L’inclusion financière, la digitalisation des services publics et surtout la pauvreté qui sévit au Bénin ont favorisé le développement des services financiers mobiles. Dans son rapport d’activité 2023 publié il y a peu, l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et de la Poste (ARCEP-BENIN) a rendu publics des chiffres qui soulèvent nombre de questions.
Dans les villes et même des villages les plus reculés du Bénin, il n’est pas difficile de trouver des points de vente ou de transfert de crédit et/ou d’argent. Le service financier mobile a connu un boom ces dernières années malgré le niveau très bas de vie des populations. Les pouvoirs d’achats baissent mais les chiffres se bonifient au niveau des operateurs. Ceci est la conséquence, selon le rapport de l’ARCEP-BENIN, de l’inclusion financière et de la digitalisation des services publics au Bénin. Ce que l’ARCEP-BENIN n’a pas évoqué, c’est la pauvreté de plus en plus croissante dans les ménages qui poussent les béninois à s’entraider en utilisant plus massivement et plus régulièrement les services financiers mobiles. Dans son rapport, le régulateur n’a pas pu faire ressortir la tranche la plus régulière des dépôts et retraits d’argent effectués en 2023.
En effet selon le rapport, le nombre global des points de service a atteint 460.280 en 2023 soit un accroissement de 40,23% par rapport à 2022. Mtn mobile Money détient 37,7% des points de service, Moov Money 44,7% et Coris Bank International (Celtis) 17,6%. Le nombre de comptes associés aux services financiers mobiles a atteint, selon le même rapport, 11.171.087 clients en 2023, soit un accroissement de 32% par rapport à 2022. Mtn mobile Money, Moov Money et Coris Bank International détiennent respectivement 70%, 22,1% et 7,9% des comptes mobiles. Le taux de pénétration des services financiers mobiles a atteint 89% au 31 décembre 2023 contre 66% en 2022.
L’ARCEP-BENIN, a dans son rapport, souligné que les transactions effectuées via la téléphonie mobile au Bénin sont relatives aux dépôts et retraits d’argent, aux achats de crédits téléphoniques, aux transferts push et pull, aux paiements des salaires, aux paiements marchands, aux transferts P2P, aux transferts P2C, et aux transferts internationaux entrants et sortants. L’institution de Hervé Coovi Guèdègbè (Secrétaire Exécutif) nous apprend que le volume des transactions des services financiers mobiles est évalué à 2.074 millions de transactions au 31 décembre 2023, soit une moyenne journalière de 56 millions d’operations. Comparé à 2022, cet indicateur a connu une croissance de 38,5%, précise le rapport. Ce volume est constitué de 99,6% de transferts nationaux et de 0,4% de transferts internationaux.
A la page 89 du rapport, le régulateur nous informe que «le chiffre d’affaires des fournisseurs du service financier mobile est estimé à 52,781 milliards de francs CFA au 31 décembre 2023. Ce chiffre d’affaires a connu un accroissement de 15,17% par rapport à 2022. Cette valeur de marché de services financiers mobiles est répartie entre les opérateurs avec 88,84% pour Mtn mobile Money, 10,94% pour Moov Money et Celtis 0,22%.»
52,781 milliards de francs CFA de chiffre d’affaires. Mais, quels sont les bénéfices des fournisseurs de services financiers mobiles et combien de ces bénéfices constituent la part de l’Etat béninois ? Sur chaque transaction financière, les fournisseurs de services financiers mobiles empochent une commission que l’ARCEP-BENIN n’a pas aussi révélé dans son rapport.
460.280 points de services, 11.171.087 comptes associés au services financiers mobiles c’est à dire clients, 2.074 millions de transactions, soit une moyenne journalière de 56 millions d’opérations pour un chiffre d’affaires de 52,781 milliards de francs CFA entre le 1er janvier et 31 décembre 2023. Des chiffres qui font froid dans le dos surtout dans un contexte socio-économique infernal comme celui du Bénin et au regard du pouvoir d’achat de plus en plus faible des béninois. A quoi servent ces chiffres si le panier de la ménagère se vide au jour le jour et si le fonctionnaire n’arrive plus à subvenir aux besoins de sa famille, à ses besoins personnels à cause de la cherté de la vie. L’analyse du marché des services financiers mobiles montre que tous les indicateurs sont au vert. Les chiffres montent, mais personne ne présente au contribuable béninois les bénéfices que génèrent les opérations dans ce secteur florissant et surtout les destinations de ces bénéfices. Quelle est la part de ce marché qui rayonne si bien dans le développement du Bénin et surtout dans l’amélioration des conditions de vie et de travail des béninois ? Ce sont là des interrogations que soulèvent les non dits du rapport de l’ARCEP-BENIN et que dans ses prochains rapports, le régulateur pourrait prendre en compte pour éclairer la lanterne des béninois.
Comlan Paul ODAH