus de partout ailleurs dans le monde ne peuvent plus descendre à Lomé pour prendre le pouls du pays et en percevoir les senteurs, ce serait un coup dur pour elle. Où vont-ils alors pouvoir se rencontrer et avoir l’assurance d’être proches du pays et de rencontrer les acteurs qui sont opérationnels sur le terrain ? Ce rapt intervient aussi à une période où la confiance a commencé à renaître au sein de l’opposition après quelques actes de dégel posés par les uns et les autres et après que certains de leurs éléments ont repris courageusement les critiques. L’opposition se voit ainsi dérober un de ses pions importants alors qu’elle ne s’est pas totalement remise de l’emprisonnement de Reckya Madougou, du professeur Joël Aïvo et d’une vingtaine d’autres éléments dont elle ne cesse de réclamer les libérations. Elle est donc appelée à se surpasser pour porter une nouvelle lutte, celle de la libération d’une de ses voix les plus écoutées. Si elle échoue à porter la cause, elle aura perdu une bataille d’étape sur le chemin assez rocailleux qui devrait la mener à la victoire en 2026.