Guère surpris par l’adoption du nouveau Code Electoral – car il avait donné l’alerte le 17 décembre – mais horripilé par les manigances politiques qui ont concouru à cela, Candide Azannaï est enfin de son mutisme de plusieurs mois. Hier mercredi 27 mars, il a animé une conférence de presse, dans son QG de Mènontin. Au menu, le code électoral et la démission du gouvernement de Patrice Talon intervenue sept ans plus tôt
Sa posture est restée celle d’un « résistant ». Son discours, celui d’un opposant farouche au régime avec la gravité de ton qui sied. Sa dialectique connue desormais renvoie dos à dos mouvance et opposition. La première dans le rôle du « dictateur » ou du « soutien à la dictature » et la seconde dans celle d’un « complice » ou du « traitre ». Pour une première fois depuis plusieurs mois, le président du parti « Restaurez l’espoir » a animé une conférence à bâtons rompus sans déclaration liminaire. Seul était précisé à l’avance le cadre : la commémoration des 7 ans de sa démission du gouvernement de Patrice Talon intervenue le 27 mars 2017. Le plat de résistance reste le code électoral et le calendrier électoral et le dessert, l’amélioration des conditions de vie des populations. L’ancien ministre délégué à la défense nationale plante le décor par sa démission qui est un acte illustratif majeur de son éthique en politique. « Il y a 7 ans exactement, soit le 27 mars 2017, après maintes réflexions et devant ce que j’appelle un cas de conscience, par rapport à mes motivations politiques originelles, j’avais à choisir entre la célébration des valeurs et des principes qui m’ont formé, qui m’ont vu naître, j’avais à les célébrer ou j’avais à succomber, à les profaner pour des avantages matériels, un peu d’argent et un peu de privilèges du pouvoir. J’ai réfléchi et je me suis dit que ce qui marque une différence entre un homme et un animal, c’est la capacité pour l’homme de se détacher du matériel pour vivre son statut de raison et de supériorité. Alors, je me suis dit, si je reste dans ce gouvernement, je n’aurai pas plus de valeur que l’âne car l’expression dit « il faut faire l’âne pour avoir le foin ». Et ayant dépassé largement cette prison de la matérialité, j’ai pris la liberté de sortir et j’ai dit à Patrice Talon « ce n’est pas ce qu’on s’est dit ». J’aurai l’occasion l’année prochaine, si la nature et la providence me donnent la vie et la santé, de sortir pour la première fois ma lettre de démission et tout le monde aura l’occasion de voir les trois raisons pour lesquelles je suis sorti du gouvernement de Patrice Talon car j’ai constaté que non seulement Patrice Talon fait de l’imposture, il a largement menti à la population. Il fait exactement le contraire de ce qu’il a dit qu’il va faire. J’ai voulu lui dire non, tout le monde ne peut pas se mettre à ses bottes. Tout le monde ne se chiffre pas et ne se vend pas en termes d’argent, de CFA ou de dollar », a expliqué Candide Azannaï.
« Pas d’alternance par la voie des urnes »
Abordant le second sujet, Candide Azannaï précise que le thème de ces échanges concerne le code électoral et peut s’intituler : « Code Electoral, l’agenda électoral de 2026 : en l’état actuel des lois et des structures électorales, il est impossible d’avoir une alternance par la voie des urnes ». Pour le conférencier, « si nous prenons le code électoral tel qu’il est avec l’agenda électoral de 2026, il est manifestement impossible de croire à une alternance politique par la voie des urnes. Ce n’est pas possible ». Selon sa première explication, « lorsqu’on passe de 10% à 15% de parrainage et on pose la barre, l’obstacle des 15% de parrainage à un moment précis où il n’y a pas de compétition pour tester la capacité ou l’incapacité de X ou Y pour franchir ou ne pas franchir et on fixe ça avant alors que ce n’était pas prévu, vous comprenez que c’est une supercherie. Il n’y a plus de compétition à venir pour vérifier qui est apte et qui ne l’est pas, c’est une vraie escroquerie car si nous disons que chaque élection est une photographie du sentiment populaire à un moment donné, alors il n’y a plus cette photographie. Que vaut l’UP aujourd’hui en termes de confiance populaire ? Que vaut le BR en termes de confiance populaire ? Que vaut Les Démocrates en termes de confiance populaire ? Que vaut Patrice Talon en termes de confiance populaire ? Est-ce qu’il me vaut en termes de confiance populaire ? Non. Et personne ne peut dire que qui valait hier a de valeur aujourd’hui car l’électorat est fluctuant dans la mesure où la politique est une affaire d’opinion qui change en fonction de la méfiance ou de la confiance du moment ». Il affirme avoir alerté le 17 décembre 2023 sur le parrainage et rappelle qu’à la veille de 2021, le parrainage avait créé de gros problèmes à la mouvance car il n’était pas tellement encadré, enfermé et mis sous tutelle. Et ça a créé des problèmes et ces problèmes ont failli faire voler en éclat tout le système de la rupture. Pour lui, le parrainage est institué pour donner du contenu à la profession de foi de Patrice Talon qui veut qu’on compétisse sans concurrent et pour le faire, on met des obstacles qui empêchent les candidats et pour vous permettre de compétir sans concurrent ou de désigner vous-même vos concurrents. Car, desormais, dira-t-il, « Les députés et les maires ont été dépossédés de tout droit de parrainer. Ce droit est confié aux partis politiques et sera utilisé tel que les partis politiques le souhaitent ou ça s’annule. Le député ou maire n’est plus parrain »
Les Démocrates bernés
Rappelant l’introduction hors délai, hors procédure par l’honorable Nourenou Atchadé d’une proposition de loi électorale, il dit que c’est une stratégie bête du parti. « On ne marche pas sur les pistes ouvertes par l’adversaire », a-t-il affirmé. Et d’ajouter qu’ils se sont pris à leur propre piège en voulant faire le jeu de Talon. « Tout stratège sait que devant un appât fumant, il faut être prudent car il peut avoir un hameçon. On ne teste pas la profondeur d’un cours d’eau avec un pied mais avec un bâton. Ils croyaient qu’en faisant le jeu de Patrice Talon ils peuvent être le gros parti de l’opposition, avoir le monopole de l’opposition. Non, le piège se ferme sur eux. Aujourd’hui, en dehors des 15%, ils auront l’obstacle 20% et aussi celui des 3/5. Et ce n’est pas fini. L’ingénierie électorale de la rupture n’est pas dans leurs mains. Tant sur l’organisation, le déroulement, le contentieux, ils n’ont rien », se désole le président du parti « Restaurez l’espoir » qui comme le nom de son parti, conclut que l’espoir est dans l’appel à l’union de toutes les forces contre la dictature.