(Les articles 50, 60 et 148 choquent plus d’un)
Promulguée le 22 juillet 2025 par le Président Patrice Talon, la Loi N° 2025-19 sur les associations et fondations modernise le cadre juridique du secteur associatif au Bénin. Si elle renforce la transparence, la gouvernance et la reconnaissance des structures œuvrant pour l’intérêt général, certains articles, notamment les 50, 60 et 148, suscitent une réelle inquiétude en matière de libertés publiques. Analyse critique d’un texte qui, sous couvert d’organisation, pourrait porter atteinte à l’essence même de la liberté d’association.
Adoptée le 9 juillet 2025 à l’Assemblée nationale et promulguée moins de deux semaines plus tard, la Loi N° 2025-19 relative aux associations et aux fondations au Bénin se veut un instrument structurant. Elle définit les conditions de création, de fonctionnement et de contrôle des associations, fondations et ONG, qu’elles soient béninoises ou étrangères. L’intention affichée est claire. Il s’agit de professionnaliser et de moraliser un secteur en pleine expansion, tout en valorisant son apport au développement national.
Mais derrière cette volonté d’encadrement, certains articles suscitent de vives interrogations. En prenant en premier l’exemple de l’article 50, on penserait à une interdiction problématique de la parole politique. Cet article interdit formellement à toute association de « rendre des positions politiques » ou de « susciter tout acte contraire aux lois », notamment la violence, la sédition ou la discrimination. Si la seconde partie de l’article est de bon sens, la première pose un sérieux problème de cohérence démocratique. Il existe en effet de nombreuses associations spécialisées dans la gouvernance, le plaidoyer citoyen ou la promotion de la démocratie. Refuser à ces structures la possibilité de prendre position sur des enjeux politiques, c’est les condamner à l’impuissance. Pire, cela confond action politique et militantisme partisan, alors que les ONG ont souvent vocation à nourrir le débat public sans être inféodés à un parti. Une telle disposition risque donc de museler des acteurs essentiels de la société civile.
Le cas de l’article 60 se révèle comme une menace administrative sur la liberté d’association. Encore plus inquiétant, cet article accorde à l’autorité administrative compétente le pouvoir de suspendre les activités d’une association si elle estime que celle-ci agit en dehors de ses statuts ou viole la loi. En d’autres termes, une décision administrative, sans intervention préalable d’un juge, peut entraîner la fermeture d’une organisation. Cette disposition crée une brèche dangereuse pour les droits fondamentaux. Sans garanties claires d’indépendance et sans procédure contradictoire explicite, une telle suspension pourrait servir à neutraliser arbitrairement des associations critiques du pouvoir ou engagées dans des causes sensibles.
L’épée de Damoclès des anciens statuts vient de l’article 148 qui impose aux associations et fondations déjà existantes de se conformer à la nouvelle loi, sous peine de perdre leur personnalité juridique. Si la mise à jour des statuts est compréhensible dans une logique d’harmonisation, cette exigence pourrait s’avérer lourde pour les petites structures qui manquent de moyens juridiques ou techniques. En l’absence d’un accompagnement effectif de l’État pour aider à cette transition, certaines associations pourraient simplement disparaître ou se retrouver dans une insécurité juridique chronique.
Il faut retenir que la nouvelle loi contient certes des avancées sur le plan de la clarification des catégories d’associations, d’encadrement de la gestion financière, de la promotion de la transparence et de la possibilité de reconnaissance d’utilité publique. Mais elle glisse dangereusement vers un contrôle renforcé du secteur associatif, au risque d’étouffer sa vitalité et sa liberté d’expression.
Gildas AHOGNI
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