Tous les scénariii évalués, ce projet ne pouvait pas prospérer. Deux jours après son échec, on se rend bien compte que la proposition de loi portée par le député Assan Séibou ne pouvait connaître qu’un seul sort. A la volonté de la majorité des Béninois de voir ce projet échouer se sont greffées les déterminations de Boni Yayi et de Olivier Boko. Le premier a travaillé de façon ostentatoire en déclarant publiquement et à plusieurs endroits son opposition à cette révision. Et le second a, lui, travaillé insidieusement en sous-marin car étant à l’intérieur.
Yayi, l’artisan de l’échec
L’ancien chef de l’Etat qui a pris les rênes du parti Les Démocrates en octobre 2023 a usé de toute son expérience et de sa carrure pour garder son groupe homogène. Face aux nombreuses sirènes d’espèces sonnantes et trébuchantes, aux appâts de centaines de millions, aucun député du parti n’a mordu. Même si ce cas de figure pourrait légèrement changer en face d’un vote secret selon certaines indiscrétions du camp présidentiel, Les Démocrates ont résisté à toutes les promesses, même aux menaces. Ceci est le résultat d’un travail formidable abattu par Boni Yayi pour renforcer la confiance et la solidarité au sein du groupe mais aussi et surtout en mettant chaque député face à sa responsabilité devant l’histoire. Il a personnellement rencontré la majorité des députés à cet effet. Il a en plus mis en place un dispositif qui permet la prise de décision et le travail inclusif de tous les 28 députés. Tout ce travail a permis de ne pas arracher l’unique député dont la mouvance a besoin pour faire passer la recevabilité du projet de révision. Des jours à l’avant le vote et même toute la journée du vendredi, la chasse pour le seul « traitre » a été lancée. Par divers moyens et différents stratégies, le seul a été recherché. Pour cela, le démarrage de la séance a été différé à maintes reprises pour n’être fixé désespéramment à 23h après que toutes les tentatives se sont révélées infructueuses. L’équipe de Yayi était en bloc. L’échec étant consommé, l’ordre a été donné de passer à l’élection mais par un vote public à la tribune comme en 2017. Cette forme de vote a l’avantage de dissuader les traîtres mais de révéler les courageux qui s’opposent publiquement. Le second avantage c’est qu’il permet à la mouvance de limiter la cassure car il est évident qu’avec un vote au bulletin secret, il y aurait eu plus que sept votants contre la loi dans le camp de la mouvance. « On savait à l’avance que la loi ne passera pas mais on a demandé de faire passer à un vote public à la tribune afin de dissuader certains députés qu’on connaît mais aussi de voir les « rebelles » de notre camp et les traiter desormais tels. Toute indiscipline mérite une sanction », lâche un juriste-conseiller officiant pour le pouvoir.
Boko, le torpilleur silencieux
Contrairement à Boni Yayi, Olivier Boko aurait travaillé dans l’ombre. Même s’il n’existe pas de preuve évidente des actions qu’il a menées, les résultats obtenus et l’analyse de la liste des sept députés de la mouvance ayant voté contre le prouvent. A l’exception d’un ou deux, tous les sept ont des atomes crochus ou des connexions par personne interposée avec l’ami de Patrice Talon. Trois parmi les sept avaient affiché publiquement leur position contre la révision. Il s’agit de Justin Agbodjèté qui aurait, selon des indiscrétions, exprimé son opposition au projet à Joseph Djogbénou le président de son parti au cours d’une réunion publique. Eustache Akpovi a aussi affiché publiquement la même posture. Idem pour Lazare Sèhouéto qui, dans une interview publiée dans la presse le 07 février dernier, avait affirmé que « le vrai pays se préoccupe d’autres problèmes que la révision de la constitution ». Stratège très futé, Lazare Sèhouéto est l’un des émises grises de la stratégie. Il se susurre au sein du parti que dans les milieux parlementaires qu’il est la cheville-ouvrière du rejet de la loi par son travail à rallier des députés au front du « Non » ou de l’abstention. D’autres députés comme Malick Gomina et Bio Gounou Sina ont, me souffle-t-on, des amitiés personnelles avec Olivier Boko depuis les années Yayi. Quant à Lambert Agongbonon, il est un agent de l’une des sociétés de l’homme d’affaires depuis plus d’une décennie et doit son positionnement sur la liste BR, ainsi que son élection comme président de la commission du plan à ce dernier. Deux anciens ministres du président Talon officiant actuellement pour son ami ont également contribué à l’effort de torpillage du projet. Plusieurs dizaines de députés ayant eu peur de représailles et ayant voté « oui » vendredi dernier ont contribué à accroitre ce front.