Le projet de loi de budget, gestion 2024 a été voté par les députés de la 9ème législature par 82 voix pour 27 contre vendredi 07 décembre 2023 à l’hémicycle de Porto-Novo. Avant que ce projet de loi ne reçoive l’approbation des élus du peuple béninois, les députés du groupe parlementaire Les Démocrates, à travers une déclaration lue par l’honorable Habibou Woroucoubou au cours des débats, ont donné les raisons qui les ont motivées à rejeter ce budget. Pour eux, le gouvernement n’ a pas pris assez pris les dispositions nécessaires pour satisfaire aux attentes des béninois dans tous les secteurs tels que les questions relatives au reversement approximatif des aspirants au métier d’enseignant, l’incapacité du gouvernement à fournir de l’énergie électrique aux populations, la marginalisation du monde paysan, le manque d’enseignant et de salles de classes dans les établissements publics
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Monsieur le Président,
Chers collègues,
Le développement est un processus qui inclut la croissance mais englobe également des aspects tels que l’amélioration de la qualité de vie, la réduction de la pauvreté, l’amélioration de la santé, de l’éducation, de l’environnement. Il implique des changements qualitatifs et structurels dans la société, tels que des réformes politiques, des investissements dans l’infrastructure, des programmes de protection sociale.
Le budget soumis à notre examen recèle des statistiques macro-économiques (PIB, PNB, RN, …) qui ne capte pas encore notre confiance au regard du rebasage ayant conduit à leur détermination ; faisant ainsi du Bénin un pays à revenus intermédiaire. Au regard ce doute persistant et en attendant de nous convaincre de la justesse de ces agrégats macroéconomiques nous avons choisi de nous abstenir de faire certaines analyses purement techniques ayant pour but de donner un avis motivé sur la crédibilité et la fiabilité de ce budget. Cependant, nous allons nous permettre quelques observations et commentaires susceptibles de justifier le sens de notre vote.
Monsieur le Président,
Chers collègues,
L’objectif de transformation structurelle de l’économie de notre pays tant voulue par le gouvernement ne se réalisera-t-il pas, par une croissance soutenue susceptible de produire de la richesse qui génère une amélioration des conditions de vie de la population, une réduction des inégalités et de la pauvreté ? si tel est le cas, nous nous réjouissons des prouesses réalisées par le gouvernement depuis quelques années en matière de croissance économique et donc développement.
Dans cette veine, il est important de noter que la croissance souhaitée par le peuple béninois soit celle capable de générer le développement humain comme un processus « d’élargissement du choix des gens », mettant en avant la liberté de jouir d’une bonne santé, d’une bonne éducation et de profiter d’un niveau de vie décent. Ainsi, les individus, en s’enrichissant, vont consacrer relativement moins d’argent aux besoins primaires et commencer à satisfaire des besoins secondaires (dépenses pour l’éducation, la santé, la culture, les loisirs…) ce qui va améliorer leur capital humain et leur qualité de vie. De même les entreprises, en accumulant du capital physique et technologique, vont pouvoir innover et produire des biens ou des services répondant mieux aux besoins de la population.
La croissance dont souhaite le peuple doit également offrir des richesses qui permettent aux populations d’accéder à un bon niveau de santé, à un meilleur niveau éducatif, à meilleure participation à la vie politique …
A contrario du vœu du peuple béninois, la croissance actuelle dont se targue l’économie béninoise laisse à désirer bien qu’étant établi à un taux d’environ 6%. Si cette croissance existe vraiment elle est mal répartie et ne profite qu’à une minorité. Mieux elle semble peu utile pour les populations parce qu’elle ne favorise pas un meilleur accès la santé, à l’éducation, à l’eau, à l’électricité, à l’emploi, à l’insertion sociale, à la sécurité physique et économique (risque de chômage et à la qualité de l’environnement.
Mieux, le capital institutionnel regroupant l’ensemble des institutions de la république qui fixent les règles et les valeurs de notre société et qui président à l’intégration économique, sociale et politique des individus est en flagrante déséquilibre car appartenant majoritairement à une même chapelle politique. Cette représentation politique déséquilibrée affecte négativement la qualité de vie d’une frange non négligeable de notre population et n’augure aucune perspective heureuse pour l’avenir. C’est pourquoi, une législation adaptée, une réelle démocratie, un réel développement des libertés individuelles, un équilibre des forces politiques au sein des institutions de la république, pourraient très bien favoriser une croissance et développement plus humain susceptible de capter les avantages des innovations de développement et la confiance du peuple.
Le volontarisme politique manifesté ou proclamé par le Gouvernement de la rupture ne suffit pas à changer le mal être général que vivent les béninois au quotidien. Pire, il exaspère parce qu’il ne répond à aucun besoin. En vérité, il n’y a qu’une répartition plus égalitaire des revenus générés par l’activité productive qui permettrait à l’ensemble des populations béninoises de mieux satisfaire leurs besoins essentiels et d’accompagner le gouvernement dans ses efforts de développement.
Monsieur le Président,
Chers collègues,
La seule manière d’instaurer une croissance économique durable dans notre pays est de créer des emplois et de produire des biens. Ce qui suppose la définition de stratégies de développement claires et pertinente dans le domaine de l’agriculture et de l’industrie. Une telle stratégie doit requérir une participation sans faille des acteurs qui en dernier ressort deviendront les vecteurs et les promoteurs de l’action du gouvernement. Mais dans le cadre du budget général de l’Etat exercice 2024 en examen, les stratégies de développement envisagées dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie ne rassurent guère. En effet, pour ce qui est du budget de l’agriculture nous avons eu droit plus à des professions de foi qu’à une véritable stratégie de développement dudit secteur. Seul 5,82% du budget général de l’Etat est affecté à ce secteur. Or ce secteur est supposé être le moteur d’entrainement, le métronome des autres secteurs dont notamment celui de l’industrie. Comment pourrait-on booster le secteur industriel dans une stratégie de développement linéaire, si le secteur agricole ne connait pas un décollage réel en lien une stratégie de développement de maitrise de l’eau clairement définie ?
Le triste spectacle que nous observons depuis un certains dans le secteur de l’agriculture avec la maltraitance des pauvres producteurs de soja en dit suffisamment long sur les ambitions du gouvernement dans ce secteur. En effet, les petits producteurs de soja sont traqués dans notre pays comme des malpropres, les enfants malaimés ou mal élevés de la république. Une telle situation dénote de l’absence de stratégie du gouvernement dans ledit secteur. Sinon comment comprendre que le gouvernement choisisse d’entrer en conflit frontal avec les acteurs d’un secteur qu’il prétend vouloir développer ? Comment comprendre que depuis 2022 toutes les actions menées par le gouvernement dans ledit secteur se trouve vouer à l’échec ? Comment comprendre que des acteurs du secteurs soient constamment confrontés à la présence indiscrète des agents des forces de l’ordre dont leur expertise est requise sur d’autres théâtres d’opérations. Comment un secteur supposé servir de moteur d’entrainement aux autres peut faire l’objet de si tant de polémique avec des décisions controversées ? L’objectif de développement du secteur tel que voulu par le gouvernement doit-il se faire dehors des acteurs mêmes du secteur ou à leur détriment ? Voilà autant questions qui nous laissent perplexe quant à l’avenir de ce secteur. Notre inquiétude est encore d’autant plus grande quand on sait que le gouvernement veut faire du secteur de l’agriculture un des pôles stratégiques du processus de développement de notre pays.
Les récentes décisions prises par le gouvernement relatives à la libéralisation de la commercialisation du soja ne semblent pas changées grand-chose à la crise créée de toute pièce dans ledit secteur. Tellement la crise était déjà profonde que la confiance des acteurs négociants du secteur tardent à venir. Et en l’absence de ces acteurs économiques la reprise et le relèvement du prix du soja grain tel que souhaité par tous ne se réalisera pas, ce qui pourrait plomber le secteur. Le peuple béninois gagnerait si le gouvernement venait à changer sa politique d’imposition des règles de développement et fonctionnement dudit secteur. Il importe pour la réussite de l’organisation de ce secteur que tous les acteurs du secteur soient impliqués quel qu’en soit leur niveau. Ne dit-on pas, qu’on ne mobilise les hommes qu’autour de leurs intérêts. Le développement dans son ensemble doit-il être l’affaire de quelques initiés ? Non loin delà, le développement est l’affaire de tous. C’est une question d’intelligence collective. Pour le développement de ce secteur une pédagogie participative s’impose car aucun maillon de la chaine ne doit être négligé.
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Dans le domaine de l’énergie, le peuple béninois peine sous le coût élevé de l’énergie électrique et les coupures intempestives que nous avons du mal à conjuguer au passé malgré la mise en œuvre du plan national d’électrification. Il est important de réduire le coût de l’énergie pour soulager tant soit peu les peins de nos populations. Tout en saluant les efforts du gouvernement pour un accès universel à l’électricité, nous attendons impatiemment et surtout de tous nos veux l’accomplissement de la volonté du chef l’Etat de vendre l’énergie en Chine à moindre coût.
Dans le secteur de l’enseignement l’institution de l’aspiranat dans le corps des métiers de l’enseignement (aspirants au métier d’enseignent AME) est une réforme qui précarise davantage le métier l’enseignement réduisant certains enseignants à la grande misère ce qui n’est pas de nature à favoriser l’épanouissement des acteurs du secteur. De sorte que la qualité de l’enseignement aujourd’hui a pris un grand coup. Le choix du gouvernement de reverser pour le compte de l’année 2024, 3000 AME dans le corps des contractuels de l’Etat sur environ 30 000 ne résout aucunement la question de la quantité encore moins de la qualité de l’enseignement. Il convient revoir à la hausse ce chiffre d’agent AME et d’améliorer leur condition de vie.
Dans le domaine infrastructurel, le désir du gouvernement de renforcer les infrastructures scolaires est à saluer. Cependant il est important de rappeler au gouvernement que très peu d’infrastructures ont été réalisées pour le compte des différents corps d’enseignement. En conséquence, nous invitons le gouvernement à aller plus loin dans la réalisation des infrastructures scolaires.
Dans le domaine de l’enseignement technique la projection de la création d’une trentaine d’écoles techniques annoncée par le gouvernement à grands renforts médiatiques et devant être opérationnelle à partir de la rentrée 2023 n’a pu se réaliser mieux dans le cadre ce budget exercice 2024 ce projet est révisé à la baisse et ramenée 15 lycées et écoles techniques. Espérons que, cette fois-ci soit la bonne.
Dans le domaine de l’emploi, l’analyse du budget montre que pour l’exercice 2024, ce poste n’a pas vraiment retenu l’attention du gouvernement. Seulement 0,21% du budget général est alloué à l’emploi, cette situation ne favorise pas la résorption efficace encore moins efficience du chômage. Il aurait été utile d’accroitre les ressources allouées à l’emploi si vraiment le gouvernement a pour objectif de réduire significativement le chômage.
Dans le cadre de la gouvernance publique, il nous a été donné de constat que la gestion de la chose publique sous la rupture, est d’une opacité dépassant tout record. Comme si cela ne suffisait pas certaines entreprises clés ou directions générales de l’administration de notre pays sont passées dans les mains d’agents expatriés comme si notre pays ne disposait pas de cadres. Tendant ainsi à confirmer le qualificatif de désert de compétence attribué illégalement par le président Patrice Talon à notre pays. Ainsi, le port, l’aéroport, la SBEE, sont dans les mains d’expatrié. L’ANATT, l’ANIP, la Direction adjoint de douane sont dans les mains des Rwandais. Pour ne citer que ceux-là. Qu’avons-nous commis comme pêché vivre cette situation dans un pays entretemps connu comme le quartier latin de l’Afrique.
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Au regard de ce qui précède, après avoir apporté notre contre contribution républicaine à l’examen du budget à travers les travaux en commission et en plénière, et proposé des recommandations et amendements qui pour la plupart ont été acceptés, nous ne comptons pas apporter notre caution au vote de ce budget.