Depuis la campagne agricole 2022-2023, le gouvernement s’est invité dans la filière Soja qui a connu un boom ces dernières années au détriment de la filière Coton. Jusqu’en 2022, le Coton avait, en effet, la plus forte valeur d’exportation des produits agricoles au Bénin, soit 86%. Mais en 2023, il a perdu 20 points passant de 86 à 66% au profit de Soja qui est passé de 1,45 à plus de 12% des valeurs d’exportation des produits agricoles, et le Cajou qui passe de 4 à 14%. Pour mieux contrôler ces deux filières surtout le Soja, le gouvernement béninois a pris plusieurs mesures pour restreindre la liberté des producteurs dans la commercialisation de leurs produits.
Le 12 octobre 2022, le président Patrice Talon a pris le décret n°2022-568 portant interdiction de l’exportation de grain de soja et fixant les conditions de mise en œuvre de l’interdiction d’exportation des noix brutes de cajou et du grain de soja en République du Bénin. Le gouvernement a alors fixé le prix de vente du Soja à 190 FCFA le kilogramme pendant que le prix était bien plus haut au Togo voisin. Tous les privés qui achetaient le Soja et le Cajou ont été contraints à aller voir ailleurs, en imposant fortement le produit. Non content du prix fixé par l’État, les producteurs ont choisi exporter leurs produits pour mieux profiter de leur labeur alors que le gouvernement inaugurait la société GDIZ de Glo-Djigbé qui s’occuperait de la transformation de ce Soja. Depuis lors le gouvernement durcit les mesures contre les producteurs qu’il traque tels des trafiquants de stupéfiants, arrête et emprisonne parce qu’ils n’obéissent pas aux mesures d’interdiction d’exportation de Soja et de Cajou. De longues, larges et profondes tranchées ont été ouvertes sur les voies donnant accès au pays voisins et de grosses pierres ont été convoyées sur les routes pour empêcher les agriculteurs de sortir leurs produits du pays et les vendre aux plus offrants. Depuis quelques mois, les magasins des producteurs sont systématiquement scellés par les agents instruits par le gouvernement. Désormais, il est fait obligation à quiconque veut convoyer le soja de n’importe où (champ, maison, magasin etc.) de se faire délivrer une fiche dite de convoyage, par les services des douanes. Depuis 2022 où l’Etat béninois s’intéresse de très près à la filière, les paysans vivent l’enfer agricole qui les pousse, qui en exil, qui au suicide, qui en prison parce qu’ils n’arrivent plus à vendre suffisamment et réaliser de bénéfices sur leurs produits pour payer les dettes contractées auprès des banques et institutions de microfinance. Les enfants des producteurs sont de plus en plus déscolarisés, des familles se disloquent et la galère s’accentue au jour le jour.
De plus en plus, les paysans se désintéressent de la filière et d’autres n’hésitent pas à promettre ne plus produire le Soja à la prochaine saison. Comme le Coton, le Soja ne nourrit plus son homme, le producteur qui travaille pour le gouvernement qui s’accapare des produits à vil prix plongeant les producteurs dans d’énormes problèmes. « Pourquoi continuer à investir son énergie, son argent et son temps dans une filière pour ne finalement bénéficier que des humiliations, du stress, de la traque, des arrestations, des dettes etc ?» S’interroge un producteur de Savalou. Autrement dit, la production du Soja pourrait, les saisons à venir, connaître une drastique baisse du fait des conditions très difficiles de commercialisation du produit que le gouvernement veut à tout prix contrôler et ce, pour lui seul.