Il fut un des acteurs de la conférence nationale de février 1990. Vingt quatre après, Saka Fikara n’a rien perdu de son engagement pour la démocratie et les droits de l’homme qu’il a défendus toute sa vie et en a payé le prix fort par un emprisonnement de plusieurs années sous la révolution. Aujourd’hui, il assiste, médusé, à sa démolition et pour lui, le vrai auteur de cette démolition n’est que Joseph Djogbénou.
Toujours resté attaché à ses convictions de jeunesse. L’ancien député Saka Fikara qui garde un très bon souvenir de la conférence nationale affirme que cet évènement important de l’histoire de notre pays a eu un impact majeur sur sa politique. Analysant son bilan, l’ancien député de la 20è circonscription électorale pense que tout s’est bien passé jusqu’en 2016 où un virage dangereux a été opéré. « Le bilan est globalement positif jusqu’en 2016. A partir de cette année, j’ai commencé à avoir des inquiétudes », nous a-t-il confié. Et pour lui, l’arrivée de Joseph Djogbénou à la tête de la Cour Constitutionnelle a sonné le glas de la démocratie. « A vrai dire, lorsque Djogbénou a été élu à la tête de la Cour constitutionnelle hors norme du gouvernement, j’ai dit que c’est fini », a-t-il fait remarquer. « En fait, le grand mal de notre pays aujourd’hui a un nom c’est Djogbénou. C’est Djogbénou qui a imaginé toute l’architecture de destruction de notre démocratie. C’est lui qui est responsable de la destruction de l’Etat de droit. A ces différents postes de député, président de la Commission des lois à l’Assemblée, de ministre de la justice et de Président de la Cour Constitutionnelle, c’est lui qui a conseillé, proposé, exécuté et validé toutes les décisions qui déstructuré notre démocratie », affirme le député Fikara sans ambages. Et d’ajouter : « Dans toutes les dictatures, tant que le dictateur ne contrôle pas la justice, il y a encore de l’espoir pour la démocratie et les libertés peuvent espérer mais à partir du moment où Djogbénou a pris les rênes de la justice, il a détruit le système judiciaire. C’est lui qui a validé la constitution de 2019. Cet homme nous a pris nos libertés. Il faut le dire ».
Mais l’ancien député reconnaît qu’il n’est pas le premier homme politique à venir à la tête de la Haute Juridiction. « Déjà, les premières inquiétudes sont arrivées quand avant lui, un président de parti politique(réf à Robert Dossou) était devenu président de la Cour constitutionnelle. Tout le monde avait eu peur sur son impartialité. Tous les démocrates se sont inquiétés parce que mettre un président de parti politique à la tête de la Cour constitutionnelle n’était pas rassurant. Mais lui, il a fait son temps en respectant plus ou moins la constitution. Mais Djogbénou lui s’en est foutu de tout le monde. Il a pris le droit de grève aux travailleurs », déplore l’homme politique.
« Talon aurait pu être un meilleur Président »
On a comme l’impression que le pays n’a pas de répère.
Revenant sur la gestion du pays par le président actuel, il affirme qu’on a l’impression que le pays a perdu tous ses repères et que les dirigeants actuels ne tiennent ni compte de l’histoire, ni compte de la démocratie, ni compte des avancées obtenues par les anciens régimes. Il continue en disant que « Talon aurait pu être un meilleur président s’il avait respecté la démocratie » et ajoutant que n’étant pas un acteur de la conférence nationale, « il aurait pu être un vrai héritier de la conférence nationale et de la tradition démocratique née de cette conférence nationale ». Mais malheureusement, fustige-t-il : « ils se sont moqués de la conférence nationale. Ils ne commémorent jamais les anniversaires de cette conférence. Ils en ont même détruit les symboles. Ils ont rasé la maison de la conférence nationale. Certains parmi eux disent même que la conférence nationale était une erreur. C’est frustrant pour nous autres et pour ceux qui ont pris des risques comme moi pour que la conférence se tienne » avant de regretter : « Si je dois mourir dans ces conditions, j’aurai pu dire que j’ai vécu inutile ». Il a aussi déploré le rôle de l’argent. « Dans un régime démocratique l’argent joue un petit rôle car on en a besoin pour organiser des élections. Le militantisme est le premier pilier d’une démocratie. L’argent ne peut pas être le premier facteur déterminant du système partisan comme ce que nous voyons aujourd’hui avec des leaders qui bombent le torse pour dire qu’ils ont l’argent. C’est le militantisme que nous devons rechercher. L’argent a détruit notre pays, l’argent a détruit la démocratie. Il y a des gens qui viennent pour prendre de l’argent. C’est dommage », a-t-il déploré.