De 2022 à ce jour, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA) a déjà rendu deux décisions dénonçant les violations des droits humains au Bénin. Ces Avis, sollicités d’abord par l’ancienne Garde des sceaux Reckya Madougou, suivie deux ans plus tard du Professeur Joël Aïvo, mettent en lumière des détentions arbitraires orchestrées par les autorités. Pourtant, le gouvernement béninois persiste dans sa politique répressive, défiant les recommandations de la justice internationale.
Depuis l’arrivée au pouvoir du président Patrice Talon en 2016, le Bénin a fait l’option de la défiance envers les décisions des instances juridiques internationales. Autrefois critique d’une « République bananière » pour l’inexécution d’un arrêt de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA), le régime actuel s’illustre désormais par un mépris constant des décisions d’organismes tels que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ou le GTDA. Ces décisions successives, fondées sur des procédures contradictoires, révèlent une répression systématique des opinions dissidentes et un recul de la démocratie.
Les citoyens béninois, confrontés à des détentions arbitraires ou à des persécutions politiques, ne peuvent plus compter sur l’impartialité de leur justice nationale. Bien que l’arbitrage régional ou international se heurte à l’indifférence des autorités béninoises, leur saisine devient comme une bouée pour les victimes du Bénin. Et pour cause, ces arbitrages permettent à tout le moins de rétablir la vérité des affaires querellées et présentent aussi la vertu d’alerter l’opinion internationale. C’est notamment le cas des Avis du GTDA.
Reckya Madougou : la pionnière
Condamnée à 20 ans de réclusion en 2021 pour des motifs politiques selon les experts de l’ONU, Reckya Madougou est un symbole de résistance. En saisissant le GTDA dès 2022, elle a non seulement conforté son innocence mais aussi révélé les dérives autoritaires du régime. L’Avis numéro 51/2022 confirme le caractère arbitraire de sa détention et révèle davantage l’absence de preuve dans son dossier. C’est pourquoi, outre l’exigence de sa libération immédiate avec réparations, une enquête approfondie et indépendante a été recommandée dans le but d’identifier les responsables de cette situation et que ces derniers répondent de leurs actes.
Reckya Madougou ouvrait ainsi une voie inédite pour les victimes politiques de violations des droits humains au Bénin. Son initiative a inspiré d’autres figures de l’opposition, telles que Joël Aïvo, dont la défense a adopté la même stratégie auprès du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU.
Un signal d’alerte pour l’avenir déclenché par Madougou
Par ailleurs, l’analyse de l’Avis rendu par le GTDA pour l’ancienne ministre fait découvrir que ses conseils et elle ne s’étaient pas limités à dénoncer exclusivement son cas mais leur recours s’est également penché sur la situation d’autres détenus politiques, et plus généralement sur la dégradation des libertés publiques au Bénin. Cette posture de leader est à saluer. D’autant qu’elle a permis au GTDA, au terme d’une procédure contradictoire, de dresser le tableau inquiétant de l’état des libertés au Bénin. Les experts onusiens ont alors rappelé au gouvernement béninois la nécessité de respecter ses obligations fondamentales : notamment garantir la dignité humaine et traiter tous les détenus avec humanité. Faciliter l’accès de tous les citoyens à un jugement équitable rendu par un tribunal indépendant et impartial est également une recommandation forte émise par le GTDA dans son Avis de 2022 pour Reckya Madougou. Dispositions d’ailleurs remises sur le tapis dans l’Avis rendu par la suite pour le constitutionnaliste Joël Aïvo.
Nonobstant l’inaction des autorités, ces démarches juridiques marquent une étape essentielle dans la lutte pour les droits humains. Elles enrichissent un dossier international sur les dérives autoritaires du régime béninois. Une sorte de trace indélébile pour l’histoire et un outil pour aujourd’hui et pour les générations futures.
Une bataille qui dépasse les frontières
Le mépris affiché par le gouvernement béninois pour ces décisions ternit l’image du pays sur la scène internationale. Cependant, l’engagement de figures comme Reckya Madougou et Joël Aïvo illustre la force des instruments internationaux pour contester l’arbitraire. Leur combat, bien que difficile, demeure une source d’espoir pour la justice et les droits humains au Bénin.
Le bras de fer entre le régime et les instances internationales met en lumière une évidence : les droits fondamentaux ne sont pas négociables, et leur défense reste un combat universel.