Parti de Cotonou le mercredi 31 janvier 2024 après le conseiller des ministres qu’il a dirigé, Patrice Talon a regagné dans la soirée du même jour Paris où séjournent depuis quelques jours ses homologues ivoirien et nigérian Alassane Ouattara et Bola Ahmed Tinubu. Une curieuse coïncidence d’agendas pas si anodine que ça.
Alors qu’à Cotonou, le dernier voyage du chef de l’Etat sur la France-couvert à ses habitudes du sceau de confidentialité – ne suscite aucun émoi, celui de son homologue nigérian Bola Ahmed Tinubu fait jaser à Abuja. Organisations de la société civile et même partis politiques ne gobent pas la raison de « visite privée » servie par son porte parole Ajuri Ngelalé. Plusieurs d’entre d’eux ont dénoncé ce voyage jugé inopportun et suspecte alors que le Nigéria est en proie à des difficultés de toutes sortes : recrudescence des actes terroristes de Boko Haram et des kidnapings, cherté de la vie due à la dévaluation du naira et à la flambée des prix des produits pétroliers, corruption généralisée… Depuis sa prise de pouvoir le 29 mai 2023, Tinubu s’est rendu plusieurs fois en France pour se soigner. Mais cette fois-ci, l’agenda officiel annonce des rencontres bilatérales, surtout avec Anthony Blinken, le secrétaire d’Etat américain. Des indiscrétions racontent que le locataire d’Aso Rock aurait eu des échanges informels, en physique comme téléphoniques avec d’autres responsables politiques comme Alassane Ouattara. Ce dernier venu à Paris le 25 janvier, soit le lendemain de l’arrivée du leader nigérian, a pris ses quartiers à Mougins dans les Alpes-Maritimes pour dit-on, quelques jours de repos loin des tracasseries abidjanaises.
Guerre froide
L’arrivée de Patrice Talon à Paris dans la soirée du 31 janvier amène à trois le nombre des chefs d’Etats du Golfe de Guinée. Bien que le président ivoirien soit rentré sur Abidjan quelques heures plus tard, il a eu lui aussi l’occasion de rencontrer le Président français Emmanuel Macron et d’avoir quelques échanges en privé avec ses émissaires. En dehors des préoccupations privées, check up de routines, ces différents chefs d’Etats ont participé à des discussions informelles sur l’avenir sécuritaire de la sous-région. Actualité oblige, les départs imprévisibles et brusques du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO) et leur alliance militaire ne rassurent guère Cotonou, Abidjan et Abudja. Plus inquiet, Paris multiplie les tractations mais aussi les stratégies pour conserver ce qui lui reste de son pré-carré mais aussi pour mettre en difficulté les nouvels hommes forts du sahel que sont la Russie, la Chine et la Turquie dans une moindre mesure. Ces pays qui ont gagné l’estime des dirigeants militaires de ces pays du Sahel ont réussi à déloger progressivement français et américains pour asseoir leur hégémonie militaire dans le sahel. Cette situation préoccupe autant Paris que Washington qui, pour rien au monde, n’entend laisser le sahel tomber dans les mains russes. L’engagement américain rencontre la détermination française à reprendre la main dans cette région où elle a régné en maître depuis des décennies. A Paris, Paris et Washington ont multiplié des discussions avec les chefs de l’Etat du Golfe de Guinée pour peaufiner des stratégies pour déloger ces forces de gauche. Sans trop le vouloir, la sous région ouest africaine devient progressivement un terrain d’expérimentation de la nouvelle guerre froide qui a démarré depuis le 24 février 2022 avec la guerre russo-ukrainienne.