Les derniers propos de Christian Trimua, Secrétaire général du gouvernement togolais sur l’affaire Hounvi ont ravivé les inquiétudes du côté de l’opposition béninoise. Mieux, ils confirment les craintes de certains qui- depuis le 12 août 2024 où le chroniqueur Steve Amoussou a été kidnappé dans les rues de Lomé- pensent que le Togo n’est plus un pays « sûr » pour des opposants du Bénin et d’ailleurs.
Depuis le 12 août 2024 -où des barbouzes partis de Cotonou sont allés kidnapper nuitamment dans les rues de Lomé Steve Hounvi assimilé au chroniqueur – les relations diplomatiques entre le Bénin et le Togo souffrent le chaud et le froid. Elles qui n’étaient si bonnes depuis 2016 se trouvent ainsi viciées par une affaire politico-judiciaire à l’allure sulfureuse. Après quelques jours de mutisme, la partie togolaise avait bien réagi par le truchement du procureur de la République de Lomé Talaka Mawama qui, dans un communiqué lu à la télévision nationale togolaise avait déploré ce kidnapping et annoncé la poursuite judiciaire contre six personnes impliquées dans cette affaire. Quatre des six étant au Bénin, un mandat d’arrêt international avait été lancé contre eux tandis que les deux autres sont arrêtés à Lomé et mises sous mandat de dépôt. Quelques jours après, un peu comme si elle voulait rassurer la justice togolaise, la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme(CRIET) avait organisé un procès hatif pour condamner les ravisseurs qui ont comparu libres à des peines de prison légères de deux ans de prison dont une ferme contre deux des quatre ravisseurs. Ouanilo Fagla, Directeur Général du Centre National des Investigations Numériques(CNIN) et proche du gouvernement a été lui acquitté alors qu’il faisait partie des personnes contre lesquelles la justice togolaise a lancé des mandats d’arrêt.
La volte-face de Trimua
Dans une récente interview accordée à notre confrère Babylas Boton dans son émission « Talk », « Les mandats d’arrêt sont toujours en vigueur mais vous savez, qu’en droit, on ne juge pas une chose deux fois, une fois que l’Etat du Bénin a réglé la question et condamné certaines personnes parmi elles, évidemment nous ne pouvons plus les juger et les condamner une 2è fois pour les mêmes peines », affirme Trimua qui ajoute : « je n’ai pas vérifié l’état d’éxécution actuelle des mandats d’arrêt mais techniquement à terme pour ces personnes, le mandat d’arrêt devrait tomber parce que nous ne pouvons pas juger deux fois les mêmes faits, c’est un principe qui est connu de tous nos pays et nous les partageons. Une fois que le Bénin a déjà réglé le problème, le Togo ne peut pas régler le même problème deux fois. En revanche, pour celles qui n’ont pas objet de condamnation, les procédures se poursuivront ». Par conséquent, Jimmy Gandaho et Géraud Gbaguidi et Ouanilo Fagla ne devront rien craindre dans leurs différents déplacements. Ce dernier n’a d’ailleurs pas attendu la déclaration du secrétaire général du gouvernement togolais pour sortir du Bénin. Le 03 octobre dernier, il était présent à Africa Day , organisé à Paris en marge du sommet de la francophonie. Il avait été même félicité par le président français Emmanuel Macron pour avoir été le seul africain qui ait réussi à convaincre Epitech Paris de s’installer en Afrique. Sûrement qu’il aurait été rassuré par les autorités politiques du Bénin qu’il ne craindrait rien. En effet, courant septembre, le gouvernement béninois a envoyé plusieurs délégations à Lomé pour convaincre les autorités togolaises d’assouplir leur position dans cette affaire. Le président de l’Assemblée Nationale Louis Vlavonou avait rencontré le président togolais Faure Gnassingbé le 1er octobre en marge à le 2è session ordinaire du parlement à Pya au nord du Togo. Depuis le Togo et sa justice se sont montrés moins incisifs dans ce dossier.
Précédent grave
Le kidnapping de Steve Amoussou a revélé à la fois la fragilité sécuritaire du régime togolais autant que son incapacité à protéger ceux qui, menacés dans leurs pays d’origine pour diverses raisons, cherchent refuge et protection sur le territoire togolais. En traitant avec banalité et désinvolture ce dossier comme on l’a remarqué dans les propos de Christian Trimua, le Togo confirme une fois encore n’être pas prêt à protéger les ressortissants étrangers qui cherchent protection sur son territoire. A la limite, il encourage le Bénin et d’autres pays qui ont des opposants qui résident à Lomé de venir simplement les chercher par des kidnappings et autres moyens martiaux. Et d’ailleurs ils ne risqueront rien, bien au contraire, l’Etat togolais collaborera avec cet Etat qui est libre de faire ce qu’il veut de « son citoyen ». Christian Trimua viendra dire chaque fois que le sort réservé à ce citoyen par l’Etat de son pays « ne concerne pas le Togo ». Le Togo qui est 102è pays sur 142 dans le monde pour l’indice de l’Etat de droit ne ferait ainsi rien pour améliorer son score. Bien au contraire, il semble bien si complaire comme le confirme bien le sourire narquois de Christian Trimua.