Selon les informations récoltées par Reporters sans frontières (RSF), un commando armé et en tenue civile se présentant comme des membres des services secrets burkinabè a débarqué au petit matin, lundi 24 juin, pour arrêter Atiana Serge Oulon, un journaliste renommé du pays. RSF appelle les autorités à sortir de leur silence et à remettre en liberté un journaliste reconnu pour son intégrité et son professionnalisme.
Ils étaient une petite dizaine, en tenue civile, et armés. Vers 5h du matin, lundi 24 juin 2024, un commando se présente à Karpala, un quartier de Ouagadougou, au domicile d’Atiana Serge Oulon directeur de publication de l’Événement, un journal d’investigation de référence au Burkina Faso. Le journaliste est sommé par ces hommes, selon nos informations, de monter à bord d’un minibus non immatriculé.
“Un modus operandi qui ressemble en tout point aux méthodes de l’Agence nationale de renseignement (ANR)”, confie un journaliste qui connaît bien les services de sécurité du Burkina Faso, interrogé par RSF. Cette hypothèse est confortée, cinq heures plus tard, par l’arrivée de deux hommes au domicile du journaliste qui se sont présentés comme des membres de ce service de renseignement auprès de son épouse. Les appareils informatiques et téléphoniques du journaliste ont alors été saisis.
Plus de 24h après l’enlèvement d’une figure du journalisme au Burkina Faso, et au moment de la rédaction de ces lignes, les autorités n’avaient toujours pas réagi. Les appels et messages envoyés par RSF au ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement de transition, Jean Emmanuel Ouédraogo, pour obtenir des éclaircissements sur cette situation, sont restés sans réponse.
“Le journaliste Atiana Serge Oulon a été enlevé au petit matin comme on vient cueillir un terroriste au pied de son lit, par des individus se présentant comme membres des services de renseignement du Burkina Faso. Les services de l’État ne devraient pas être mobilisés pour s’en prendre à un éminent journaliste qui dirige une publication reconnue pour son professionnalisme et la qualité de ses révélations. En agissant ainsi, il est évident que les auteurs de ces faits voulaient non seulement faire peur aux journalistes qui mènent des enquêtes, mais vraisemblablement aussi tenter d’identifier les sources de ce directeur de publication. Ces méthodes sont indignes et nous les condamnons. Ce journaliste doit être libéré.”
Arnaud Froger, responsable du bureau investigation de RSF
Atiana Serge Oulon est connu au Burkina Faso pour être l’un des derniers journalistes osant traiter des questions militaires, un sujet très sensible, notamment depuis l’instauration d’une junte il y a deux ans. En décembre 2022, l’Événement avait publié un article portant sur des soupçons de détournement au sein des volontaires pour la défense de la patrie (VDP), une milice créée pour combattre les terroristes. Quelques semaines plus tard, Atiana Serge Oulon avait été auditionné par les autorités militaires, qui avaient alors tenté de lui soutirer sa source. Plus récemment, cette affaire révélée par l’Événement a connu un nouveau rebondissement avec la mort dans des conditions suspectes d’un capitaine qui aurait pu être un témoin clé, comme le rappelait le bimensuel le 10 juin. Cette dernière publication avait entraîné la suspension du journal, le 20 juin, pour une durée d’un mois.
“On n’a que deux choix : se taire ou aller en prison”, résume Moussa Aksar, un journaliste nigérien membre du consortium international des journalistes d’investigation en proie aux mêmes difficultés dans son pays. “À force de répression, il ne restera que ceux qui jouent de la flûte.”
Le Burkina Faso a chuté de 28 places par rapport à l’année précédente et occupe désormais la 86e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2024.–
REPORTERS SANS FRONTIÈRES/ REPORTERS WITHOUT BORDERS
Sadibou Marong
Responsable du bureau Afrique / Head of the Africa desk
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