Dans une publication faite sur sa page Facebook ce lundi 09 juin 2025, l’ancien ministre et fils de l’ancien Président de la République du Bénin, Ganiou Soglo qui, à la suite de la découverte d’un réseau de trafic de filles vers le Koweït, a dénoncé les Accords Bilatéraux de Travail(ABT) avec les pays du Golfe. Mais il nourrit l’espoir que « le président Patrice Talon peut encore endiguer ce phénomène d’exode qui décime une frange de la jeunesse béninoise ». Lire l’intégralité de sa réflexion.
Face à l’échec des politiques d’emploi des jeunes: Le Bénin cautionne l’esclavage des temps modernes dans le Golfe
L’émoi suscité par la mort de nombreux Béninois dans les eaux de la Méditerranée ne nous a pas encore quittés. Paix aux âmes de ces jeunes qui, fuyant l’apocalypse quotidienne de leur pays, finissent par périr noyés en espérant rallier l’Europe !
Jadis, le Bénin ne s’illustrait pas dans ce drame. Mais aujourd’hui, les naufrages de Béninois dans la Méditerranée se multiplient. Ils sont encore nombreux en Libye et en Algérie à ne pas renoncer à l’immigration clandestine, malgré les passages devant eux, des dépouilles des autres candidats . Le ministre libyen de l’Intérieur, Imad Trabelsi, a révélé le 10 juillet 2024 que son pays de 7 millions d’habitants compte sur son sol 2,5 millions de migrants, dont 70 % à 80 % seraient en situation irrégulière. Les souvenirs inhumains de migrants clandestins vendus aux enchères en 2017 en Libye, qui avaient suscité l’ire de la communauté internationale, restent vivaces dans nos mémoires.
Pour diverses raisons : recherche d’emplois, persécutions politiques, guerres (notamment la montée de l’extrémisme violent et ses corollaires), quête de moyens d’existence, des bras valides de l’Afrique se jettent à la mer. Ils meurent par milliers chaque année en tentant de rejoindre l’illusoire eldorado européen.
Un nouveau mouroir au Moyen- Orient
Pendant que nous continuons de déplorer cet état de fait et tirons la sonnette d’alarme pour que les gouvernements africains puissent donner l’espoir d’un mieux-être sur le continent, c’est un autre mouroir qu’ils ouvrent au Moyen-Orient : les Accords Bilatéraux de Travail (ABT) avec les pays du Golfe.
Ces accords visent à réglementer la mobilité d’une main-d’œuvre principalement composée de travailleuses domestiques. Elles sont environ 7 millions au Moyen-Orient, venues principalement d’Asie et d’Afrique, selon l’Organisation internationale du travail (OIT). Les ABT doivent en théorie leur apporter une meilleure protection, alors que beaucoup rejoignent le Golfe via des réseaux de contrebande.
À l’instar du Kenya, de l’Éthiopie, de la Sierra Leone, du Burundi, du Malawi, le Bénin en est signataire. Ainsi, sous le pouvoir de Patrice Talon, des agences sont agréées auprès du ministère des Affaires étrangères pour formaliser l’envoi de jeunes – en l’occurrence des filles – au Moyen-Orient pour travailler en qualité de domestiques ou de petites mains dans les commerces.
De l’esclavage moderne cautionné par l’État
« Je ne vois pas en quoi envoyer nos filles en esclavage serait un progrès. » Cette réflexion amère illustre l’enfer des domestiques africaines au Moyen-Orient. D’un « trafic d’êtres humains » organisé depuis leur pays, elles finissent dans l’« esclavage moderne » dans le Golfe. Dépouillées de leurs documents de voyage dès leur arrivée, elles travaillent parfois plus de 20 heures par jour, sans compter la mise en esclavage sexuel des plus séduisantes. Comment ne pas évoquer ici le gros scandale sexuel « Dubaï Porta Potty » qui a levé un coin de voile sur le traitement ignoble que subissent certaines filles africaines au Moyen-Orient !
Le cadre officiel, c’est un Accord Bilatéral de Travail (ABT), mais les filles, pour la plupart, ne jouissent d’aucune protection des missions consulaires ou diplomatiques de leurs pays, alors que les abus sont légion. Dans ces conditions, on enregistre aussi des morts. Il est difficile d’identifier parmi elles, celles qui, après cinq ans de dur labeur, reviennent au pays pour se mettre à leur propre compte.
L’hypocrisie gouvernementale
Au Bénin, ce sont des centaines de filles qui migrent vers le Golfe sous cet accord et ce avec des documents homologués par le gouvernement.
La semaine écoulée, on a appris avec stupéfaction, la réaction de nos gouvernants actuels suite à la découverte d’un réseau de trafic de filles vers le Koweït. Plusieurs placements sous mandat de dépôt ont été effectués et des enquêtes se poursuivraient. Vaste hypocrisie ! Comment le gouvernement béninois, qui a agréé la dizaine d’agences à cet effet, peut-il s’étonner de l’existence de tels réseaux ?
Les agences, bras armés de la mise en œuvre des ABT, opèrent sous la férule du ministère des Affaires étrangères. C’est ce dernier qui autorise les sorties des jeunes filles après vérification des dossiers. Aujourd’hui, le gouvernement s’offusque comme s’il n’était pas informé de la finalité du business… Face à cet état de choses, le ministre des Affaires étrangères devrait prendre ses responsabilités. Car se sont ses services qui coordonnent allègrement cet exode. Rien n’indique que cette parade judiciaire orchestrée devant la CRIET donnera un coup d’arrêt à ce honteux trafic.
Le constat accablant
En clair, face à son incapacité à mettre en place un climat favorable à l’émergence du secteur privé créateur d’emplois, le régime de la rupture cautionne l’esclavage des temps modernes au Moyen-Orient. Les déflattés des nombreuses sociétés fermées, les milliers de jeunes femmes dont les commerces ferment après les déguerpissements, les désespérés de la gouvernance défaillante actuelle s’orientent vers cet étau, à défaut de se noyer dans la Méditerranée.
Il est une évidence que la jeunesse constitue le fer de lance du développement. Il faut l’occuper, lui permettre de développer son potentiel et d’en bénéficier, au lieu de la livrer à l’abattoir.
Un espoir d’action
Je crois que malgré le compte à rebours enclenché pour son départ de la magistrature suprême, le président Patrice Talon peut encore endiguer ce phénomène d’exode qui décime une frange de la jeunesse béninoise. La question est de savoir s’il en a la volonté politique.
That is the question ?
Ganiou Soglo
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