Depuis plusieurs semaines, les déclarations de soutien et de remerciement à l’endroit du chef de l’Etat ont repris dans la cité. Des maires, des élus communaux et de jeunes se sont déjà illustrés sur ce terrain de culte de la personnalité à l’endroit du chef de l’Etat qui s’en est pourtant défendu. Une résurgence d’une vieille et déshonorable pratique propre aux dictatures d’Afrique et d’Asie.
Pendant huit ans, il a réussi à échapper à cette vilaine pratique pour finir par y succomber à l’ « après-midi » de son pouvoir. Dès le début de son premier mandat en 2016, Patrice Talon avait montré peu d’enthousiasme à l’adulation pour sa personne se montrant très discret et rare dans les médias. Dans une interview à la télévision en 2017, quelques jours après sa 1ère année au pouvoir, il avait affirmé vouloir punir le culte de la personnalité. On se rappelle très qu’En décembre 2018, une organisation de jeunes de la majorité présidentielle dénommée « Les jeunes empereurs de la République » dirigée par un certain Crépin Kakaï Glèlè avait essaimé la ville de Cotonou de posters à l’effigie du président de la République. C’est pour elle la meilleure manière pour fêter les 1000 jours de leur leader au pouvoir. Alors qu’une majorité de Béninois ne rechignaient pas à observer ces posters positionnés sur les grands carrefours de la ville, la Présidence de la République sort un communiqué le 11 décembre – date symbolique de l’adoption de la constitution béninoise- pour interdire l’usage de l’image du président de la République pour des propagandes. Dans ce communiqué signé par Pascal Irenée Koupaki, on pouvait lire ceci : « Il a été constaté ce jour, mardi 11 décembre 2018, que des affiches propagandistes à l’effigie du Président de la République ont été posées à divers carrefours de la ville de Cotonou et environs. Une telle initiative, assimilable au culte de la personnalité, est contraire à la démarche du Président de la République qui s’emploie à exercer ses fonctions avec humilité depuis le 06 avril 2016. Aussi la présidence de la République demande-t-elle instamment aux initiateurs de retirer sans délai lesdites affiches et leur rappelle-t-elle qu’il est formellement interdit d’utiliser l’effigie du Président de la République à ces fins, hors les périodes de campagne l’impliquant sur toute l’étendue du territoire nationale ». Le ton est ferme et l’injonction claire. Les heures qui ont suivi, lesdits posters ont disparu de la ville. A l’époque, le discours et les orientations politiques étaient contre le régime de son prédécesseur Boni Yayi qui avait poussé le culte de la personnalité à son comble avec des messes, marches et meetings de soutien et de remerciement tout le temps. Près de deux ans plus tard, à quelques mois de l’élection présidentielle de 2021, les mêmes pratiques ont repris. Une fois encore, la Présidence de la République siffle la fin de la récréation à travers un second communiqué le 29 août 2020 signé du même Pascal Irénée Koupaki. On y lit la même injonction : « La Présidence de la République observe que depuis quelque temps, divers mouvements se réclamant du Chef de l’État, Monsieur Patrice TALON, organisent des manifestations de soutien à son action. A l’appui de ces manifestations, des affiches et posters à son effigie sont parfois apposés. La Présidence de la République tient à rappeler aux uns et aux autres que ces pratiques ne sont conformes ni à la vision du Chef de l’État, ni à son combat contre le culte de la personnalité dans notre pays. Aussi, ces mouvements sont-ils invités à bien vouloir s’abstenir de rééditer lesdites pratiques ». Les jours qui suivront, le silence revient dans la cité jusqu’ à la présidentielle de 2021 avec les posters « le développement, ça y est !, Talon- Talata » avec les images de Talon et de sa colistière Mariam Zimé Talata.
En attendant la prochaine élection…
A force d’y insister, on s’est habitué à cette exigence du chef de l’Etat de ne pas vouloir que son image soit utilisée pour des fins propagandistes. Mais depuis avril dernier, un nouveau vent semble souffler sur la République. Les mauvaises pratiques d’antan reviennent au devant de la scène sans qu’il n’y ait d’interdiction. Ce sont les maires qui ont inauguré cette saison. Le 09 avril, à la mairie de Houéyogbé, tous les six maires du Mono se sont mobilisés pour faire une déclaration de soutien au chef de l’Etat. Et le bal est lancé. Le 12 avril, suivra celle des maires et élus communaux du Zou à Covè. Le 30 avril pour ceux du Borgou. Le 11 mai, les maires de la Donga font de même et leurs collègues de l’Atlantique les rejoignent le 14 mai. Toutes ces déclarations se fondent sur deux mots : « merci » et « soutien » avec, à chaque fois, un chapelet d’actions menées par le gouvernement dans lesdits départements. Comble de propagande, le dimanche 19 mai à la place de l’amazone à Cotonou. 3000 jeunes, selon les organisateurs, se réclamant du Bloc Républicain(BR), et vêtus du blanc, des posters à l’effigie du président Talon en mai, pour disent-ils soutenir la patrie et son président Patrice Talon pour ses œuvres. Jusque là, aucun communiqué de la présidence. Pourtant, on n’est pas en période de campagne électorale et la prochaine qui se tiendra d’ici 2026 ne devrait pas voir Patrice Talon candidat. La seule explication de ce regain de propagande en faveur du chef de l’Etat provient d’analystes qui affirment que ces actions sont l’expression des difficultés actuelles de gouvernance. Depuis 2023, le locataire de la Marina est confronté à une fronde interne qui bouillonne dans le premier cercle qui l’entoure et qui a vu le départ de plusieurs ministres et conseillers spéciaux. Le coup d’Etat intervenu au Niger en juillet de la même année et la crise diplomatique qui s’en est suivie avec le Niger a davantage affaibli la côte de popularité d’un président de plus en plus décrié par ses populations pour son manque de solutions à la cherté de la vie. Les marches de protestation des syndicalistes se sont multipliées mettant davantage de pression sur le chef de l’Etat. « Présidentielle 2026, crise au sommet de l’Etat, cherté de la vie, Niger…ça fait un peu trop pour le chef et il avait besoin de réconfort et de soutien», nous souffle un proche du système. Mais sous cette roche de propagande subite, il peut y avoir des anguilles qui sortiront les têtes bientôt. Rien n’est sûr.