Dans une dernière adresse au peuple béninois paru dans le journal La flamme du…. – et dont nous oublions l’intégralité ici- Philippe Noudjènoumè déconseille aux Béninois le choix de Boni Yayi et de son parti comme solution alternative à la gouvernance Talon. Exemples à l’appui, il rappelle les nombreuses dérives autocratiques qui ont jalonné les deux quinquennats de l’homme de Tchaourou et propose d’autres solutions de sortie de crise. Réponse du berger à la bergère, Boni Zimé, béninois de la diaspora, le reprend aux mots, l’accusant de passer sous silence les mêmes dérives qui ont court sous le président Talon: une sorte de complicité qui ne dit pas son nom.
Adresse du président Philippe Noudjènoumè au peuple béninois
Peuple du Benin,
Mes chers Concitoyennes et Concitoyens,
Depuis quelques jours, début juin 2025, nous assistons à cette scène que les partis UPR, BR et « Les Démocrates », prennent d’assaut nos villes et villages en campagne pour les élections générales de janvier 2026. Déjà, les mêmes scènes recommencent avec pour conséquences inévitables les mêmes effets. Le périple du porte-parole du Gouvernement, Wilfrid Léandre Houngbédji, ainsi que celui des ministres-conseillers dans tous les départements particulièrement ceux du Nord pour expliquer et présenter les « réalisations » du Pouvoir de la rupture rentrent dans cette ligne.
Ceci intervient après cette période où l’on a observé l’éveil de la conscience du peuple (à travers des manifestations diverses) dans le refus total et sans appel de la politique actuelle du pouvoir de la Rupture avec des mots d’ordre comme : « Non » à la famine organisée ; « Non » à l’assassinat crapuleux de nos soldats par les troupes françaises par terroristes interposés ; « Non » aux tracasseries multiples contre les producteurs d’acajou, de soja, et contre les transporteurs ; liberté aux détenus politiques et retour des exilés politiques ; «Nous voulons une Assise nationale ».
Peuple béninois,
Dans mon Adresse à votre endroit en date du 30 mai dernier intitulé « A propos du monstrueux code électoral de mars 2024 et les exigences du peuple pour la démocratie et l’émancipation du Benin », j’affirmais ceci : « Je dis, je persiste à dire : quel que soit les scénarios envisageables, aller aux élections avec le pouvoir de la Rupture en 2026, c’est cautionner le maintien de ce pouvoir, le maintien de nos concitoyens en prison et ceux en exil ; aller aux élections même avec le code électoral modifié, et sans changement des organes en charge des élections que sont la CENA et la Cour Constitutionnelle, aller aux élections dans ces conditions, c’est entériner la politique de la faim et de la misère, la guerre meurtrière que nous livre la France par terroristes interposés et qui endeuille les foyers faisant fuir les populations des régions infestées.
La seule solution salvatrice et émancipatrice, c’est se lever tous ensemble pour aller à une Constituante, une Nouvelle Conférence nationale. C’est la seule véritable exigence de l’heure ».
C’est dire que la lancée de cette campagne généralisée pour les élections de 2026 par les partis UPR-BR, « Les Démocrates » vise comme objectif direct de s’opposer à cette proposition. Donc vous commencez déjà par voir défiler, une fois encore devant vous, les partisans de la Mouvance et ceux du parti « Les Démocrates », avec encore des promesses les plus trompeuses les unes que les autres pour les élections générales de 2026.
Peuple béninois,
Dans la situation actuelle, comment se pose la question cruciale ? Elle se pose en terme de faire partir un pouvoir le plus autocratique, le plus brutal, le plus affameur, le plus impitoyable et le plus assassin de la souveraineté de notre Etat que notre pays ait connu depuis le Renouveau Démocratique. Rappelons seulement en synthèse les péchés capitaux que ce pouvoir dit de la Rupture a commis à l’encontre de notre peuple : 1°- mise en œuvre, au profit des intérêts privés, d’une politique systématique de famine et de ruine de toute la population dans ses multiples composantes (fonctionnaires, travailleurs salariés de toutes sortes, artisans, paysans, femmes des marchés, etc.) ; 2°- Accaparement à titre privatif de tout le patrimoine de l’Etat, transformation du monopole d’Etat en monopole privé pour un clan ; 3°- Destruction des acquis démocratiques ; 4°- Piétinement de la souveraineté de notre Etat livré aux troupes françaises de Dodds qui désormais prennent d’assaut notre pays et se pavanent dans nos contrées, et assassinent nos soldats par supplétifs terroristes interposés.
Non, ce pouvoir, plus personne n’en veut. En dépit des contorsions de toutes sortes (mises en avant des travaux d’infrastructures-mirage, de routes et autres dont personne ne peut à ce jour évaluer les coûts et ce que cela représente en termes de charges pour les générations futures) ; plus personne n’en veut. Le Pouvoir de la Rupture en est conscient. En cas d’élections libres et transparentes, ce pouvoir ne pourrait recueillir 5% des suffrages.
Voilà pourquoi, il serre tous les vis et boulons juridiques et institutionnels pour s’imposer comme il l’a toujours fait depuis les neuf années de pouvoir (Constitution révisée de novembre 2019 ; prise d’une panoplie de lois autocratiques et liberticides, mise en exil ou en prison de tout élément gênant ; Codes électoraux, tous d’exclusion : code électoral 2018-31 du 09 Octobre 2018 ; code électoral 2019- 43 du 15 Novembre 2019 ; code électoral de mars 2024 ; tentative d’encasernement du Parti PRD par le pouvoir UP- en dépit de toute évidence juridique, etc. ; mise à sa botte des Institutions en charge des élections : CENA, Cour Constitutionnelle. )
Avec ce pouvoir, aucune élection libre et transparente ne peut s’organiser, tel que nous l’enseigne l’expérience déjà faite des élections de 2019, 2020, 2021, 2023. Tout participant à cette mascarade électorale de 2026 qui se déroulera (même avec le code électoral de 2024 modifié) ne sera qu’un accompagnateur du pouvoir de Patrice Talon, et rien de plus.
Et pourtant voilà encore une fois, la nouvelle tromperie dans laquelle veut-nous engager, le Parti « Les Démocrates ».
Béninoises et Béninois,
Le parti « Les Démocrates » nous a fait déjà ce même coup aux élections législatives de 2023 à propos desquelles nous disions , s’agissant des » manœuvres du Président Talon » : « il faut trouver des acteurs (qui fassent illusion) pour accompagner le pouvoir de la Rupture dans cette œuvre…Pour faire illusion, ceux-ci doivent se présenter comme représentant la seule Opposition, le « seul Représentant du peuple ». Et une bonne partie du peuple y a cru. – Pour ce groupe, on organise un repêchage spécial pour lui permettre de compétir et cela au-delà de toute légalité.- On est allé jusqu’à écarter de la liste des candidats jugés par trop turbulents, par trop critiques vis-à-vis du pouvoir de la Rupture et y insérer les plus compréhensibles, les plus favorables à la « Rupture ». Au scrutin du 8 janvier même, des masses de ceux qui se sont déplacés pour aller voter se sont prononcés pour le Parti « Les Démocrates ».
Qu’à cela ne tienne ! On partage les rôles. Au Président du Parti Houndété d’interdire des publications de résultats pouvant déranger le plan en cours, aux structures électorales de faire le reste. Résultat : On proclame élus 28 députés de « Les Démocrates », nombre tout juste suffisant pour faire le change ; pour ne rien déranger. Toutes les lois autocratiques demeureront ; les lois nouvelles ne peuvent être votées par cette minorité. Par contre, elle aura sa place dans le Bureau de l’Assemblée nationale, former un groupe parlementaire, faire jouir au Président Houndété, la fonction de Chef de l’Opposition avec ses avantages… Et l’autocratie continuera de fonctionner comme par le passé, plus forte que jamais, mais avec cet avantage qu’elle est désormais vue à l’International, comme un pouvoir démocratique, un pouvoir ayant organisé des « élections inclusives… Et par là, le Président Talon a atteint dans les grandes lignes, tous ses objectifs : le maintien de l’autocratie avec ses lois et règlements et le projet de se maintenir au-delà de 2026 ». (La Flamme du …février 2023).
C’est à cette même aventure que le parti Les « Démocrates » engage encore le peuple ; autrement dit à l’abattoir.
Peuple béninois,
Comment s’expliquer cette situation ?
Le parti « Les Démocrates », c’est avant tout YAYI Boni. Et celui-ci n’est point un novice sur la scène politique béninoise ; il a déjà gouverné pendant dix ans. Et le bilan des dix ans de la gouvernance de YAYI Boni n’est point reluisant ; pour ne pas dire catastrophique au contraire de toute la sirène de communicateurs payés par lui pour faire son éloge. On entend par-ci par-là des choses inouïes comme pour effacer l’histoire.
Mais quelques rappels des hauts faits passés sous YAYI indiquent nettement le contraire.
C’est déjà sous YAYI Boni que le droit de grève a été retiré aux travailleurs de la douane, parce qu’ils protestaient contre la livraison du contrôle des importations à Bénin-Control de Patrice Talon ; une loi a été votée dans ce sens, loi que la Cour Constitutionnelle de Robert Dossou a déclarée constitutionnelle. C’est sous Yayi Boni que les Secrétaires Généraux des centrales syndicales manifestant pacifiquement devant leur siège à la Bouse du Travail, ont été gazés et blessés par des grenades offensives et dont le sang a été traité de « sang de mouton » par ce même YAYI. C’est sous déjà Boni YAYI que le principe de la représentation des travailleurs proportionnellement au poids électoral a été remis en cause avec l’exclusion de la CSTB du Conseil Economique et Social en 2014 ; c’est sous YAYI Boni que déjà la question de la Charte à signer est intervenue avec Lionel Zinsou, premier ministre. C’est sous YAYI que le jeune FAWAZ manifestant pacifiquement à Natitingou a été abattu froidement le 04/5/ 2011 ; et pour compléter les choses, l’actuel Secrétaire Général de la CSTB, KASSA MAMPO, alors responsable départemental de la CSTB et membre de la direction de l’Association de Développement de Natitingou (ADENAT) a été arrêté trois fois et envoyé en prison à Missérété en 2013 avec d’autres de ses camarades de Natitingou, Paul FARADITO, Ignace SABI YERIMA et son fils, Philibert SABI YERIMA simplement parce qu’ils exigeaient que les fonds débloqués pour l’aménagement de la ville de Natitingou ne soient pas détournés. C’est sous YAYI Boni que Dame SOHOUDJI, ancienne ministre et Directrice du Conseil National des Chargeurs du Bénin (CNCB) a été assassinée sans que jusqu’à présent, les criminels aient été retrouvés ; c’est sous YAYI que Dangnivo a disparu et jamais retrouvé ; c’est sous YAYI que le Président d’ALCRER a été fusillé sans que jusqu’aujourd’hui les criminels soient retrouvés. Face au K.O électoral de 2011, YAYI Boni avec les protestations populaires, a déployé des chars dans les villes de Cotonou et de Porto-Novo et a prêté serment sous état de siège ; il est allé jusqu’à même gazer une manifestation de Députés pro-Houngbédji (avec leur écharpe de député) manifestant pacifiquement à Cotonou dans la zone du « Ciné Okpè-Oluwa », etc. Déjà, Yayi Boni nous parlait de « dictature de développement ».
Au plan des scandales financiers on peut citer Maria-Gletta, PPEAII, Machines Agricoles, ICC- Services, Siège de l’Assemblée nationale, etc. avec à la clé des centaines de milliards détournés à la charge du peuple ; sans oublier le nombre de concours frauduleux ; des noircissements de bitume de nombreuses voies appelées asphaltage ; l’exemple de la voie Akassato-Bohicon en est un exemple.
Non ! Peuple béninois, on ne peut et on ne doit oublier. Entendons- nous bien. Le pouvoir de la Rupture est mauvais, horrible même, l’accord est établi là-dessus. Sûrement plus mauvais que celui de Yayi Boni. Mais ce n’est pas parce que Talon est mauvais que Yayi est bon ou redevient bon. Non ! Nous devons nous débarrasser d’un syndrome : Pendant qu’un pouvoir est en place, et qui est réellement mauvais, on établit son caractère néfaste ; mais dès qu’il est parti, on s’empresse de le déclarer bon, de le magnifier au regard de la pratique tout aussi mauvaise de l’équipe en place. Exemple, Kérékou-Soglo-Kérékou. Autrement dit, on est à un éternel recommencement dans la négativité.
Peuple béninois,
C’est qu’au-delà des turbulences et mésententes pouvant intervenir entre les deux, Talon et Yayi Boni sont les mêmes quant au fond et s’entendent sur l’essentiel : empêcher coûte que coûte que notre peuple s’émancipe de la domination française, tous deux appartenant à la « Françafrique ». Depuis le débarquement des troupes françaises sur notre territoire, a-t-on jamais entendu le Parti « Les Démocrates » élever la voix pour dénoncer cette présence et exiger le départ immédiat de ces troupes d’occupation qui assassinent nos soldats ? Jamais.
Yayi, après avoir échoué à nous faire gouverner par un « Néo-colon », dépêché par la France en 2016, Lionel Zinsou, a trouvé en Patrice Talon le réalisateur du programme qu’aurait accompli son poulain malheureux : livrer le Bénin dans toutes ses dimensions politiques, économiques, culturelles, militaires à la puissance française. Ce n’est pas pour rien que Lionel Zinsou ne tarit point d’éloges à l’endroit de Patrice Talon. Ils sont pareils.
Peuple béninois,
Face à cette situation préoccupante- avec la faim généralisée et une partie de notre territoire occupée par les forces françaises, avec à la clé, des assassinats massifs de nos soldats, je vous appelle à vous mobiliser dans les villes et campagnes pour faire honte à ces marchands d’illusion qui sillonneront les rues à la recherche de voix pour se faire encore plus d’argent sur le dos du peuple et en affamant d’avantage le peuple.
J’appelle le peuple à dire « Non » à tous ces tenants du maintien du pouvoir actuel, qu’ils soient de la mouvance (UPR- BR) ou du parti « Les Démocrates », à leur dire que vous voulez un autre pouvoir que celui de Talon et que ce pouvoir ne peut s’établir qu’à travers une Conférence nationale.
Cotonou, le 13 Juin 2025.
Philippe Toyo NOUDJENOUME
Président de l’Alliance Pour la Patrie !
Premier Secrétaire du PCB.
Dakar le 16 juin 2025
Monsieur NOUDJENOUME,
Votre dernière adresse au peuple béninois, publiée dans La Flamme n°601, s’apparente moins à une contribution politique éclairée qu’à un règlement de comptes personnel teinté de ressentiment. Vous prétendez éclairer le peuple, mais c’est la rancune qui éclaire votre plume. Cela mérite une mise au point, non pour défendre un homme, mais pour défendre la mémoire collective, l’intelligence politique et le bon usage de l’histoire.
La politique ne se fait pas avec l’aigreur
Vous affirmez que le parti Les Démocrates n’est que l’ombre de YAYI Boni. Mais même si c’était le cas, il vous échoit d’attaquer les idées, non les individus. La politique, lorsqu’elle se réduit à une liste de faits mal alignés et sortis de leur contexte, devient de la propagande, non un projet.
Vous avez été un militant de la parole forte, mais vous êtes devenu un homme de l’attaque facile. Où est donc passé le Noudjenoume des grands débats intellectuels ? Celui qu’on écoutait pour ses propositions alternatives et non pour ses comptes d’apothicaire sur les défauts d’un autre régime ?
Les faits ne suffisent pas sans honnêteté intellectuelle
Vous égrenez une série de faits sous YAYI Boni, certes. Mais vous omettez tout un pan de réalité, volontairement
Sous YAYI Boni, le Bénin n’a connu aucun emprisonnement de journalistes comme aujourd’hui.
Sous YAYI Boni, les élections n’étaient pas sans opposition réelle.
Sous YAYI Boni, les libertés syndicales, même réprimées parfois, n’ont jamais été supprimées légalement, contrairement à certaines lois actuelles où les grèves ont été quasi interdites
Les drames humains que vous citez assassinats, disparitions sont graves, mais aucune justice n’a été empêchée d’enquêter. Où sont les résultats des enquêtes ouvertes depuis votre silence sous le régime actuel ?
Par ailleurs, la question de la gestion des finances publiques est légitime. Mais encore faut-il avoir le courage de parler aussi des scandales actuels, que vous passez sous silence avec une prudence qui trahit votre posture
Affaires SODECO, BNDE, SOFIA, PETROALAFIA, etc.
Exclusion politique par la réforme du système partisan ;
Mise en coupe réglée des institutions de contre-pouvoir
Une leçon de démocratie à un professeur oublié
Vous vous dites professeur, mais vous enseignez quoi exactement ? La sélection partisane des faits ? Le mépris des contradictions politiques ? Ou le refus de l’alternance comme principe de respiration démocratique ?
Car la démocratie ne se limite pas à diaboliser un ancien président pour justifier un présent autoritaire. La démocratie, c’est le droit à la pluralité des choix, la liberté d’alternance, la protection des minorités. Et surtout, la démocratie suppose que même les anciens adversaires ont droit au respect de leur bilan global, aussi critiquable soit-il
Quand un intellectuel devient complice par silence
Pendant que vous vous acharnez sur le passé, vous restez muet sur les réalités actuelles
Les lois liberticides,
La cherté de vie imposée par des politiques économiques inhumaines
Le silence pesant sur la presse,
Le recul des droits sociaux
L’exil forcé de leaders politiques,
La personnalisation absolue du pouvoir.
Ce silence fait de vous un complice objectif de l’injustice actuelle, et le peuple béninois n’est pas dupe. Vous êtes devenu ce que vous critiquiez autrefois un intellectuel muet là où il faudrait parler, et bavard là où il faudrait construire.
Ne pas instrumentaliser la mémoire collective
Oui, tout pouvoir a ses fautes. Oui, nul président n’est parfait. Mais la grandeur politique réside dans la capacité à proposer, non à détruire. Le Bénin mérite mieux que cette politique de règlement de comptes. Il mérite des hommes d’idées, pas des idéologues en mal de scène
L’histoire jugera. Mais elle jugera aussi les intellectuels qui auront vendu leur voix contre le silence des puissants.
BONI ZIMÉ