Sur le continent africain, la question du pillage des ressources minérales par les pays occidentaux fait les gros titres des journaux depuis plusieurs années. Pourtant, c’est la Russie qui apparaît comme un acteur majeur de l’exploitation illégale des gisements aurifères du continent en tirant les ficelles dans l’ombre.
Les implications de la Russie dans le pillage africain sont principalement liées à sa présence militaire sur le continent africain. Sous couvert d’un partenariat gagnant-gagnant, les autorités russes ont en effet propulsé les forces du groupe paramilitaire Wagner (désormais Africa Corps) dans plusieurs pays africains richement dotés en ressources minérales comme la Centrafrique et le Mali.
Si le nombre des militaires ou des instructeurs déployés sur le continent reste flou, il est déjà certain que ces mercenaires ne donnent pas que la formation ou un appui militaire pour enrayer l’insécurité galopante dans les différents pays. Ils donnent également dans le business à partir des ressources en or de l’Afrique.
2,5 milliards $
Il reste difficile de savoir l’ampleur exacte des opérations du groupe Wagner dans un contexte où l’opacité et la confusion des genres règnent. Cependant, le Conseil mondial de l’or (World Gold Council-WGC) s’est livré à cet exercice délicat.
Dans son rapport « Le silence est d’or : un rapport sur les mineurs artisanaux exploités dans le but de financer la guerre, le terrorisme et le crime organisé » publié en novembre 2024, l’organisation dresse un portrait accablant de l’implication du groupe paramilitaire Wagner dans le pillage des ressources en or du continent africain.
Selon le WGC, la société de sécurité a généré plus de 2,5 milliards de dollars grâce à l’extraction illicite d’or, principalement à travers l’exploitation des mines en République centrafricaine, au Soudan, au Mali ou encore en Lybie depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022. Si le groupe opère désormais sous le label Africa Corps depuis décembre 2023 avec la mort de son fondateur Yevgeny Prigozhin, les activités illicites dans l’or continuent de se faire sous la tutelle et au profit du Kremlin.
Profitant du chaos généré par l’insécurité, le groupe paramilitaire a en effet fait main basse sur plusieurs mines et raffinerie d’or notamment en Centrafrique, en Lybie et au Mali. Dans ce dernier pays, Wagner a notamment pris le contrôle d’une mine d’or artisanale à Intahaka (la plus vaste du nord du pays) en février 2024 sous prétexte de sécuriser le site et d’empêcher les groupes armés de profiter de la ressource.
Que cela soit dans l’Ouest ou le Centre du continent, le mode opératoire est connu. Une fois extrait illégalement, WGC souligne que le métal jaune est envoyé en Russie, soit directement via la base militaire de Lattaquié en Syrie ou de manière plus détourné via des centres internationaux de commerce de l’or comme Hong Kong, la Turquie, les Émirats Arabes Unis, l’Inde ou encore la Suisse.
En dehors du WGC, un rapport publié en juin 2023 par l’organisation d’investigation anti-corruption The Sentry a aussi mis en lumière les agissements de Wagner dans le secteur aurifère africain. Selon le document baptisé « Architects of Terror The Wagner Group’s Blueprint for State Capture in the Central African Republic », le groupe a ciblé des sites miniers et entrepris de violentes attaques pour faire déguerpir les civils et prendre le contrôle. D’après l’organisation, la société militaire a également mis à profit ses réseaux transnationaux au Soudan, au Cameroun, à Madagascar et en Russie pour construire en Centrafrique, un site de production industrielle dans le secteur aurifère qui passe sous les radars de la surveillance des autorités locales et les organismes internationaux.
Une situation préjudiciable pour les populations locales
Si le groupe paramilitaire voit dans l’exploitation illégale de l’or, un moyen comme un autre de faire du profit, les populations locales sont les grandes oubliées. La situation sécuritaire s’enlise au Mali et se dégrade au nord-est ainsi que l’Est de la Centrafrique avec les groupes armés qui se disputent le contrôle de régions avec des violences extrêmes sur les populations civiles.
Ce contexte reste favorable pour que Wagner renforce sa mainmise sur les mines et prive les acteurs artisanaux de précieux moyens de subsistance. Au Mali comme en Centrafrique, l’exploitation minière artisanale et à petite échelle de l’or (ASGM) fait pourtant vivre des millions de foyers dans les communautés les plus pauvres et vulnérables aux chocs économiques. De fait, les opérations de Wagner menacent d’aggraver la situation socio-économique de ces populations et privent les Etats de ressources financières précieuses pouvant aller dans les investissements publics orientés vers la santé, l’éducation et l’amélioration globale du bien-être économique.