On aura beau critiquer le régime de la rupture, on doit néanmoins avouer qu’il a réussi à révéler le Bénin comme il a su bien se nommer. Il a réussi à révéler un talent authentiquement béninois : celui de bien faire les mauvaises choses. Ceux qui doutaient de sa capacité dans le domaine des coups tordus ont de quoi assouvir leurs certitudes. Le coup du 11 juillet 2025 est d’une brutalité inouïe qui laisse pantois bon nombre de citoyens, même les adeptes zélés de la talonie. Aller kidnapper un journaliste, en terre étrangère, le jeter dans un avion affecté pour la cause et le conduire en urgence sur Cotonou pour le mettre en prison aussitôt. Le scénario est parfaitement réussi et les différents acteurs ont parfaitement assumé leurs professionnalismes. Des félons épieurs du journaliste au pilote de l’avion en passant par les gendarmes ivoiriens et béninois, mais aussi des agents de l’homme. L’histoire contemporaine renseigne sur des journalistes tués ou exécutés de manière cruelle comme le cas du saoudien Jamal Khashoggi exécuté dans l’enceinte de l’ambassade de son pays en Turquie. Elle renseigne très peu sur un kidnapping aussi spectaculaire, mené en Côte d’Ivoire avec, comme on peut l’imaginer, le soutien et l’appui du gouvernement Ouattara qui a été l’hôte de son homologue du Bénin Patrice Talon quelques jours plus tôt. Ce kidnapping est le fruit d’une coopération réussie entre la police ivoirienne et béninoise qui a récupéré son « colis » une fois que Comlan Hugues Sossoukpè a été récupéré à l’aéroport d’Abidjan. Aucun des acteurs du scénario digne d’un thriller ne fera attention à son statut de « réfugié politique » obtenu à Lomé au Togo et qui lui confrère protection et assistance.
Cette opération, avouons-le, est le fruit d’une coopération réussie mais aussi le résultat d’une compétence de kidnapping qui s’est bonifiée avec le temps. Mieux que celle de l’opération du 12 août 2024 qui a amené des barbouzes du MMA à Lomé au Togo pour un rapt de Steve Amoussou sans l’autorisation des autorités togolaises. Ce dernier, contrairement à Comlan Hugues Sossoukpè n’avait pas le statut de « réfugié ». Entre ces deux opérations, les acteurs ont amélioré leurs expertises. Ils sont passés d’une opération tumultueuse menée à 200km à une autre à plus de 700km. Qui dit si demain, ils n’agiront pas plus loin. A Dakar ou peut être à Paris où quelques journalistes ou activistes insoumis pourront être les prochaines cibles.
Avec ces deux opérations, l’opinion dite internationale a une certaine idée de ce que représente la liberté de presse au Bénin. Si les journalistes qui vivent et travaillent à l’étranger sont traqués et « cueillis » de cette manière qu’en seraient les sorts de ceux qui sont à l’intérieur ? Elle s’offusque à bon droit sur les moyens déployés par le pouvoir pour mettre hors d’état de nuire un « petit » journaliste.
Avec cette opération, le Bénin n’a plus besoin, ni de communicateur d’influence, ni d’opposants aigris pour faire sa communication. Cet exploit parle pour lui. Il confirme un virage inquiétant et l’instauration d’une atmosphère de psychose qui font de la liberté de presse, non plus un droit constitutionnel mais un simple gadget pour garnir les discours de séduction politique.