Ouanilo. Ce prénom très original est le fruit des fécondes réflexions du roi Behanzin. Le souverain l’avait imaginé et conçu de son tréfonds pour le donner à l’un de ses fils. Ouanilo qui signifie littéralement « Que ton acte devienne proverbe » est l’expression de la puissance du verbe, un des atouts dont le roi fait montre à travers les prénoms qu’il attribue à ses descendants. Le prince Ouanilo, bien qu’il soit l’un de ses derniers enfants est celui qu’il a choisi pour le suivre lors de sa déportation en Martinique : preuve d’amour et d’estime d’un roi connu pour ne rien faire par hasard. Ouanilo fut un esprit vif, un enfant intelligent qui, inscrit à l’école du « blanc » assimila les enseignements avec une célérité inouïe et sera d’une grande utilité pour son père en exil. Il finit brillant avocat au barreau de Bordeaux et parfait son intégration dans la société occidentale en épousant une toubabesse. Ceci n’enlève rien à ses racines africaines et son attachement à la culture. Il sera la cheville ouvrière du retour des reliques du roi au Dahomey en 1928 avant de décéder sur le chemin de retour à Dakar la même année. Il aura dignement fait honneur à son père à travers ses actes et a donné, avant sa mort, la preuve que ce dernier ne s’est pas trompé dans son choix.
Il aura ainsi fait fierté à sa noblesse et à sa lignée à travers son parcours professionnel et son combat pour l’émancipation des peuples noirs. C’est sûrement ce qui a impressionné le docteur Jérôme Mèdégan Fagla en donnant ce prénom à son fils. Il rêvait aussi d’avoir « son » Ouanilo, le fils qui fera l’honneur à son père. Comme Béhanzin, Jérome Mèdégan Fagla a laissé un rêve inachevé. Celui du VK500, son invention contre la drépanocytose pour laquelle il a lutté désespérément pendant des années pour breveter. Mais voilà malheureusement que ce « Ouanilo » choisit le chemin opposé à celui de son égérie. Informaticien -que l’on dit doué et intelligent – c’aurait été bien d’entendre son nom dans l’ingénierie informatique comme un concepteur de logiciels, un as de l’intelligence artificielle. Mais malheureusement, c’est du pays voisin qu’on cite son nom comme l’un des ravisseurs du chroniqueur Steve Amoussou. On comprendra bien qu’en plus de ses occupations professionnelles de Directeur du Centre National d’Investigations Numériques(CNIN), il entretenait un escadron privé de tortionnaires entretenu sous le vocable de MMA Hêvioso. Il aurait donc ajouté à ses talents d’informaticien et à ses prérogatives administratives d’assainissement et de sécurisation digitale une bien triste vocation de chef d’escadron de barbouzes. L’affaire Steve Amoussou relève donc l’autre visage du second enfant de l’inventeur du VK500. La première aussi s’était fait connaître tristement par sa formule vindicative : « a nan payé djin wè ».
Le procès du 3 septembre qui a pris l’allure d’une bouffonnerie de mauvais goût, désapprouvée par la majorité des Béninois n’aura pas suffi pour blanchir Ouanilo Mèdégan Fagla et ses comparses. Bien au contraire, il réveille les suspicions après l’étalage de toutes ces contorsions juridiques dont la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme(CRIET) semble en avoir le secret. Il est constant qu’aucun des prévenus n’a nié avoir participé à l’opération de Lomé. On se rappelle qu’au lendemain de la diffusion du communiqué du procureur de Lomé, une certaine presse avait clamé son innocence en affirmant qu’il n’était pas présent dans le gang qui est allé à Lomé pour kidnapper Steve Amoussou. Cette précipitation à vouloir coûte que coûte l’extirper du lot et le blanchir n’a fait qu’augmenter les soupçons sur son implication réelle dans cette opération commando. Il n’y a pas d’exécutant sans commanditaire, dit-on.
L’affaire Steve Amoussou souille totalement sa réputation et compromet définitivement sa carrière. Ceux qui se plaisent à lui dire le contraire se trompent et le trompent. La justice l’a peut être blanchi. Mais ni la justice divine, ni l’histoire, ni même sa propre conscience ne le blanchiront. Il portera pour toujours la marque indélébile de son forfait. Il y a chez nous en Afrique une forte croyance à la corrélation entre le nom que l’on porte et les actes que l’on pose. Ouanilo Mèdégan Fagla a posé « l’acte qui fera proverbe » et assume ainsi tristement son destin.