Depuis plusieurs mois prolifèrent à Cotonou, des thèses de succession aussi saugrenues les unes que les autres. L’une d’elles- la plus répandue d’ailleurs à côté de l’idée d’un choix raisonné fait au sein des partis politiques habiletés – voudrait que le chef de l’Etat, toujours d’inspiration divine, choisisse un successeur et en faire de lui le prochain Président de la République.
A maintes reprises, on l’a entendu se prononcer sur ce projet. Une première fois, ce fut le 23 décembre 2023 où il rejette la promotion des amis et parents en politique et affirme clairement, je cite : « Je ne vais pas dire, après moi c’est le K.O. Donc je serai actif pour que la suite soit dans l’idéal que nous sommes entrain de bâtir ensemble ». Ces derniers jours-ci, au cours de différentes rencontres à la Présidence de la République avec les jeunes, les maires, les opérateurs économiques et lors des festivités marquant la commémoration des soixante cinq ans de l’accession de notre pays à l’indépendance, le chef de l’Etat est revenu encore sur sa succession. Réaffirmant qu’il est prêt à laisser le pouvoir mais qu’il sera actif pour le choix de son successeur. « Moi, mon seul paramètre c’est qui d’entre vous sera capable de faire mieux que ce que je fais actuellement », avait-il aussi affirmé. Son obsession à vouloir laisser le pouvoir à quelqu’un qui a la même vision que lui, à se donner un successeur comme lui amène plusieurs observateurs de la vie politique béninoise à s’interroger sur les réelles motivations de son intention. Jamais un président béninois élu sous l’ère de la démocratie n’aura affiché autant d’intérêts pour sa propre succession.
Pourquoi se soucie-t-il pour sa succession au point de vouloir, à quelques nuances près, vouloir désigner à la place du peuple le prochain Président de la République ? Est-ce simplement parce qu’il est soucieux que les nombreuses réformes qu’il a initiées soient maintenues ou poursuivies ?
On trouvera quelques bribes de réponses à ses interrogations dans les propos d’ Alain Adihou. Interrogé tout récemment sur TVC, l’ancien ministre, affirme sans barguigner : « Celui qui peut remplacer Talon, c’est Talon lui-même ». Et plus loin, il ajoute, « Celui qui va continuer comme Talon, c’est Talon lui-même ».
On peut donc se demander si une réflexion similaire ne se mène pas dans les cercles restreints du pouvoir, à savoir : remplacer Talon par Talon. Car, il n’aura jamais qui sera comme Talon et fera les choses comme lui. Le prochain Président de la République sera-t-il le choix de Talon ou celui des millions de Béninois qui veulent avoir le privilège de choisir le prochain président de la République ? Le nouveau Code Electoral ayant déjà amputé le pluralisme électoral de plusieurs de ses membres, les velléités de « succession sur mesure » du chef de l’Etat viennent aggraver la situation. A force de chercher « Talon dans la peau de son successeur », le risque est grand de chercher à le maintenir au pouvoir. En 2026, le successeur de Talon peut bien se donner d’autres priorités. Depuis 1991, chaque Président a renforcé un pan du développement du Bénin. Nicéphore Soglo a choisi le redressement économique et les infrastructures alors que le Général Mathieu Kérékou a mis l’accent sur l’unité nationale, la cohésion nationale, le bien être social et les libertés démocratiques. Boni Yayi a continué le chantier de son prédécesseur sur la paix, la démocratie et a investi dans le capital humain. Talon a, quant à lui, privilégié les réformes structurelles, la modernisation et les infrastructures. A chacun ses choix politiques et ses priorités. C’est une illusion ou peut être un alibi de vouloir que son successeur fasse les mêmes choses que soit.