Quelques jours après l’interdiction de l’exportation du pétrole nigérien depuis Sèmè, on se rend bien compte que le Bénin a mis la main dans une fourmilière. Les conséquences sont énormes sur les plans économique, diplomatique et géostratégique et on se demande si cette décision avait été bien mûrie.
Lorsqu’il y a une semaine, le Bénin a interdit l’exportation du pétrole brut nigérien à partir de son sol, beaucoup avaient salué une décision salutaire et conséquente prise en réponse au maintien de la fermeture des frontières par le Nigéria. Le chef de l’Etat Patrice Talon avait même trouvé la bonne formule dans son interview du 07 mai accordée à des médias internationaux en affirmant que c’est le Niger qui n’a pas voulu de l’exportation de son pétrole. Le raisonnement du président de la République qui ne manque pas de logique d’ailleurs, consistait à montrer que le pétrole ne pouvait pas traverser alors que la frontière est fermée. Sauf que l’oléoduc en question est souterrain et ne dépend pas forcément de la fermeture de la frontière et que rien n’oblige le gouvernement du Bénin à empêcher le chargement des navires en pétrole brut nigérien juste parce que ce pays a maintenu la frontière fermée avec le Bénin. Ceci dit, avec le recul, on se rend bien compte que cette décision n’a pas été forcément bien murie et qu’elle crée plus de problèmes qu’elle n’en résout. En effet, la gestion d’un projet économique aussi colossal que celui-là, faisant intervenir plusieurs sociétés et pays étrangers n’obéît pas seulement aux principes et règles de bon voisinage et au fonctionnement régulier des Etats. Il est souvent régi par des conventions particulières. C’est ainsi que le Bénin, partie intégrante de ce projet par le fait que une partie du pipeline passe sur son territoire, a un le Bénin, a un accord bilatéral avec le Niger. Il s’agit d’un accord bilatéral dans lequel les obligations des différentes parties y sont bien définies. Le Bénin en sa qualité de pays de transit du pipeline enfreint aux dispositions légales s’il interdit le transit de l’or noir sur son territoire et son chargement sur les bateaux.
Colère chinoise
En vérité, cette décision frappe plus la Chine que le Niger. Dans ce genre de projet, il existe deux types de contrats : le contrat d’achat/vente et le contrat de transport. Le premier concerne la Chine et le Niger, tandis que le second encadre le transport. Dans le contrat d’achat/vente, il est généralement admis que l’acheteur paie le prix du produit acheté à la station de pompage, donc à Agadem au Niger et se débrouille pour l’amener chez lui. Le Bénin se trouve dans un contrat de transit avec le transporteur West African Oil Pipeline Company S.A( WAPCO), une société chinoise basée au Bénin qui a construit le pipeline et qui est une filiale de China National Petroleum Corporation(CNPC). Lorsque le Bénin bloque l’exportation du pétrole dans ces conditions, c’est la Chine qui est la première victime car ce pays a payé pour construire le pipeline, payé le prix d’achat du produit et payé également pour son transport. Elle ne peut comprendre qu’après avoir payer trois fois pour avoir son produit, on la lui refuse parce que le pays de transit a un autre différend avec le pays vendeur. Comme on peut l’imaginer, cette décision peut envenimer les relations entre le Bénin et la Chine impliquée au Bénin dans des projets de construction de routes et autres. Faut-il le rappeler, les relations sino- béninoises ont déjà reçu un coup il y a quelques semaines avec le déclassement du stade de l’amitié de Kouhounou.
A malin, malin et demi
En prenant une telle décision, le Bénin semblait tenir le Niger par le bon bout et l’obliger à venir négocier pour exporter son pétrole en échange de l’ouverture de la frontière. Seulement, le Niger peut bien ignorer cette décision et l’a d’ailleurs prouvé en disant que c’est la Chine qui doit discuter avec le Bénin. Et ceci pour la cause qu’il peut toujours continuer à maintenir la frontière fermée pour des raisons de voisinage douteux et avoir gain de cause sur le Bénin en portant plainte contre le Bénin devant les juridictions internationales pour violation des clauses d’un accord bilatéral. Et malheureusement, le Bénin ne peut faire pareil en ce qui concerne la fermeture des frontières. Cette décision fait de la mauvaise publicité pour le Bénin à l’international et le présenter comme un pays qui ne respecte pas les accords qu’il a signés. Cela pourrait engendrer une méfiance vis-à-vis du Bénin sur le plan commercial. Enfin, dans un contexte de transition géopolitique, il n’est pas exclu que cette décision envenime les relations entre le Bénin et les deux autres pays de l’Alliance des Etats du Sahel(AES) et ceux du bloc international opposé aux Occidents. A-t-on pensé à tout cela avant de prendre cette décision ?