Alors qu’il s’approche inexorablement de la fin de son dernier mandat, le régime du président Patrice Talon a battu tous les records en matière de non respect et de violation des accords et décisions des juridictions internationales. Une posture fièrement assumée qui révèle à la face du monde l’hostilité du régime à la démocratie, aux respects des droits fondamentaux de la personne humaine et à la liberté.
Le 17 mars 2016, lors du débat télévisé du second tour de la présidentielle 2016, Patrice Talon, alors candidat de l’opposition contre Lionel Zinsou – porté par une coalition de partis politiques dont les FCBE, le parti au pouvoir – a qualifié le régime du président Boni Yayi d’ « Etat voyou » affirmant qu’ « Un Etat voyou est un Etat qui ne respecte pas les lois, les décisions de justice ». Dépossédé de son contrat de Programme de Vérification des Importations(PVI) et du tissu industriel de la SONAPRA, Patrice Talon avait porté l’affaire devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage(CCJA) à Abidjan. Cette cour d’arbitrage sous tutelle de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires(OHADA) lui avait donné raison dans sa sentence arbitrale du 13 mars 2014 et avait demandé au gouvernement de lui verser la somme de 129 milliards pour manque à gagner et 2 pour préjudice moral. Le gouvernement d’alors avait décidé de ne pas respecter cette décision, accusant Patrice Talon à son tour de faux et usage de faux et faux en écriture publique et blanchiment de capitaux. Cette attitude du gouvernement était la cause de cette déclaration de PatriceTalon. Ironie du sort, c’est sous le même personnage, devenu président quelques mois après que le concept d’ « Etat voyou » a retrouvé grandeur et plénitude. En neuf ans de pouvoir, le gouvernement aura battu tous les records de violation des dispositions d’accords et traités internationaux que le Bénin a ratifiés ou de décisions de justice internationale au point de faire dire à Kemi Séba, opposant béninois et candidat annoncé à la présidentielle 2026 que le régime était un régime de racaille.
Record de plaintes devant la CADHP
C’est à Arusha, siège de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples(CADHP) que le gouvernement a révélé sa vraie nature. Dans les arcanes et les conciliabules, juges et greffiers se demandent ce qui se passe dans ce petit d’Afrique de l’Ouest. Depuis 2017, ils ont observé un pic vertigineux du nombre de plaintes contre le pays. De 2017 à 2021, 43 décisions ont été rendues par cette cour continentale suite à des plaintes ou des recours de citoyens béninois mais aussi étrangers victimes des abus et injustices du régime. Parmi eux, on trouve des personnalités politiques bien connues comme Sébastien Adjavon, Lehady Soglo, Komi Koutché … des juristes comme Eric Hounguè, Conaïde Akouèdégnon, Glory Hossou… mais aussi des hommes d’affaires comme Ghaby Kodeih…etc. Parmi ces nombreuses décisions dont quelques unes lui donnent raison, la grande majorité condamne le régime de la rupture et le contraint à prendre annuler certaines décisions politiques. C’est le cas du Code Electoral mais aussi des élections de 2020 et 2021 dont la Cour a demandé l’annulation. Jamais le gouvernement n’aura respecté aucune de ces décisions. Bafouant à la limite cette prestigieuse Cour garante des droits de l’homme sur le continent.
Le GTDA, l’affront de trop
Les plus grosses raclées judiciaires ont été données au gouvernement par le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire(GTDA) qui a rendu deux avis. Le premier le02 novembre 2022 sur Reckya Madougou, ancienne ministre et candidate du parti Les Démocrates à l’élection présidentielle de 2021 et le second le 13 novembre 2024 sur Joël Aïvo, professeur agrégé de droit constitutionnel et candidat déclaré à cette même élection présidentielle.
Le Kidnapping du journaliste Hugues Comlan Sossoukpè le 10 juillet dernier est la dernière illustration de cette dérive autoritaire du régime. Alors qu’il était à Abidjan pour raison professionnelle et suite à une invitation du gouvernement ivoirien, les autorités béninoises, en intelligence avec celle du pays hôte l’ont enlevé manu militari pour le conduire à Cotonou via un avion spécial. En procédant ainsi, il a fait fi de son statut de réfugié bénéficiant de la protection du Togo où il vivait en exil. Son cas n’est pas singulier. En août 2024, Steve Amoussou, lui aussi journaliste et activiste vivant à Lomé et officiant dans le même registre critique que Hugues Sossoukpè a été aussi enlevé dans les conditions obscures par des barbouzes envoyés depuis Cotonou.
Ces différents agissements d’une autre époque ont fini totalement à discréditer le régime et prouvé à la face du monde ses velléités autoritaires qui semblent bien assumer depuis 2016.