Piège de calendrier électoral ou stratégie pour dévoiler tardivement leur duo candidatures ? A trois mois jour pour jour de la clôture des candidatures pour l’élection présidentielle de 2026, aucun des trois partis politiques habiletés à désigner de candidats pour cette élection ne l’a fait. Tous sont encore reclus dans leurs laboratoires politiques, réfléchissant sûrement à deux équations : celle du «bon profil » et du « bon moment » pour sortir leurs duos.
Le Bénin vit une situation politique inédite depuis l’avènement de la démocratie en 1990. C’est la première qu’à trois mois de la clôture des candidatures pour une élection présidentielle, le pays ne vit pas au rythme de l’élection avec les annonces et présentation de candidatures, les ralliements de partis à telle candidature, les meetings, les critiques et les approbations de candidatures. Cette élection présidentielle aura un arrière goût d’une élection totalement « fermée » où le débat et le choix des candidats sera probablement l’affaire des partis et surtout de deux personnalités : Patrice Talon et Boni Yayi, Président de la République et chef d’une opposition qui semble opposer une contre-stratégie maligne aux multiples schémas goupillés à la Marina. Ce lundi 14 juillet, nous sommes à trois mois jour pour jour de la clôture des dépôts de candidatures pour la présidentielle de 2026. Le calendrier électoral publié par la Commission Electorale Nationale Autonome(CENA) avait fixé les dépôts de candidature pour l’élection présidentielle du 10 au 14 octobre 2025. Les partis politiques capables – 28 parrains au moins – de présenter un duo de candidats pour la présidentielle ont donc 90 jours pour déposer les dossiers des deux personnes qui porteront l’étendard de leur parti. Challenge pas insupportable mais laborieux pour des partis déjà surbookés par la gestion des dossiers de candidature pour les élections communales et législatives. En effet, ces partis devront mobiliser 218 dossiers pour les législatives et 3630 pour les communales du 11 janvier 2026. Depuis 1990, c’est la première fois qu’ils sont confrontés à un si grand défi sur le plan administratif et ceci en si peu de temps puisque les dépôts de candidatures sont prévus pour la période du 08 au 12 novembre, soit moins d’un mois après le dépôt de candidature pour la présidentielle. Ce contexte d’inflation électorale doublée du défi administratif colossal de mobilisation de dossiers de candidature est d’ailleurs la première embûche sur le chemin de la candidature. Et ce n’est pas le plus difficile.
Le bon profil
S’ils arrivent à surmonter le défi administratif imposé par le calendrier électoral à travers la préparation des dossiers de candidatures pour près de 4000 candidats pour les élections législatives et communales couplées, les partis politiques doivent maintenant faire face au plus difficile : trouver le bon profil. Le choix de la bonne personne demeure une équation difficile. Dans les deux partis siamois de la majorité présidentielle, il faut non seulement multiplier les conciliabules pour aboutir au choix de personnalités fortes, charismatiques et surtout « capables » de continuer les réformes « courageuses » du président Talon. Cette dernière donne rend le choix malaisé surtout dans un environnement politique fortement sclérosé par des velléités présidentielles souterraines et malignes du chef de l’Etat et une forte crise de confiance après le bannissement de quelques caciques du régime comme Olivier Boko, Oswald Homeky, Johannès Dagnon… La recherche de personnalités fortes pouvant faire l’unanimité devient donc une mission presque délicate pour laquelle les acteurs n’osent pas prendre trop de risques. Dans ces deux partis de la majorité présidentielle, l’ombre du chef de l’Etat plane fortement sur les choix des duos de candidats. A maintes reprises, Patrice Talon a exprimé sa volonté d’avoir son « droit de regard » sur les choix des candidats des partis. A l’allure où les choses se dessinent, on a l’impression que ces choix se feront en comité restreint par le président de la République et quelques personnalités de ces partis. Au BR où le président Abdoulaye Bio Tchané est forclos constitutionnellement, le choix s’annonce moins ardu qu’au sein de l’UP-R où le président Joseph Djogbénou est candidat à la candidature et prendra tous les risques possibles pour servir cette chance. Dans l’opposition, les regards sont tournés vers Les Démocrates où Boni Yayi, président du parti, devient peu disert sur la question, même en privé. Le parti a, néanmoins, ouvert une procédure de recueillement des dossiers de candidatures sans trop communiquer sur le reste de la procédure.
Le bon moment
Si à trois mois de la clôture des candidatures pour l’élection présidentielle, aucun des partis habiletés n’a encore de candidats c’est d’abord le fait que ces partis se surveillent. Personne n’a envie de vite sortir son duo de peur de se voir attaquer par les deux autres partis. Il se joue une vraie bataille stratégique autour de ce choix. La mouvance a clairement annoncé dévoiler son ou ses candidats le 12 octobre, soit à deux jours de la clôture des candidats à cette élection. Il n’y aura pas donc une possibilité aux populations de connaître à l’avance ces candidats, d’en connaître un peu sur leurs parcours et sur leurs offres politiques et de les rencontrer avant que la CENA ne reçoive leurs dossiers. Il est presque évident que l’opposition dévoilera les siens à la même période. Il aura réussi à mettre son poulain à l’abri des surprises désagréables et des attaques politiques déstabilisantes. Surtout que le parti doit s’armer de ruse et de stratégie pour faire réussir à son candidat et son colistier le concours suffisamment sélectif de mobilisation des pièces nécessaires pour constituer le dossier de candidatures. En effet, il est de moins en moins évident à un candidat de l’opposition de réussir à travers l’étape de quitus fiscal pour finaliser son dossier de candidatures. Comme lors des élections législatives de 2023, le quitus fiscal sera un sésame précieux qui sera utilisée à fond pour écarter des candidats de l’opposition « non désirable » à l’élection présidentielle. La validation de la candidature du duo de l’opposition par la Cour Constitutionnelle sera la clé d’une élection pluraliste et démocratique au Bénin. Autrement, elle prendra la forme, pas d’un choix populaire mais d’une formalité banale pour changer de Président.