Fort combattue car peu accommodant des revendications politiques en vogue actuellement, l’idée d’une justice équitable au détriment du pardon systématique pour les hommes politiques est défendue par Richard Boni Ouorou. Et pour lui, ce choix doit être celui des hommes politiques eux-mêmes car il les dédouane et les valorise mieux.
Dans l’entretien à bâtons rompus qu’il nous a accordé, Richard Boni Ouorou est revenu également sur une autre déclaration qui lui a valu toutes les récriminations et les attaques possibles. En effet, dans l’interview accordée au confrère de Parakou, il avait déclaré qu’on ne saurait pardonner tout le monde. Très tôt, cette idée a été comprise comme celle d’une nouvelle recrue du pouvoir qui s’oppose à la libération de Reckya Madougou et Joël Aïvo. Deux fortes idées sont défendues courageusement par le politologue. La première concerne l’usage politique de l’amnistie et de la grâce présidentielle. Selon lui, « Le pardon ne doit pas être la norme mais l’exception. On ne peut pas accorder chaque fois le pardon à tous les hommes politiques. Je n’ai personnellement rien contre les hommes politiques en prison ou en exil et beaucoup parmi sont d’ailleurs mes amis. On doit procéder cas par cas. Certains ont été injustement arrêtés, contraints à l’exil. Ceux là, il faut les amnistier mais ceux qui sont mêlés à des actes de mauvaise gestion et dont on a les preuves de leurs prévarications doivent répondre de leurs actes. On ne peut pas, au nom d’une paix hypothétique, encourager la corruption et le gaspillage des ressources publiques », soutient Richard Boni Ouorou. Il complète son idée en affirmant qu’une fois que cela devient la norme, les politiques vont en abuser et à chaque fois, ils demanderont le pardon pour s’absoudre de leurs mauvaises gestions et ceci va engendrer un cycle infernal d’impunité. »
Procès équitable

La plus grande accusation contre Richard Boni Ouorou après ses dernières déclarations c’est d’avoir dit qu’il est opposé à la libération de Reckya Madougou et Joël Aïvo. L’idée défendue en est tout autre. Le politologue détaille que « lors de la rencontre avec des responsables du parti Les Démocrates le 28 novembre 2023, le chef de l’Etat a affirmé avoir des preuves du projet d’assassinat d’hommes politiques dont Reckya Madougou est accusée. Parfait. A partir de cette déclaration, on peut prendre le chef de l’Etat au mot. Les députés ont les prérogatives d’initier une commission d’enquête parlementaire après quoi, ils peuvent demander la déclassification des preuves pour ouvrir à nouveau le procès. Ainsi, le gouvernement pourrait publiquement brandir ses preuves et montrer à la face du monde les preuves de culpabilité de ces deux personnages. Il pourra même médiatiser ces procès comme ce fut le cas pour Icc services. Les intéressés eux aussi auront l’occasion inouïe dans un procès cette fois-ci équitable, transparent et contradictoire d’apporter les preuves de leurs innocences. Chaque partie s’en sortirait réconfortée de ce procès. Et lorsque la décision sera rendue, elle sera acceptée de tous ». Contrairement au proverbe, « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès », il détaille que c’est plus bénéfique et plus valorisant pour le professeur Joel Aïvo et Reckya Madougou de sortir de prison après un procès équitable qu’ils ont gagné qu’après une hypothétique amnistie ou grâce présidentielle. « Lorsque on vous amnistie et vous sortez, cela donne l’impression que vous avez bénéficié de faveur, de magnanimité après avoir commis une faute. Un quidam peut s’en servir et vous critiquer en disant : « mais toi tu veux donner de leçon à qui, tu as commis des crimes dans ce pays et on t’a pardonné… » et il aura raison ». Or lorsque tu bénéficie d’un procès équitable et que tu gagnes, tu sors très fier. « Si nous aimons le professeur Aïvo et la ministre Madougou, nous devons souhaiter qu’ils sortent des liens de la justice la tête haute parce qu’ils auront été acquittés. Cela les ennoblit mieux que la grâce ou l’amnistie qui paraissent plus rapides et plus faciles mais qui laissent un goût d’inachevé sur le plan moral. C’est vrai que ça peut paraître plus long et angoissant pour eux mais pour moi c’est la meilleure solution dont eux-mêmes seront fiers demain car je suis convaincu qu’ils seront acquittés s’ils bénéficiaient de procès juste et équitable», propose le leader du mouvement Le Libéral qui recommande la tenue des assises nationales tripartites : partis politiques, société civile et leaders religieux pour chercher les solutions aux problèmes du pays .