La stratégie de l’intimidation et du chantage diplomatique n’a pas trop marché pour le Chef de l’Etat. Une semaine après avoir pris la décision surprenante de mettre l’embargo sur l’exportation du pétrole nigérien, le gouvernement est contraint d’y revenir à son corps défendant et de mettre fin à un bras de fer inutile dans lequel le Bénin n’aura rien gagné sauf le fait de s’être illustré négativement à la face du monde. A malin, malin et demi.
Bon nombre de Béninois ont été surpris de la décision prise hier soir par le gouvernement de lever l’embargo sur l’exportation du pétrole nigérien. Eux qui sont habitués depuis huit ans à une témérité excessive et un jusqu’auboutisme légendaire de leur président ont été surpris de le voir lâche prise une semaine après. « Donc Talon pouvait lâcher prise aussi vite ? », se sont demandés beaucoup parmi eux tandis que d’autres pérorent sur la certitude qu’il a rencontré plus fort que lui. Et les choses semblent bien confirmer le fait que le rapport de force n’était pas favorable à Patrice Talon dans ce dossier. Malmené par une junte qui le boude et le repousse – depuis la fin du mois de juillet où, jouant au « bon élève » de la CEDEAO , il avait proféré la menace d’agression militaire contre les putschistes qui venaient de s’installer à Niamey après avoir renversé le président Mohamed Bazoum constitutionnellement élu – Talon doit également gérer une forte contestation interne venant de la majorité de ses compatriotes qui n’ont pas aimé la manière dont il a géré ce dossier. Il a fallu ces derniers jours un regain de déclarations de soutien venant de parti et hommes politiques de sa majorité pour le réconforter un peu et lui donner une immunité dans l’opinion après des déclarations du Premier ministre nigérien Ali Maman Lamine Zeine jugées inconséquentes. On s’étonne alors que cette avalanche de soutiens n’ait pas réussi à requinquer notre Chef d’Etat et lui donner la force nécessaire pour maintenir son bras de fer en exigeant des discussions franches avec les autorités nigériennes et l’ouverture des frontières avec le Bénin avant de lever son embargo. Et ceci, en dépit des discussions avec les chinois Mais rien de cela n’est malheureusement arrivé.
Echec
S’il y a un mot qui résume la conduite de ce dossier par le gouvernement c’est bien le mot échec. Le premier échec est symbolisé par la date de ce jour 16 mai retenue pour le début d’embarquement du premier navire pétrolier. Pour ceux qui connaissent un peu le dossier, cette date n’est pas anodine. Elle est la date retenue dans les accords pour le démarrage de l’opération d’embarquement du pétrole nigérien sur la plateforme de Sèmè. La violer suppose une violation des clauses contractuelles de l’accord et expose le Bénin à des poursuites judiciaires au plan international. A ce niveau, Talon a compris et a reculé. 2è échec, il n’a pu obtenir l’ouverture de la frontière nigérienne, encore moins les négociations avec les autorités nigériennes. Sa « plateforme revendicative » a été sûrement mise de côté et les discussions avec la partie chinoise ont tourné autour de l’accord bilatéral. Et là, tout s’est passé comme ce qu’ont prédit les autorités nigériennes qui avaient affirmé que c’est à la Chine qu’il revient de discuter avec le Bénin. Les chinois qui ont obtenu ces dernières années en Afrique beaucoup de contrats miniers, pétroliers et gagné plusieurs gros marchés d’infrastructures savent comment tenir les Chefs d’Etat et ce qu’ils mettent sur la table pour avoir gain de cause. Une fois encore, ils l’ont prouvé. Dans cette affaire, les nigériens ont également réussi le pari de tenir tête à Patrice Talon. Ils n’ont obéi à aucune de ses exigences et ne s’en sortent pas si mal que ça. D’ailleurs, ils ont d’autres arguments pour maintenir leur frontière fermée. Les populations de Gaya, sous réserve de confirmation des images, ont marché par milliers mardi dernier pour leur demander de maintenir la frontière fermée jusqu’à nouvel ordre. Le Bénin quant à lui, n’a pas vu la tête des autorités nigériennes pour discuter de l’ouverture de la frontière avec elles. Et malheureusement, il n’a pas résisté longtemps à maintenir son embargo. Tout ça pour ça ?, se désolent certains compatriotes. Tout ce qu’on aura gagné n’est que la mauvaise publicité internationale pour notre pays qui viole les accords que lui-même a signés.