Marche contre la cherté de la vie au Bénin: Face au blocus de la police, les syndicalistes reculent pour mieux sauter
Prévue pour ce samedi 27 avril 2024, la marche des travailleurs n’a plus eu lieu. Pour cause, la police a été déployée pour ceinturer la Bourse du Travail, le point de départ des manifestants. Les organisations syndicales avaient pourtant averti du caractère pacifique de cette marche dont le motif de revendication n’est autre que la cherté de la vie.
Ce samedi 27 avril 2024, déjà à 7 h du matin, les travailleurs ont rallié la Bourse du travail d’où devrait démarrer la marche pacifique contre la cherté de la vie et ses dérivés. « Le panier de la ménagère est érodé. Dans notre pays aujourd’hui, les droits que nous avons par le passé, sont détricotés. La marche que nous avons organisée c’est pour dire au président de la république que certainement d’autres lui dit que ça va mieux dans le pays mais nous qui sommes sur le terrain, nous avons constaté que ça ne va pas», a déclaré Euloge Lézinmè, 3è SGA de la Confédération Générale des Travailleurs du Bénin (CGTB). « La cherté de la vie, ce n’est plus à démontrer aujourd’hui. Rares sont les béninois qui ont un repas par jour. Et quand on vit comme ça, je pense que ce n’est pas bon. Nous invitons nos gouvernants à changer la donne car lorsqu’on dirige un peuple, on agit suivant les aspirations du peuple», renchérit Patrice Sènou, enseignant affilié à la CGTB. Comme eux, ils sont des milliers de personne à répondre présent à l’appel à manifestation de ce samedi matin. Certains viennent de Porto-Novo, de Parakou et d’un peu partout. Parmi eux, des travailleurs de tous les bords. Le secteur privé, public ou informel.
Mais ils n’auront pas l’opportunité d’adresser leurs messages, comme souhaité, à qui de droit. Car ce matin, la bourse du travail être envahie par une horde de policiers. Toutes les routes qui ont accès au QG du syndicalisme au Bénin ont été barricadées avec une présence massive des hommes en uniformes. Fusils au poing, ils scrutent chaque centimètre du périmètre. Aucun accès aux voies n’est permis à part quelques écoliers ou élèves favorisés. A mesure que le déploiement de troupe policière s’accroit, l’incertitude de ne pas pouvoir mener à bien la marche plane davantage sur les manifestants. « On nous a empêché de nous manifester. Aucun citoyen épris de paix et de démocratie ne peut être d’accord avec ce qui se passe. Les principales valeurs que nous avons sauvegardées jusqu’à maintenant sont bafouées. Nous sommes dans quel pays ? C’est un recul de la démocratie sociale », a déploré Euloge Lèzinmè.
Bonaventure Aitchémè quant à lui, dit n’avoir rien compris de tout ce qui se passe. C’est ce que justifie le Secrétaire Général Adjoint de l’UNSTB : « nous avons pris des mesures; nous avons saisi la préfecture par écrit. Nous avons également saisi la mairie et ce, dans le délai de rigueur».
Pour rappel, le préfet du Littoral, Alain Orounla avait, au détour d’un communiqué, interdit la marche organisée par les confédérations syndicales au motif qu’ils n’ont pas reçu d’autorisation. Toute chose que le troisième SGA de la CGTB qualifie de « ruse ». La manifestation a ainsi donné lieu à une série d’arrestation. Celles notamment des leaders des confédérations syndicales dont Anselme Amoussou, Bachabi Moudassirou, Noël Chadaré. Ils seront toutefois relâchés tard dans la soirée après une garde à vue et des auditions.
Déterminés à aller jusqu’au bout dans cette marche contre la cherté de la vie, les syndicats du Bénin se disent néanmoins ouverts à l’effet d’un dialogue initié ad hoc par le « père de la nation ».
Ignace TOSSOU
Eméric Alédji, Travailleur indépendant.
« On affame le peuple et on lui refuse de le dire »
« C’est compliqué. Parce qu’en venant ici, j’étais venu pour faire simplement une marche, une marche pacifique contre la cherté de la vie. Je me suis posé la question : qu’est-ce que cela allait vraiment changer. Mais si les travailleurs vont mal, il faut bien pourvoir faire quelque chose. Donc je suis venu ici pour marcher. Mais arrivé ici, avec ce que j’ai vu, le problème est bien plus grave. On affame le peuple et on lui refuse de le dire. En langue Fon, on dit: » on a frappé l’enfant et on lui refuse encore le droit de pleurer ». Ce n’est pas possible.
Nous sommes venus pacifiquement. Je n’ai vu personne armées de bâton… Rien qu’avec des bandeaux rouges mais bien avant notre arrivée, la police était déjà sur les lieux. Je ne sais plus mais une chose est sûre ; aujourd’hui j’ai su qu’il y a une lutte à mener et que ça ne vient que commencer. S’il faut revenir, on va revenir et s’ils ne veulent pas entendre avec leurs oreilles, ils vont entendre pas d’autres moyens ».