Depuis Avril 2016, le Bénin s’illustre négativement sur le plan des libertés et du respect des droits humains. A maintes reprises, les agissements du gouvernement ont révélé une volonté affichée de défier l’ordre juridique internationale. Le cas Hugues Comlan Sossoukpè n’en est que le troisième d’une série de faits attentatoires aux conventions et traités que le Bénin a signés en matière de protection des droits humains.
Ruse ou Rage ? Le gouvernement du président Talon semble déterminé à ne respecter aucun accord ou traité international signé par la République du Bénin à travers ces différents gouvernements. Le Bénin se comporte comme un pays super puissant aux domaines d’intervention illimités et aux compétences supranationales et transfrontalières. Le pays s’est d’abord doté d’un arsenal judiciaire assez répressif composé de la loi sur le numérique comme socle et de lois satellites comme le Code Pénal et bien d’autres qui limitent les champs de la liberté d’expression. A cela, le gouvernement a mis plus de moyens pour développer sa capacité de nuisance au-delà de ses frontières.
Ainsi, il a réussi à opérer à 170 km de Cotonou, dans la capitale togolaise en allant kidnapper le cyberactiviste Steve Amoussou bien recroquevillé dans son refuge à Lomé. Jusqu’à la date de son arrestation, il passait pour le journaliste le plus écouté et le plus apprécié du pays dont les chroniques étaient distribuées comme des petits pains dans les téléphones portables par le truchement des réseaux sociaux.
Puis vint le cas de Comlan Hugues Sossoukpè qui défraie la chronique. Arrêté le 10 juillet dernier à Abidjan alors qu’il assurait, pour son média Olofofo, la couverture médiatique d’une activité du ministère du numérique de ce pays. L’indignation qui en est suivie est la preuve que le coup passe mal dans l’opinion. Mais ces deux cas, bien que flagrants, cachent mal la première tentative du gouvernement 2018.En matière de non respect des droits internationaux, le Bénin s’est rendu déjà coupable des faits dénoncés par plusieurs voix notamment sur les affaires relatives aux interpellations de Steve Amoussou à Lomé au Togo et du journaliste webactiviste Comlan Hugues Sossoukpè à Abidjan en Côte d’Ivoire. En 2018, la justice béninoise a déjà essayé de s’imposer à celle de l’Espagne à Madrid en s’affranchissant de toutes les procédures même des plus élémentaires en matière d’extradition, dans l’affaire Komi Koutché. Réfugiés au Togo, Steve Amoussou confondu à frère Hounvi et Comlan Hugues Sossoukpè ont été quant à eux, sans procédure aucune, interpelés dans des conditions des plus opaques sur des territoires étrangers et extradés vers le Bénin.
Pourtant, le pays est signataire de plusieurs voire de presque toutes les conventions relatives à la protections des droits des réfugiés, de la charte africaine des droits de l’homme et de bien d’autres dispositions légales internationales , instruments capitaux pour encadrer le champ d’action des pouvoirs d’Etat pour la préservation de la société.
Maudites conventions
Pour rappel et à toutes fins utiles, le Bénin a succédé à la France après son indépendance en 1960 et est devenu partie à la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, depuis le 4 avril 1962. Il a également accédé au protocole de 1967 depuis le 6 juillet 1970. Sur la base de ces deux instruments le HCR définit clairement qui peut être réfugié et surtout les droits de la personne en situation d’asile. Que disent donc les textes en la matière ?
« En raison de la crainte bien établie d’être persécuté pour des raisons de race, religion, nationalité, d’appartenance à un groupe social particulier ou pour des raisons d’opinion politique, se trouve hors du pays dont il est citoyen ou qui, en raison d’une telle crainte, évite de se prévaloir de la protection de ce pays ; ou encore qui, étant apatride et se trouvant hors du pays de sa résidence habituelle, antérieure, ne peut pas y retourner ou qui, en raison de ses appréhensions, ne souhaite pas le faire. Dans le cas d’une personne détenant plus d’une nationalité, les termes « le pays dont elle détient la nationalité » signifie chacun des pays dont elle est citoyenne, et une personne ne sera pas réputée ne pas bénéficier de la protection du pays dont elle détient la nationalité si, sans raison valable fondée sur des craintes bien établies, elle ne s’est pas prévalue de la protection de l’un des pays dont elle est citoyenne ». N’est-ce pas assez claire pour la rupture pour limiter ses envies d’en découdre avec ses opposants politiques ou les voix critiques à sa gouvernance ?
Aussi, est-il nécessaire de rappeler que la Convention de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) adoptée en 1969 et ratifiée par le Bénin depuis le 26 février 1973 régit les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. L’article 1er de cette convention définit le statut de réfugié et les principes généraux y relatifs. L’article 3 interdit tout agissement subversif vis-à-vis d’un Etat membre de l’OUA, que cette subversion passe par les armes ou par la presse écrite et radiodiffusée.
Un réfugié est soumis aux lois du pays qui lui accorde l’asile. Dans les cas de Comlan Huges Sossoukpè et de Steve Amoussou, seul le Togo pouvait agir s’il y avait manquement, selon la loi et les conventions. Le Bénin le savait très bien tout comme ses dirigeants qui ont été déjà face cette situation au moins une fois depuis 2016. Pour preuve, par décret N°2024-728 du 24 janvier 2024 portant autorisation d’extradition du nommé Odiase Vincent OSARODION vers l’Italie, le Bénin a remis ce nigérian de nationalité aux autorités italiennes sans doute parce qu’elles ont suivi les procédures requises en la matière.
Ces violations des droits internationaux rallongent la liste des agissements qui érodent le Bénin et le présente comme un Etat qui agit en dehors des lois et qui se fait justice sans se préoccuper de la justice elle même et au mépris desquelles procédures il viole les droits de ses concitoyens.
Depuis 2022, des experts de l’ONU ont appelé à la libération de l’ancien ministre Reckya Madougou dont la détention est qualifiée d’arbitraire, sans que cet appel n’est eu un écho favorable auprès des dirigeants béninois. Idem pour le professeur Joël Aïvo qui croupit en prison alors que le même groupe de travail des Nations Unies a déclaré sa détention arbitraire. Mieux vaut s’arrêter à ces exemples qui ne sont qu’un échantillon d’un lot de refus d’exécution des décisions prises ou rendues par des instances internationales pour rendre justice aux Béninois brimés.