C’est un acteur majeur des évènements politiques de 2021. A la tête du Mouvement Ensemble Construisons notre République(EnCoRe), il avait déclaré sa candidature à l’élection présidentielle mais n’était pas allé au bout de ses ambitions faute de parrainages. Il a alors rejoint le Front pour la Restauration de la Démocratie (FRD) où il s’est désisté en faveur du Professeur Joël AÏVO. 3è homme du duo Aïvo-Madougou, il était de l’expédition porto-novienne ce 03 mars 2021 où Reckya Madougou a été arrêtée. Après une période d’hibernation politique, ce médecin urgentiste et phlébologue, exerçant entre Cotonou et Paris, a repris ses activités politiques. Depuis fin 2023, il est l’actuel Vice-Président et Responsable de l’Information et de la Communication du Parti Grande Solidarité Républicaine (GSR) du Président Antoine GUÉDOU VISSÉTOGBÉ. Le Dr Nadin Tayéwo KOKODÉ dont la parole est désormais rare pour des raisons de discipline, dit-il, a accepté de répondre à nos questions. Entretien.
Bonjour Docteur KOKODE, comment allez-vous et comment va le Parti GSR ?
Le Patriote: Bonjour Monsieur le journaliste. Je me porte à merveille. Je « pète même la forme » comme dirait d’autres. Quant au GSR, il se porte à merveille tant que faire se peut, dans cet environnement très hostile à l’exercice de la démocratie pour les Partis politiques, toutes tendances confondues. J’ai la faiblesse de croire que, mis à part le fait d’être soi-disant les Partis de la Mouvance, ni l’UPR, ni le BR ne sont sereins pour les élections à venir. Aussi triste que cela puisse paraître, plus nous nous approcherons des Élections de 2026, plus les Partis politiques deviendront fébriles parce qu’impuissants quant à l’animation des dynamiques internes pour répondre aux exigences de cette période.
Vos propos m’étonnent. Votre Parti la Grande Solidarité Républicaine (GSR)est membre du Cadre de concertation de l’Opposition aux côtés du Parti les Démocrates. Quelle est dans ce cas votre contribution aux activités de ce cadre, mais surtout pour quelle finalité ?
R : Personnellement, je n’ai aucune contribution directe aux côtés du Parti LD. Mais je respecte les directives du Cadre de Concertation comme tout acteur politique majeur de l’Opposition responsable. Cependant, mon Parti le GSR, comme vous l’a récemment dit, mon Président Antoine GUÉDOU VISSETOGBÉ, collabore avec le Parti Les Démocrates de la meilleure des manières pour la concrétisation de nos idéaux. En ce qui me concerne, j’ai pour mission d’animer le terrain dans certaines circonscriptions électorales et je fais de mon mieux en respectant scrupuleusement la loi du silence sur les réseaux sociaux et les médias. Cela peut paraître assez paradoxal pour un Responsable de la Communication du Parti.
Voyez-vous, avec l’épée du Damoclès du Code du Numérique, n’en déplaise aux laudateurs de la Mouvance, se taire est une des meilleures armes pour l’Opposition. De quelle manière voulez-vous que nous nous battions contre une justice qui ne convainc plus personne et qui a tout l’air d’être aux ordres. Nous n’avons pas intérêt à ce que nos troupes soient décimées. Prudence est mère de sureté.
Pour ce qui est de la finalité de nos actions, c’est de gagner toutes les élections en 2026 et de se mettre au travail pour redorer le blason du Bénin.
Dans ce cas, pourquoi depuis la Présidentielle de 2021 et les Législatives de 2023, votre voix ne porte plus assez fort ? Pourquoi ce silence ?
Tout d’abord je ne suis pas vraiment silencieux, mais je suis moins actif et peu loquace, je le reconnais. Après l’élection présidentielle de 2021, je n’ai pas eu d’autres choix, pour des raisons de sécurité, que de me mettre à l’abri. Il y avait, souvenez-vous, une folie meurtrière dans notre Pays qui envoyait tout le monde en prison pour des raisons inavouées. Tous les opposants étaient qualifiés de « terroristes ». Je n’ai pas l’âme d’un martyre.
Pour ce qui est de 2023 à ce jour, j’ai été un peu déçu par ce qui s’est passé lors des Législatives de 2023. Aucune pression ne nécessitait que l’on sacrifie des militants qui étaient sur une liste électorale. J’en ai énormément voulu à mes compagnons de lutte du Parti les Démocrates pour leur maladresse d’alors. Mais, depuis, l’eau a coulé sous le pont. L’enjeu c’est le Bénin, nous sommes condamnés à collaborer.
Il faut néanmoins avouer que les réformes institutionnelles hasardeuses n’incitaient pas non plus aux débats contradictoires. À force d’entendre les laudateurs du Gouvernement dont d’éminents intellectuels, on se lasse. Pour animer la scène politique il faut une agora. La Mouvance n’avait aucun répondant sérieux, sauf à vouloir débattre avec des perroquets ou à vouloir pratiquer la langue de bois lors des débats. Pour ce qui est de l’animation de la vie politique, nous avons reculé d’au moins trente années depuis 2016. C’est triste pour notre Pays, mais ainsi va la vie. Tout est à reconstruire de ce point de vue-là.
Je vous avouerai enfin que mon travail me tenait à cœur. Du fait de mon absence sur le terrain, j’ai perdu beaucoup de patients que je suivais. Vous ne pouvez pas vous imaginer la pression que l’on reçoit de la part deses patients, de diverses manières, lorsque l’on est loin d’eux et qu’ils sont en détresse.
Nous sommes à un peu plus de 3 mois de la date butoire des dépôts de candidature à l’Élection Présidentielle mais chose inédite au Bénin depuis 1990, les Béninois ne connaissent à moins de six mois aucun candidat. C’est inquiétant non ?
D’abord ce n’est pas vrai. Kémi SEBA s’est déclaré candidat et il ne faut pas le passer sous silence, Daniel EDAH aussi. Il y a un troisième dont je ne me souviens pas le nom. Ils ne sont pas tous là pour amuser la galerie.
Pour revenir à votre question, d’aucuns vous diront que la réforme des Partis politiques est un échec. Moi je vous dis non. Nous allons vers des Élections Communales, Législatives et Présidentielle sans campagne électorale. On veut faire croire aux idiots que nous voterons pour des Partis forts. Ce n’est pas ce que dit notre Constitution. La Constitution valorise l’Élu et stipule que le Président de la République doit être un élu non seulement adoubé par son Parti, mais aussi reconnu pour ses capacités intrinsèques dont la probité et son état de santé, par exemple. Il doit être capable de défendre notre Pays et les valeurs de la démocratie.
Ce n’est pas de la vision d’un Parti politique, ni d’un groupe de Partis politiques dont nous avons besoin mais d’un projet politique personnel de nos candidats. Les élections de 2026 seront « une année sans » pour notre Pays. Aucun candidat à l’ élection présidentielle ne sera obligé de faire campagne. Les Partis politiques le feront à leur place. Nul besoin d’aller vers un débat télévisé à deux. Nous allons vers une élection à un tour de scrutin obligatoire.
Que l’on ne me dise pas que la réforme électorale a échoué, c’est une œuvre d’art. Mais, même les mauvais feux d’artifice ont besoin d’un bouquet final. Le ballon de baudruche va exploser en plein jour. Ce n’est pas moi qui ai dit que j’éprouverai la démocratie…c’est désormais chose faite, nous tournerons qu’il le veuille ou pas la page.
Que pensez-vous dans ces conditions des chances de l’opposition aux Législatives et surtout à la Présidentielle ?
C’est ce que nous ne voulions pas qui se passera : un combat de coqs, crêtes dressées, becs acérés.Je ne sais pas si vous avez une idée de ce qu’est un coq. Je vous inviterais à aller lire la querelle des lézards de Amadou HAMPATE BÂ et vous verrez combien les coqs sont fats, vils et dépourvus de cerveau, comme s’il fallait le rappeler. Je préfère les combats entre de vrais compétiteurs. J’ai bien dit de vrais compétiteurs pas des intrigants.
Le Code électoral de mars 2024 nous enverra directement dans le mur, c’est dans son essence. On compte certainement sur la résilience des Béninois. Je pense, néanmoins, que cette fois-ci cela ne va pas marcher.
OK ! « La loi est dure mais c’est la loi », et après. J’ai des doutes par rapport à la lucidité de ceux qui ont voté ce Code et de ceux qui ont œuvré pour qu’il soit mis en application. Il faut arrêter de se moquer du Peuple. Je suis peut-être un peu naïf sur ce coup-là, mais mes yeux verront la fin de cette histoire. Et l’Histoire me donnera raison.
Alors quelles chances pour l’Opposition dites-vous, il faut être réaliste, à moins de tricherie massive, la Mouvance n’a aucune chance. Reste le problème des PV d’arrondissements. La société civile et plusieurs acteurs politiques ont déjà rappelé qu’il risque d’y avoir des bagarres pour les récupérer si la CENA ne nous surprenait pas en mettant en place un dispositif d’apaisement.
Bref, si les élections se passent bien, la Mouvance Présidentielle n’a aucune chance à priori. Mais je ne suis pas dupe. Le pouvoir ne se donne pas. La question est de savoir ce qu’ils nous préparent, et à quel point la survie de notre « vivre ensemble » en dépendra. Vous savez,tuer le Peuple à coup de canon ou l’ébouillanter avec des litres d’eau chaude ne l’empêchera pas de prendre le pouvoir en 2026. Nous avons la chance d’avoir des élections de proximité. Un Code équitable aurait tellement fait du bien aux élections, mais hélas nos Députés étaient aux ordres avec en fond, la trahison de leur mission.
J’ai l’impression que vous êtes un peu dur avec nos Députés ?
Dur moi ? De mémoire, un citoyen béninois traitait l’État béninois « d’État voyou » il y a peu. J’aimerais bien l’entendre de nouveau sur ce sujet. Le Légicentrisme en plein 21ème siècle c’est de la voyoucratie ou pas ? La fameuse conception de la dictature du développement vient en vingt ans de nous montrer ses limites. Il y a une page à tourner.
Nous sommes dans un pays où tout et n’importe quoi se fait sous le couvert de la loi ignorant le droit. Maître Robert DOSSOU nous en a longuement donnés la bonne lecture. Le Code électoral est d’une grossièreté absolue et d’une nullité que seuls les aveugles ne peuvent percevoir. Nous sommes un Peuple résilient n’est-ce pas ? Avançons donc et voyons.
Dites-nous alors, selon vous, quel est le profil type du candidat de l’opposition à l’élection présidentielle de 2025 au Bénin ?
En 2015, lors d’un symposium que j’ai organisé en France, nous avons essayé de décrire un profil type de candidat pour l’élection Présidentielle au Bénin à partir de 2016. Un Livre Blanc a été édité et il est toujours d’actualité. La conclusion en 2015 était qu’il n’y a pas de profil type pour un Chef d’État au Bénin.
Ce dont le Bénin a besoin à la tête de son Pays, ce sont juste des ouvriers dévoués, capables d’élaborer un plan d’exécution d’un programme de développement que nous aurions préalablement défini. Ce Gouvernement, comme ceux qui l’ont précédé font du colmatage. Il n’y a aucun fil d’Ariane. Le plan de développement à long terme est dans la tête de quelqu’un qui par magie vous pond des idées de projets, aussi biscornus les uns que les autres pour des objectifs inavoués dont la plupart n’ont rien de primordial.
Notre Pays a besoin d’un plan de développement sur vingt à trente années. Notre Pays a besoin d’une réforme qui réduise vraiment les pouvoirs du Chef de l’État afin que ce dernier ne confonde plus la gestion rigoureuse de l’État et l’usage excessif du Pouvoir. Mais en attendant cela, nous devons souffrir que le chef de la majorité actuelle d’une part et celui de l’opposition d’autre part, nous désignent chacun leur candidat. Voilà ce à quoi a abouti la réforme du système partisan. S’il advenait que l’un et l’autre nous sortent un alter ego ou un éclopé de sa poche, le mandat de 2026 – 2031 nous enverra dans les abîmes de la déchéance.
La majorité présidentielle a annoncé qu’elle désignera son duo de candidat le 12 octobre, à 2 jours de la clôture des candidatures, selon vous, est-ce une bonne démarche ?
Je constate juste que les deux Partis siamois demeureront des Partis « faire-valoir » jusqu’au bout, avec une incapacité complète deprendre des décisions par eux-mêmes. Comment en effet peut-on aspirer désigner un candidat à l’Élection Présidentielle au Bénin si l’on est en incapacité de décider de son avenir politique ? Le pire c’est que dans l’Opposition nous sommes logés à la même enseigne.
En somme, il n’y a aucune rébellion possible au niveau d’aucun Élu de la République, Député ou Maire en 2025 au risque de se faire évincer de la liste. Nul ne pourra me contredire.
Le Code électoral est une prison pour les Élus et entraîne naturellement leur clochardisation politique au Bénin, qui rendra le pire possible en 2026. Nos Élus ont beau caqueter, ils ne sont pas maîtres du jeu. S’ils l’étaient du côté de la Mouvance,ce n’est pas le porte-parole du Gouvernement qui annoncerait à leur place que le nom du candidat de la Mouvance sera connu le 12 octobre 2025. S’ils l’étaient du côté de l’opposition parlementaire et du Cadre de concertation, vous n’entendriez pas autant parler de discipline de groupe : le calendrier électoral les contraint au silence comme des « toutous ». Le calendrier électoral nous contraint d’ailleurs tous à divers niveaux.
Pourquoi dites-vous cela Docteur KOKODÉ ? De quel type de contrainte parlez-vous ?
C’est simple, c’est juste une question de calendrier bien huilée. Lorsque je l’ai découvert, je me suis incliné devant le mauvais génie du Législateur. Notre calendrier électoral répond à une prophétie, « tenir les grands électeurs ». Le dépôt des dossiers pour l’élection Présidentielle se fera entre le 10 et le 14 octobre 2025, celui des élections municipales et Communales se fera entre le 10 et le 14 novembre 2025, un mois après celui de la Présidentielle. Toute rébellion de la part d’un Élu qu’il soit de la Mouvance ou de l’Opposition se paiera cash entre ces deux dates par une éviction de la course soit aux communales soit aux Législatives : c’est une lapalissade.La démocratie de Boni YAYI était au moins « nescafé ». Je n’ai pas de mot pour qualifier celle de Patrice TALON, au risque que l’on vienne me chercher pour harcèlement de Chef d’État. Voilà une aberration de nos Codes. Toute personnalité publique peut se soustraire de ses obligations de rendre compte au Peuple en évoquant le harcèlement.
Bref, la réformette du système partisan semble mal pensée et décousue. Mais c’est une œuvre d’art qui ne sert en rien la cause de la Démocratie partisane telle que définie par la Conférence des Forces Vives de la Nation en 1990. Elle ne comporte hélas aucun projet constitutif pour la République. C’est du vent que l’on nous a vendu. Plus que la Constitution, c’est une réforme taillée sur mesure, et je refuse de croire que cela soit l’œuvre du hasard. C’est pour cela que j’ai refusé de me battre pour sa modification.
Mais, dans notre malheur il y a une lueur d’espoir. Je ne vais pas vous la révéler ici. À la fin, c’est la Démocratie qui gagnera. J’en suis convaincu.
Parlons donc de vous-même Docteur, quelles sont vos ambitions pour 2026 ?
Pour être honnête avec vous, plus le temps approche, plus je suis dépité. Je travaille néanmoins pour rester proche de mes militants qui n’ont pas perdu espoir. Je ne vois pas par exemple qui peut nous prendre la 20ième Circonscription électorale en 2026, un de nos objectifs étant, secret de Polichinelle, de mettre le pouvoir devant ses propres tares en empêchant les Partis au pouvoir d’avoir 20% dans certaines circonscriptions électorales. Je suis donc au service de mon Parti pour ce qui est des Élections Générales.
Il est entendu comme dit précédemment, c’est certainement cela aussi le sens de votre question, que les Élections Présidentielles sont entre les mains des chefs de la Mouvance et de l’Opposition. Mes ambitions pour l’Élection Présidentielle sont intactes, mais il faut des préalables. Nous sommes en politique. Tant que la date de clôture des dossiers n’est arrivée il y a de l’espoir. Mais dans l’état actuel des choses, ma réponse est claire, c’est la discipline de groupe.
En 2021, j’ai joué le jeu jusqu’au bout, j’ai éprouvé le système, et je pense que nos actions ont permis aux esprits machiavéliques de verrouiller le dispositif d’obtention des parrainages. Tous les candidats de l’Opposition à avoir été candidat à la candidature de la Présidence de la République en 2021 ont été éprouvé. Un a failli être tué, trois sont présentement en prison, le Ciel et les mânes de mes ancêtres me font la grâce d’être en liberté et de pouvoir m’occuper de mes patients tranquillement. Diriger le Bénin n’est pas une obsession pour moi. C’est Dieu qui donne le Pouvoir. Par ailleurs, c’est impossible pour quelqu’un de réfléchi de placer ses ambitions au-dessus des incongruités du Code électoral actuel. Il faut d’abord modifier ce Code spoliateur.Rien n’est impossible à ce sujet. Nous pouvons par consensus aboutir à des réponses raisonnables aux inquiétudes du Peuple et aller enfin, une fois sous l’ère de la Rupture, à des Élections apaisées. C’est tout ceci mon souhait. Vœu pieux peut-être mais nul ne peut m’empêcher de rêver à ce qu’il y a de mieux pour mon Pays.
Entretien réalisé par Marcel Zoumènou
