Le jeudi 10 juillet 2025, au « Chant d’Oiseau » de Cotonou, l’Institut des Artisans de Justice et de Paix (IAJP) a lancé son cycle de réflexion du troisième trimestre à travers une conférence animée par le professeur Nassirou Bako Arifari. Le thème choisi : « Souveraineté du pouvoir politique en Afrique : entre unité africaine et impuissance des dirigeants » a été développé avec franchise et profondeur par l’ancien ministre des Affaires étrangères et actuel député à l’Assemblée nationale.
Dans son mot d’ouverture, le Père Arnaud Éric Aguénounon, directeur de l’IAJP, a insisté sur l’importance du dialogue pluridisciplinaire : « C’est important aujourd’hui d’écouter des acteurs de différentes sensibilités, de différentes cultures et de différentes expériences… pour que, à partir de ce temps de réflexion, nous puissions repartir vers nos différents chemins professionnels, sociaux, spirituels avec de nouveaux ingrédients. Et surtout avec beaucoup de motifs d’espérance. »
Il a rappelé que l’objectif de l’Institut est de stimuler la culture démocratique, sociale et étatique dans le cœur des Béninois.
Une souveraineté vidée de sa substance
Prenant la parole, le professeur Nassirou Bako Arifari a précisé qu’il avait « réorienté » le thème à sa manière, sans trahir son esprit. À travers l’exemple marquant de la crise libyenne de 2011, il a illustré la vulnérabilité de la diplomatie africaine. Il a notamment évoqué l’épisode où une délégation de chefs d’État africains n’a pu accéder à Tripoli, l’OTAN ayant interdit le survol de l’espace aérien.
« C’est une résolution votée par trois pays africains membres du Conseil de sécurité – Afrique du Sud, Gabon et Nigeria – qui a permis cette intervention. L’Afrique a elle-même signé son impuissance », a-t-il dénoncé.
Ce cas symbolise, selon lui, le décalage profond entre les principes affichés de souveraineté dans les textes fondateurs de l’Union africaine et la réalité des faits.
Une unité entravée par les dirigeants eux-mêmes
Le conférencier a souligné que l’unité africaine est un idéal toujours en gestation, freiné par l’impuissance des dirigeants, laquelle affecte tant la souveraineté des États que le processus d’intégration continentale. Il a même posé une question provocatrice : « Ne faut-il pas se demander si, au-delà de l’impuissance, il n’existe pas une forme d’auto-incapacitation volontaire des dirigeants, prêts à renoncer à certains attributs de souveraineté au nom de l’unité ou sous la pression extérieure ? »
Pour lui, la souveraineté africaine, dans le contexte actuel, est davantage un principe juridique revendiqué qu’une réalité concrète. Elle est constamment neutralisée ou banalisée par des contraintes structurelles.
Une vision critique de l’unité africaine
Revenant à l’histoire, Bako Arifari a affirmé que l’Afrique n’a jamais été unifiée par le passé : « L’unité africaine, telle qu’on la conçoit aujourd’hui, est un détournement du projet colonial, né de la volonté de réappropriation des anciens espaces coloniaux. »
Il en conclut que l’Union africaine est une tentative de reconfiguration politique sur la base de frontières héritées, et non l’expression d’une continuité historique africaine.
Un appel à la lucidité collective
En clôture, le professeur a appelé à une relecture critique des notions de souveraineté, d’unité et de leadership en Afrique. Le Père Aguénounon, pour sa part, a souligné l’importance de transformer la souveraineté en un instrument de solidarité, et non en un simple bouclier nationaliste.