Depuis 2020, la diplomatie béninoise est tombée dans les mains des allogènes. Au nom d’un hypothétique réaménagement de la carte diplomatique et d’une rationalisation des finances publiques, les hommes politiques et les hommes d’affaires ont pris progressivement la place des diplomates. Conséquence : le Bénin multiplie les pas de clerc dans ses relations avec les voisins et le reste du monde. Et la casse ne semble pas s’arrêter de si tôt.
Le dossier « Niger » a révélé à la face du monde les malaises d’une diplomatie béninoise qui semble battre de l’aile. Spécialistes, comme non spécialistes, tous ont décelé dans les agissements saugrenus du gouvernement et de son chef, les indices d’un balbutiement diplomatique. Les agissements n’ont pas manqué de surprendre plus d’un puisqu’ils viennent après l’embellie obtenue avec le réchauffement des relations avec le Nigéria. On s’attendait donc à mieux qu’à cette série de provocations et d’arrogances jamais observée entre les relations entre les deux pays. Même si on doit aussi déplorer, par endroits, le manque de flexibilité des dirigeants de la junte, il est évident que le Bénin a, lui, battu le record des décisions et déclarations incendiaires. Pourtant, ce qu’on a observé ne devrait pas suspendre. Il est le résultat, somme toute manifeste, de la dernière réforme implémentée par le domaine par le gouvernement et qui a consisté à écarter les professionnels pour confier la diplomatie aux hommes politiques et aux hommes d’affaires. Tout allait bien jusqu’en 2019 lorsque le gouvernement a décidé d’adopter une nouvelle carte diplomatique. Celle-ci devrait avoir comme priorité la rationalisation des finances publiques avec pour corollaire la réduction du nombre d’ambassades du Bénin à l’extérieur. Celles qui sont maintenues devraient se muer en des « centres d’affaires » qui doivent faire des recettes et permettent à l’Etat de faire du profit. C’est ce qu’on a appelé par ici la « diplomatie économique ». Le gouvernement, à l’instar de la Suède et du Rwanda, a opté pour le système d’ambassades non résidentes avec des ambassadeurs qui exercent depuis Cotonou
Mais derrière cela, il y avait un plan savamment orchestré pour écarter les diplomates. Quatre ans après, l’amer constat est que presque tous les diplomates sont retournés au Ministère avec des promesses de relance de carrière et d’amélioration des conditions de vie et d’octroi d’avantages administratifs et financiers non tenues. Cette carte diplomatique, est passée de 33 ambassades à 14. Le Bénin compte actuellement 14 ambassades et 02 Consulats généraux avec les réouvertures entre 2021 et 2022 de la Mission Permanente du Bénin près les Nations Unies à New York et la Mission Permanente du Bénin près de l’Union Africaine à Addis-Abéba.
Les diplomates « persona non grata »
En dépit des vives critiques qu’a suscitées cette réforme, le gouvernement l’a mis en œuvre. Les deux diplomates nommés à New York et Addis-Abéba sont Hervé Djokpé et Hermann Araba, tous deux secrétaires généraux du Ministère des Affaires Etrangères. Au ministère, la joie revient sur tous les visages et beaucoup se disaient que le gouvernement allait continuer dans le même sens. Mais la joie sera de courte durée puisque les prochaines nominations ont fait déchanter tous les diplomates du Ministère. Selon des indiscrétions, les deux personnes nommées ont bien bénéficié de « couverture politique ». Hervé Djokpé étant à la veille de sa retraite est parrainé par l’ex-ministre de la Justice Sévérin Quenum a été nommé à Addis-Abeba et Hermann Araba est estampillé comme membre d’un parti de la mouvance et victime par le passé d’un « injuste limogeage » alors qu’il était secrétaire général du Ministère. Il a donc bénéficié de repêchage. A par ces deux, le gouvernement a fait appel progressivement à des hommes politiques et des hommes d’affaires. Au total, sur les 16 Chefs de Missions Diplomatique et Consulaire( voir tableau), seuls 3 proviennent du Ministère des Affaires Etrangères. La diplomatie étant un outil fondamental de développement, de négociation et de règlement pacifique des différends internationaux pourtant les diplomates qui ont été totalement humiliés par le gouvernement et ne montrent peu disposés à discuter avec ce gouvernement qui adore visiblement le bras de fer. Et pour preuve, il a violé le principe des 25% d’allogènes. Une violation des textes qui régissent le secteur de la diplomatie et qui stipulent clairement que le politique a droit à nommer 1/3 des politiques comme diplomates et 2/3 pour les diplomates eux-mêmes.