Une vente intitulée « Tribal Exception » s’est ouverte ce vendredi à Paris, mettant aux enchères des objets anciens provenant d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. Parmi eux, figure la célèbre recade du roi Béhanzin, un sceptre en bois symbolisant le pouvoir royal. Cet objet historique, qui représente une main fermée sur le foie d’un ennemi vaincu, est décrit par la maison de vente comme ayant été « offert » par le roi Béhanzin aux troupes coloniales françaises après la conquête de son royaume. Une version vivement contestée par des spécialistes.
Marie-Cécile Zinsou, présidente de la Fondation d’art Zinsou, a rejeté cette affirmation dans une interview accordée à RFI. « Les recades sont des attributs strictement réservés aux souverains du Dahomey. Dire qu’un roi l’aurait volontairement offert est inexact », a-t-elle souligné. Elle a également rappelé que ces artefacts ont souvent été pillés à la fin du XIXe siècle (1892-1894) par les soldats coloniaux avant de réapparaître aujourd’hui sur le marché de l’art.
La présidente a dénoncé la maison de vente pour ne pas avoir pris en compte le contexte actuel ni consulté les pays concernés. « La France a récemment restitué 26 œuvres, bientôt 27, au Bénin pour reconnaître les pillages coloniaux. Il est choquant de voir ces objets revendus par les descendants des soldats colonisateurs sans jamais contacter les nations d’origine », a-t-elle ajouté.
Mati Diop, cinéaste sénégalaise, avait à plusieurs reprises salué les avancées récentes sur la restitution des œuvres africaines mais insiste sur la nécessité d’accélérer le processus. « Ces objets ne sont pas seulement des biens artistiques, ils incarnent l’histoire, l’âme et la dignité d’un peuple », a-t-elle déclaré, appelant à un dialogue plus transparent entre les maisons de vente et les pays concernés.
Le cas de la recade du roi Béhanzin illustre un paradoxe : alors que les restitutions progressent, des pièces emblématiques du patrimoine africain continuent d’être vendues sur le marché international. « C’est hallucinant de voir une pièce aussi emblématique du pouvoir royal se retrouver dans une salle des ventes pour seulement 8 000 €. En 1892, le pillage était autorisé, mais aujourd’hui, il est clairement illégal depuis la convention de La Haye de 1899 », conclut Marie-Cécile Zinsou.
Ezéchiel D. Padonou