Le jeudi 24 Octobre, alors qu’il lançait la session budgétaire au parlement, Louis Vlavonou a consacré tout un paragraphe à la pathologie de la haine dans le pays. Digression inattendue mais fort curieusement indigeste et surtout sibylline lorsqu’elle provient d’un Président de l’Assemblée qui, depuis 2019, a joué au sourd et à l’aveugle face au projet de déstabilisation du modèle républicain et démocratique béninois depuis 2016.
Quelle mouche a pu piquer Louis Vlavonou pour qu’il nous serve son amphigouri du jeudi dernier à la tribune de l’hémicycle ? Est-ce une éclaircie du Saint Esprit – qui éveille le chrétien qu’il est – ou les fruits d’un endoctrinement politique inachevé ? Bien qu’il ait donné l’air d’être bien convaincu de ce qu’il lisait, le président de l’Assemblée Nationale n’a pas paru si convaincant dans l’exercice d’enseignement de morale ou de philosophie. Pour le douanier qu’il fut, cela a dû être malaisé comme « l’exercice de tir pour un gaucher » pour paraphraser un dicton populaire de chez nous. Aussi ne nous a-t-il pas convaincu, ni de la pertinence de ses déclarations, si de la thérapie qu’elles apportent face au problème posé. On parle d’un dossier judiciaire, d’une accusation grave d’atteinte à la sûreté de l’Etat portée contre l’ami intime du chef de l’Etat et un ancien ministre. On parle d’un dossier rocambolesque, éminemment politique géré actuellement par la justice. Président de l’Assemblée Nationale, il avait tout intérêt à rester dans son couloir de responsable et garant du pouvoir législatif, en laissant le pouvoir judiciaire dans le sien. En ayant ce scrupule de respect pour le principe de la séparation des pouvoirs, il aurait pu éviter son exégèse émotionnelle qui donne l’impression d’afficher une gêne particulière ou un parti-pris dans un dossier aussi flou que sa propre théorie de haine. Le président a voulu paraître moraliste ou compatissant alors que depuis 2016, il a affiché peu d’empressement dans des dossiers judiciaires du genre où des personnalités aussi importantes que celles qui sont accusées aujourd’hui l’ont été.
En écoutant les déclarations du président de l’Assemblée Nationale, on peut tirer deux ou trois petites leçons.
Hypocrisie
La première est l’hypocrisie politique. Que Louis Vlavonou président de l’Assemblée Nationale parle et donne l’impression de dénoncer la haine et de prôner l’amour apparaît comme une grande hypocrisie. C’est exactement comme s’il décide de scier la branche sur laquelle il est assis. La doctrine morale du régime et le fondement de ses actions est la haine et la méchanceté. Que le président de l’Assemblée Nationale, membre fondateur et faucon du parti Union Progressiste le Renouveau ne s’en rend compte que maintenant apparaît comme une hypocrisie. Où était-il lorsque Sébastien Adjavon- le même qu’il a soutenu contre Talon en 2016- faisait l’objet des persécutions les plus immondes ? Où était-il lorsque la même justice accusant les Komi Koutché, les Lehady Soglo et bien d’autres ? Où était-il lorsque, pour des causes presque similaires, Reckya Madougou et le professeur Joêl Aïvo étaient tous arrêtés et jetés en prison ? Le président de l’Assemblée Nationale avait sûrement perdu son latin et son attachement pour l’amour du prochain. A la limite, s’il a une sensibilisation à faire, ce serait à l’endroit du chef de l’Etat. Et d’ailleurs le député Djima Kolawolé Ogbon n’a pas manqué de le dire
Manque d’esprit républicain
Le président de l’Assemblée Nationale allègue que s’il y avait eu le coup d’Etat, lui le président serait mis aux arrêts et les députés au chômage. On peut bien être stupéfait de l’absence totale de l’esprit républicain ou de sens de l’Etat. Ces propos sont bien révélateurs du malaise qu’on observe aujourd’hui dans notre pays. Car en vérité, lorsqu’il y a ou qu’il y aura un coup d’Etat dans le contexte actuel, les conséquences seront plus généralisées que la seule dissolution de l’Assemblée Nationale que craint le président Vlavonou. Pourquoi n’a-t-il pas pensé aux Béninois qui pourraient y perdre leurs vies ? Pourquoi n’a-t-il pensé aux Béninois qui pourraient perdre leurs boulots ? Aux élèves et aux étudiants qui pourraient ne plus continuer à aller au cours ? Pourquoi n’a-t-il pas pensé tout de suite à l’avenir du pays en général ? A ces millions de Béninois qui pourront y pâtir. En ne donnant que cet exemple, il affiche son sens de l’Etat. L’Etat c’est eux, et non la grande majorité des gens qui soufflent.
La haine contre la haine
Enfin, l’idée même de dénoncer la haine au cœur de la République est en elle-même une manifestation de la haine. Ceux qui pensent qu’il y a tant de haine ne sont pas eux-mêmes exempts d’actes de haine envers d’autres à qui ils ont aussi fait du mal. Il s’agit d’une sorte de cycle de méchanceté où ceux qui supposent en être victimes n’attendent que leurs tours pour manifester leurs haines contre ceux qui les ont fait subir. Autrement, la haine est autant dans le cœur de ceux la développent que ceux qui en sont victimes. Réponse d’Eric Houndété à ce discours : « Je suis déçu par le discours du président. Je pense qu’il nous aurait fait économie du temps qu’il a consacré à son essai philosophique sur la haine. Je suis même tenté de dire qu’il n’est pas propriétaire de ce message. Soit on lui a transmis le message à nous diffuser, soit quelqu’un lui a fait du copier coller sur google ou wikipédia ou je ne sais pas quoi pour nous faire un essai philosophique sur la haine et sur l’amour. »
Extrait des propos du Pdt Vlavonou
« La haine est partout présente au cœur de nos vies. Nous sommes là devant un abîme, celui où le cœur de l’homme en mal de relation d’amour ne peut que hurler sa souffrance dans une violence destructrice envers l’autre, envers lui-même. La haine est ainsi inséparable de la souffrance. La haine dit la souffrance de ne pouvoir construire une satisfaction avec l’autre. C’est cette même souffrance qui, poussé à son paroxysme, va s’exalter dans une folie d’entreprise en voulant l’autre totalement à sa merci. S’approprier ce qu’il possède, l’humilier, lui causer des douleurs, le martyriser et le tuer même mais sans toujours le faire disparaître. Face à la haine, je propose l’amour. L’amour rend service, l’amour ne jalouse pas, il ne se vante pas, il ne gonfle pas d’orgueil, il ne fait rien d’inconvenant, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’emporte pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de ce qui est injuste mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai et ce qui est bon pour l’autre. Il supporte tout, il endure tout la rancune. Qui d’entre nous n’a pas eu quelques frayeurs en apprenant par la voie du procureur spécial près la CRIET qu’il y avait un complot en préparation contre la sureté de l’Etat, donc un projet de remise en cause de l’ordre démocratique laborieusement instauré et entretenu dans notre pays depuis plus de 3 décennies. C’eût été vrai que notre institution parlementaire n’existât plus, son Président certainement mis aux arrêts pour le meilleur des cas et vous autres députés mis au chômage ».