Tu sais, j’ai lu tant de choses au sujet de l’ex international béninois Razack Omotoyossi. Certains disent qu’il se prenait la tête quand il jouait, même ceux envers qui il aurait été généreux le murmurent aujourd’hui. Honnêtement, je n’en sais rien, car je n’ai jamais eu ce genre de rapport avec lui. Ce que je vois, en revanche, c’est qu’il est aujourd’hui dans la merde, et qu’il a le courage de demander de l’aide. Et rien que pour ça, je refuse de le juger.
Oui, il a connu la gloire. Il a signé de beaux contrats, il a gagné de l’argent, et personne ne pourra jamais lui enlever cela. Mais la vie, tu le sais aussi bien que moi, peut basculer. On a vu bien d’autres tomber, des sportifs et des artistes, qui ont brillé avant de sombrer.
Quand Razack jouait pour le Bénin, personne ne lui demandait où il construisait, ce qu’il faisait de son argent, où il comptait vieillir. Il portait nos couleurs, et c’était tout ce qui comptait. Aujourd’hui, il tend la main. Ce n’est pas un signe de faiblesse, c’est un acte de courage. Il sait très bien que cela peut lui attirer des critiques, des moqueries, mais il le fait quand même.
Il demande simplement de l’aide. Que ceux qui peuvent le fassent.
Ce qu’il vit aujourd’hui n’est pas qu’une histoire personnelle. C’est un signal d’alarme. Combien de sportifs, une fois les projecteurs éteints, sombrent dans l’oubli ? Combien glissent vers l’alcool, la drogue, la solitude ? Aristide Sagbo, dit Soweto, boxeur béninois réputé pour son talent et surtout pour sa technique de dribble exceptionnelle sur le ring, a lui aussi connu la déchéance malgré une carrière qu’on croyait bien gérée.
Aux États-Unis, Mike Tyson, l’un des plus grands boxeurs de l’histoire, a lui aussi connu la chute. Après avoir régné sur les rings, il a sombré dans les excès, les dettes, la prison. Il s’en est relevé, mais à quel prix ? Combien ont la même force que lui pour s’en sortir ?
Whitney Houston, elle, a été retrouvée morte dans sa baignoire, seule, rongée par ses démons.
On juge aujourd’hui Razack parce qu’il a des origines nigérianes ? Parce qu’il a construit là-bas ? Mais que dit-on de tous ces frères béninois de souche tombés dans la détresse, parfois sans même jamais avoir eu le courage de demander de l’aide ?
Le vrai sujet, ce n’est pas simplement de savoir s’il faut l’aider aujourd’hui. C’est de penser à l’après. À la reconversion. À ce qu’on peut mettre en place pour que celui qui tombe puisse vraiment se relever, et ne soit plus jamais obligé de tendre la main. C’est là que doit se concentrer notre vraie solidarité.
C’est une leçon aussi pour les jeunes sportifs. Beaucoup, dès qu’ils commencent à gagner un peu d’argent, s’enflamment , ils font les soirées, le luxe, les dépenses folles. Ils oublient que la carrière est courte, et que demain peut tout faire basculer.
Trop souvent, ils ouvrent les yeux quand il est déjà trop tard. Et nous voyons celui qui souffre parti, dans le silence. Alors agissons pendant qu’il est encore temps. Pas par pitié mais par solidarité. Par conscience. Par devoir de mémoire. Et surtout, par amour mais l’aide n’est pas une obligation.
La vraie question tourne autour de la reconversion de nos athlètes, toutes disciplines confondues. Déjà, ceux qui pratiquent le sport au pays gagnent peu ; certains n’ont rien appris en dehors du sport. Une fois à la retraite sportive, plusieurs quémandent. Il serait peut-être temps de créer un cabinet de conseils et d’orientations de fin de carrière. Aux athlètes de tirer les leçons de ce qui est arrivé à leurs aînés ces soixante dernières années. Malheureusement, en activité, les sportifs ont souvent l’oreille dure.
Hugues Zinsou Zounon