Depuis plusieurs mois, le chef de l’Etat multiplie les erreurs à la tête du pays. Le différend avec le Niger aura révélé un personnage surexcité dont le tempérament est totalement aux antipodes du chef taciturne et pondéré qu’il fut jadis. Une mauvaise passe qui a tout l’air d’une malédiction et présage d’une fin de pouvoir malaisée.
Une crise diplomatique doublée d’une crise économique qui pointe à l’horizon, des maladresses de communication qui n’en finissent pas, une côte de popularité en chute abyssale à l’intérieur du pays et une cherté de la vie qui n’arrange pas la situation…le chef de l’Etat Patrice Talon traverse une période difficile à la tête du pays. Depuis plusieurs mois, les mauvaises nouvelles s’accumulent pour lui sans qu’il ne trouve une seule bonne recette pour arrêter la série lugubre. Il a suffi d’un seul dossier et d’un seul pays pour que le mauvais sort semble se jeter sur lui.
En juillet dernier, lorsque le général et ses hommes décident de déposer le président Mohamed Bazoum constitutionnellement élu, on était loin d’imaginer que ce putsch, le énième dans la sous-région ouest africaine, allait créer plus de problèmes à Talon que les putschistes eux-mêmes. C’est pourtant ce qui s’est passé. Les putschistes qu’on croyait être mis en difficulté avec la pression de la communauté internationale qui commence à monter. La décision prise lors du sommet de la CEDEAO le dimanche 30 juillet d’attaquer militairement le Niger si les putschistes ne rétablissent pas l’ordre constitutionnelle et le président Bazoum aura tout changé. Ce jour là, piqué par on ne sait quelle mouche, Patrice Talon d’habitude timide et peu entreprenant lors des assises internationales, se montre curieusement bavard, revendique un rôle non prescrit de porte-parole de l’organisation communautaire, demande la parole et profère des menaces d’attaque militaire contre le Niger. Cette phrase aura été le début d’une longue période de tension diplomatique avec le Niger. Cette décision a été accompagnée par une batterie de sanctions dont la fermeture des frontières.
Maladresse communicationnelle
En fermant sa frontière avec le Niger sur demande de la CEDEAO, Patrice Talon et ses paires étaient conscients que le Niger, pays à ressources limitées, n’allait pas tenir longtemps tête à la CEDEAO. Ils pensaient que les menaces d’attaque militaire vont faire plier la junte mais erreur. Grace au soutien du Mali et du Burkina Faso, la junte se montre résiliente face aux sanctions annoncées. Les nombreuses réunions des chefs d’Etat-major des armées des pays membres de la CEDEAO n’ont pas changé les choses. Bien au contraire, la junte est restée ferme et a même profité de la situation pour rompre des accords militaires avec la France et les Etats Unis. En février, le Bénin rouvre ses frontières avec la levée des sanctions de la CEDEAO. Il croyait que le Niger allait se presser pour ouvrir mais erreur, gonflé à bloc par le Mali et le Burkina Faso, elle bafoue les décisions de la CEDEAO et maintient la frontière fermée. Contrairement à ses habitudes de Président taciturne et réservé, Patrice Talon devient subitement surexcité et multiplie les sorties médiatiques. A chaque sortie médiatique contre le Niger, Patrice Talon dit des choses graves et se fait contredire par les éléments de la junte. Il est devenu aussi la risée d’une partie de la population béninoise et des panafricanistes qui ne manquent aucune occasion de s’en prendre à lui.
Crise économique, cherté de la vie…
Cette crise diplomatique qui s’enlise va engendrer progressivement une crise économique dans les deux pays et surtout le Bénin. En effet, elle a baissé drastiquement le taux de fréquentation du port de Cotonou qui reste tributaire des exportations des marchandises vers le Niger. Progressivement, les nigériens abandonnent le port de Cotonou au profit de celui de Lomé. Le Togo a d’ailleurs fait les yeux doux à la junte depuis le début de la crise et des accords de coopération sur le plan commercial ont été renforcés. A cette allure, le Bénin pourrait manquer cruellement de ressources dans les mois à venir.
Le chef de l’Etat doit également faire face à une morosité et une cherté de la vie qui amènent des populations à se rebeller. La tournée de reddition de comptes a irrité davantage les populations qui se demandent ce que qui bat son plein actuellement et pour laquelle le gouvernement Talon n’a proposé autre solution concrète, laissant les Béninois seuls face à la souffrance.