Le projet de démolition du marché de Dantokpa au Bénin, le plus grand marché à ciel ouvert d’Afrique de l’Ouest, fait mouche au sein de la société civile. Dans une déclaration qu’elle a effectuée, Célestine Zanon, ancienne directrice de cabinet de l’ex président Mathieu Kérékou, s’est indignée et a dénoncé un « projet funeste » du gouvernement qui, à proprement dit, n’a pas de raison d’être.
Sa destruction avait été annoncée par les autorités. Mais ces derniers jours, les choses se précisent davantage suscitant un intérêt vif au sein des populations.
« Les marchands et marchandes qui sont dans le marché Dantokpa, vendeurs et vendeuses, doivent venir s’inscrire dans les nouveaux marchés », a alerté il y a quelques jours la Directrice Générale de l’Agence nationale de gestion des marchés (ANaGeM), sur Bip radio, ajoutant par la même occasion que le marché sera bientôt détruit.
Mais en faisant l’option de démolir le marché de Dantokpa au détriment des nouveaux marchés existants, le gouvernement fait-il juste ? Certainement pas. De l’avis de l’ancienne Directrice de cabinet du feu Mathieu Kérékou, il s’agit d’un acte à la limite dangereux qui ne fera qu’empiéter la mémoire des béninois. A l’en croire le marché de Dantokpa fait partie intégrante des patrimoines du Bénin. Vieux de plus d’un siècle, « Dantokpa fait partie de l’identité du peuple dahoméen devenu béninois au point où l’animation des autres marchés du pays lui est accolée », fait constater la géographe de formation. Pour cela, la femme politique béninoise pense que ce projet « funeste et dangereux ne doit pas prospérer ». Ceci pour cinq raisons. D’abord parce que « détruire ce marché, c’est crever l’œil aux béninois après le coup porté à notre premier œil avec la démolition du PML Alédjo, un lieu chargé d’histoire et qui méritait d’être érigé en musée ».
Ensuite, «c’est faire le choix conscient de nous amputer de nos bras et de nos jambes, ces parties de nos corps qui nous permettent de nous rendre allègrement au marché Dantokpa ». Détruire le marché Dantokpa pour Célestine Zanou, c’est « choisir consciemment de blesser nos âmes déjà en souffrance du fait de tant de destructions non partagées pendant les campagnes électorales et surtout non conforme à l’histoire de développement de notre pays ». Détruire ce marché, par ailleurs « c’est détruire notre mémoire or un peuple sans mémoire est un peuple perdu et qui, pour les autres, n’existe pas.
En outre, détruire Dantokpa, «c’est détruire notre histoire», claironne-t-elle. Pour ces énormes pertes que la destruction du seul marché de Dantokpa peut entrainer, la femme politique invite à ne pas « se taire ». Car, « se taire face à ce projet funeste, c’est accepter de n’exister ni physiquement ni mentalement, ni émotionnellement ». En un mot, c’est accepter d’être sans identité.
Devoir de réhabilitation
Dans sa déclaration, Célestine Zanou ne s’est pas juste contentée de faire un réquisitoire sévère. Insistant sur la nécessité de réhabiliter l’espace, il a jeté pêle-mêle des idées dans le sens de permettre aux autorités de revenir à de meilleurs sentiments. Ce dont Dantokpa a besoin, à l’en croire, c’est : « être optimisé avec des infrastructures adéquates pour une exploitation judicieuse au grand bonheur du Bénin et de son peuple qui en tirerait fierté et honneur. Plateforme de regroupement spéculaire, parking sur plusieurs niveaux comme on en voit dans des pays pas loin de nous, unités de valorisation des produits frais, voies rapides, des souterrains, des quais d’embarquement et de débarquement, un raccordement à un système de transport fluvial etc. ».
Et de conclure en ses termes : « c’est le moment de conduire le marché Dantokpa vers l’image d’un port international marchand avec des embarcations modernes, un chantier naval d’appoint, un observatoire des cycles d’échanges entre aux douce et eau salée afin d’en faire une vitrine du patrimoine urbain contemporain et non de la démanteler », usant ainsi de son expertise en matière d’aménagement du territoire.
Ignace TOSSOU